L’Aveyron, des Hommes et des vins

Didier Vieillescazes

Je prends un plaisir immense à redécouvrir l’Aveyron, ses paysages, sa gastronomie et surtout les gens. Très sensibles au rapport qualité prix, les Aveyronnais sont habitués à avoir de bons produits peu chers et ils peuvent négocier longtemps s’ils n’obtiennent pas le juste prix. Mais les Aveyronnais sont également fidèles, honnêtes et francs. Et je dois dire que ce sont des qualités particulièrement appréciables dans mes relations professionnelles. C’est à deux d’entre elles, Florian Falguières et Didier Vieillescazes, cavistes aveyronnais en qui j’ai particulièrement confiance et qui sont à mes yeux de grands commerçants, que j’ai demandé de me parler de l’Aveyron, de ses habitants et de ses vins.

Florian Falguières est co-gérant avec sa sœur Maelle des caves éponymes à Rodez et La Primaube. Les caves Falguières existe depuis 1954. Elles ont été beaucoup développées par Alain Falguières, le père de Florian, qui se consacre aujourd’hui à ses vignes près de Salles-la-Source. Il produit au domaine de l’Albinie de jolis Marcillac juteux et sapides. Après des études dans le commerce du vin à Montpellier et diverses expériences dans le mondo vino, Florian rejoint l’entreprise familiale en 2020. Ruthénoise d’origine et fine connaisseuse de sa région, la famille a su faire prospérer une maison riche en vins locaux où se côtoient grands noms et jeunes pousses prometteuses, beaucoup en agriculture bio et biodynamique.

Didier Vieillescaze, lui, n’est pas du milieu. Après une première vie dans la logistique, il entame une reconversion professionnelle, se forme à Paris et monte la structure Aux saveurs des vignes. Il travaille aujourd’hui main dans la main avec Puech Boissons et partage son temps entre une activité de conseil auprès de la restauration et son métier de caviste à Bozouls. Depuis huit ans que nous travaillons ensemble, nous avons tissé un lien professionnel quasi amical. Didier est un épicurien très amateur de la vallée du Rhône et j’apprécie beaucoup sa franchise. Il est toujours très honnête et spontané en dégustation. Tout le contraire d’un buveur d’étiquette, il préfère les petites pépites et les bons rapports qualités prix.

La production

L’Aveyron compte quatre AOP et une IGP qui représentent environ 300 hectares de vignes (à titre de comparaison, l’AOP Minervois c’est 5 000 hectares.) Les vignes sont plantées sur des coteaux, des terrasses, toujours vendangées manuellement. « Les terroirs d’altitude produisent des vins authentiques, avec beaucoup de fraîcheur, qui peuvent paraître parfois rustiques. Beaucoup de cépages autochtones rouges, tardifs et à faible degré alcoolique. “ résume Florian Falguieres.

La consommation

Quant au consommateur aveyronnais, est-il lui aussi « rustique et authentique » ? Pour Didier Vieillescaze, les goûts évoluent. Même si, comme dans toutes les régions, on y vend beaucoup de vins locaux, les Aveyronnais sont ouverts et tournés vers les vins du sud en général : Sud-Ouest, Languedoc et vallée du Rhône. Le blanc et le rosé prennent des parts de marché même si le rouge reste encore très majoritaire. Et le bio ? « C’est récent. Au départ, quand nous avons commencé à en vendre, les gens pensaient carrément que le bio ce n’était pas bon. » me raconte Florian. Même son de cloche du côté de Didier : « il y a encore quelques années, je vendais une bouteille sur dix en bio. Aujourd’hui, c’est plutôt 4/10 et ce serait certainement plus si j’en avais davantage. »

Tous deux travaillent également avec les restaurateurs locaux. Ils leur proposent des vins et élaborent leur carte. En Aveyron, comme dans le Gard, ce sont très souvent les cavistes qui vendent aux restaurants. Ils apportent ainsi un service de proximité et du conseil. Ces dernières années, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a eu un renouveau dans la restauration. « Beaucoup de gens originaires d’Aveyron sont partis à Paris ou dans d’autres grandes villes apprendre leur métier et reviennent en Aveyron riche d’un savoir-faire qui leur permet ensuite de monter des affaires. »

Le coup de cœur de Florian Falguières

Le domaine Cinq Peyres (que vous retrouvez bientôt grâce à lui dans la sélection de Vins d’avenir), situé dans le Gaillacois. Charles Bonnafont travaille en biodynamie avec l’idée de faire vivre tout un écosystème. Une partie du domaine est consacrée à la faune locale, aux insectes, ainsi qu’à la production maraîchère et florale, notamment pour les préparations à base de consoude, d’ortie, d’achillée et de prêle. L’idée est de produire une agriculture vivrière. Depuis plusieurs années, le domaine pratique lui-même le greffage pour se passer de pépiniériste et de la pauvreté des clones au profit d’une plus grande diversité génétique. Les fermentations sont spontanées et le soufre est banni lords de la vinification.

Le coup de cœur de Didier Villescazes

« Le domaine de Bias se situe dans le sud Aveyron, à Vabres l’Abbaye, près des caves de Roquefort. Tous les vins du domaine sont en IGP Aveyron et élevés en fût. C’est un petit domaine de six hectares. Anne-Laure et son frère Alexandre Allard ont transformé l’ancienne bergerie en chai de vinification. J’aime particulièrement la cuvée du Rouergue, assemblage à part égale de Pinot noir et de Syrah, et leur vin blanc d’assemblage de Chardonnay et de Roussanne. »

Des nouvelles du vignoble et des domaines

Sur le front végétal 

Au Clos Roussely, bonne nouvelle : le domaine est passé en biodynamie et certaines cuvées seront d’ores et déjà labellisées en 2022. Une suite logique pour ce domaine de Touraine conduit en agriculture biologique et qui a fait de la traction animale l’une de ses spécificités (comme on le voit sur la photo prise chez eux). Comme beaucoup d’autres, le domaine Rieflé, en Alsace, a dû affronter le gel. Annick Rieflé témoigne : « Certaines nuits fraîches nous ont empêchés de bien dormir… Il faut attendre pour connaître les effets de ces gelées, très variables selon l’exposition de la vigne, l’altitude ou encore le cépage. Nous sommes inquiets pour le Gewürztraminer, variété précoce. Le mois de mars a été bien ensoleillé, heureusement que les nuits froides avaient ralenti le débourrement, c’est-à-dire la sortie des bourgeons. Une chose est sûre : notre voisin ne nous apportera pas de cerises, les arboriculteurs ont déjà constaté les dégâts. »

Carnet rose : les nouvelles cuvées

Au domaine Monplézy, c’est une cuvée baptisée Calcaires Nord qui rejoint le reste de la gamme. Benoit Gil imprime son style moderne à cet assemblage 50 % Grenache, 30 % Cinsault et 20 % Mourvèdre. Résultat : un vin racé au tannins fins mais présents, une belle matière en bouche, des arômes de fruits rouges (framboise, gelée de mûre) et d’élégantes notes de violettes. Au Mas Baudin, une cuvée sans soufre 100 % Syrah baptisée Coquin de sort, un fruit pur et une grande netteté pour ce premier essai sans sulfites ajoutées.

Au domaine Delacroix Kerhoas ce n’est pas une première mais une nouvelle cuvée en Côtes du Rhône sans soufre fait son entrée. Hâte de goûter…

Il faudra encore patienter un peu…

Au domaine Albert de Conti, les amphores viennent d’arriver et abriteront un très beau cépage ligérien, le Chenin.

Au Pas de la Dame, Un air de liberté propose un Merlot entièrement vinifié sous marc. Au fil du temps, les peaux descendent dans la cuve et font office de filtre naturel avant la mise en bouteille. Le résultat est bluffant : le vin, limpide, gagne en arômes et en matière. Pour l’instant il patiente encore en bouteilles. Les vignerons le dégustent régulièrement et attendent d’obtenir des tanins fondus et des notes un peu plus complexes de fruits cuits. Attention, cette méthode demande énormément de surveillance et une vendange bien mûre et parfaitement triée.

Guillaume de Conti du domaine Albert de Conti

Guillaume de Conti au centre, entre ses deux associés du domaine Albert de Conti.

J’ai rencontré Guillaume de Conti il y a plus de dix ans lors d’un rocambolesque voyage en Chine. Il est devenu un ami avant de devenir un vigneron de la sélection Vins d’Avenir. À l’époque, j’ai goûté les vins Château Tour des Gendres, le domaine créé par Luc et Francis de Conti, le père de Guillaume. Je les ai tout de suite aimés, tout particulièrement les blancs. J’ai également compris très vite que Guillaume est un vrai mordu de vin. Dégustateur averti, curieux, il n’hésite pas à expérimenter et à bousculer les codes.  Je suis très heureuse de le voir aujourd’hui prendre son envol avec la création du domaine Albert de Conti.

1) Ton premier souvenir lié au vin ?

Les campagnes de vendanges dans la machine avec mon père qui avait aussi une activité de prestataire de service pour d’autres domaines. Je devais avoir quatre ans.

2) Ta plus grande émotion ?

Un Côte-Rôtie de Jean-Michel Stephan dégusté en 2014 avec un importateur danois. Un vin nature d’une pureté absolue.

3) Un millésime marquant ?

2021, le premier millésime que nous avons vinifié au domaine Albert de Conti

4) Ta (tes) région (s) de prédilection ?

La Savoie, j’adore leurs cépages, leurs vins. C’est une histoire familiale aussi car mon arrière-grand-mère est savoyarde et il se trouve que ma compagne l’est aussi. La boucle est bouclée.

5) Ton cépage préféré ?

J’ai eu un énorme coup de cœur pour l’Étraire de la Dhuy, une très vieille variété du Dauphiné. J’en ai apporté une bouteille que j’ai dégustée avec un ami vigneron et mon associé Yann. Nous avons trouvé le vin d’un équilibre remarquable. Nous l’avons ensuite fait analyser et les résultats ont confirmé l’énorme potentiel de ce cépage. Nous en plantons 50 ares. Vous pourrez en déguster d’ici trois ans.

6) Que trouve-t-on dans ta cave ?

Beaucoup de choses : des vins de Savoie donc, des vins du Sud-Ouest pour l’incroyable diversité de sols et de cépages. Toujours quelques Bourgognes, du Sancerre, des vins corses, du Piémont italien ou encore du Priorat en Espagne.

7) Une bouteille pour un repas en amoureux ?

La conti-ne Périgourdine (100% Muscadelle). Un vin généreux et délicat à la fois avec une belle aromatique sur des notes florales et épicées.

8) Un bouteille à ouvrir entre amis ?

La vigne d’Albert bien sûr. Explosion de fruits, pas de soufre donc on peut en boire beaucoup sans être malade. Et l’histoire est magique : il s’agit d’une parcelle plantée dans les années 1960 par mon grand-père avec des cépages historiques de Bergerac : Abouriou, Fer Servadou, Périgord noir, Merlot, Cabernets, Malbec en sélection massale..).

10) Un vigneron encore peu connu que tu recommandes ?

Romaric Tatard du Clos Le Joncal, un domaine de neuf hectares en agriculture biologique à Bergerac.

11) Un accord mets et vins original ?

Avec la Conti-ne Perigourdine citée plus haut un jambalaya, un riz créole très épicé avec des crevettes et toutes sortes de viandes. Les épices du vin répondent parfaitement à celles du plat.

Au Bajana, cuisine lyonnaise et vins du Sud

Je ne peux que vous recommander de vous attabler au Bajana à Collias. Vous serez reçu avec beaucoup de chaleur et de professionnalisme par Barbara et vous vous régalerez de la cuisine de son mari Gabriel. En attendant, la première a eu la gentillesse de répondre à nos questions et le second de nous offrir une recette.

Quel est votre parcours et comment êtes-vous arrivés au Bajana ?

Gabriel est cuisinier de métier et, dans mon cas, il s’agit d’une reconversion professionnelle. J’avais besoin de changer d’univers et de moins avoir à gérer de l’humain.

Nous habitions Lyon et nous voulions vivre dans le Sud. Lorsque nous avons visité le restaurant nous avons eu un coup de cœur. Nous l’avons repris en 2018. C’est notre première affaire.

Installés depuis quatre ans maintenant, comment cela se passe-t-il pour vous ?

Nous n’avons aucun regret. C’est plaisant d’être son propre patron et je m’épanouis pleinement dans l’échange, le partage et la relation client. Mais il y a un revers de la médaille : on travaille énormément, la gestion administrative est assez lourde, c’est parfois ingrat. On vit pour les loisirs des autres. C’est un autre rythme.

Comment définirais-tu la cuisine du Bajana ?

C’est une cuisine traditionnelle française, avec un clin d’œil à la cuisine lyonnaise dont nous sommes originaires. Une cuisine généreuse et gourmande.

Avez-vous un plat signature ?

Oui : la fricassée de poulet frais en croute à la crème de pelardon. Visuellement c’est un clin d’œil à Bocuse et sa soupe aux truffes VGE.

Parlons vins…

Je suis autodidacte, j’aimais déjà le vin. Je prends un plaisir immense à partager ce qui me plaît avec mes clients. J’ai commencé par aimer les vins de Bourgogne avant de découvrir ici les vins locaux. J’adapte ma carte aux saisons. Je manque de temps pour courir les vignobles mais grâce à des partenaires comme toi je peux approfondir mes connaissances en dégustation régulièrement. J’aime avoir une carte éclectique avec des vins différents les uns des autres.

Un accord mets et vins ?

Le Plaisirs rouge du domaine Monplezy avec la quenelle de brochet. Tout est généreux : le vin très gourmand et fruité comme le plat réconfortant.

Les projets du Bajana ?

Pérenniser notre activité. Nous avons fidélisé une jolie clientèle d’habitués, certains sont devenus des amis, et nous avons la chance de recevoir beaucoup d’étrangers. Nous venons d’être référencés par le Gault et Millau. Au bout de cinq ans, c’est une jolie récompense.

La recette de Gabriel

Crème brûlée au foie gras (pour une dizaine de ramequins)

Ingrédients

  • 250 g de foie gras (le nôtre est dénervé à chaud)
  • 200 g de jaune d’œufs
  • 150 g de sucre
  • 1 litre de crème liquide à 35%
  1. Faites fondre le foie gras et la crème liquide (délicatement, sans faire bouillir !).
  2. Dans un cul de poule, faites blanchir les jaunes d’œufs et le sucre.
  3. Laissez un peu refroidir le foie gras puis mélangez le tout.
  4. Déposez dans des ramequins et mettre au four à 100°C pendant 45 minutes.

Servez avec un peu de cassonade brûlée au chalumeau.

Que boit- on avec ce plat ?

Barbara suggère deux possibilités. Soit la cuvée Gemini du Clos Uroulat, assemblage de Petit et Gros Manseng aromatique, avec un peu de sucre résiduel, qui répondra à la douceur de la crème brûlée. Soit le Sauvignon de Thibault Kerhoas, très aromatique mais avec plus d’acidité pour apporter un peu de tranchant à cette entrée.

La dégustation et ses critères de sélection  

Réjane au salon Millésime Bio 2020

J’ai déjà évoqué ici les critères de sélection pour qu’un ou une vigneron.ne intègre la famille Vins d’Avenir. Je souhaiterais maintenant partager avec vous ceux qui s’appliquent aux vins.

Au nez

Lorsque je déguste un vin, ses parfums me permettent tout d’abord d’estimer son ouverture. Est-il très aromatique ou au contraire sur la réserve ? Le bouquet est-il discret ou explosif ? Je suis ensuite vigilante à la complexité aromatique. Prenons un Gewürztraminer par exemple. Le nez embaume-t-il uniquement la rose ou des notes de fond de cardamome, de raisin et de citron font-t-elles leur apparition ? Il s’agit d’un critère primordial : s’il n’est pas rempli, le vin risque de lasser le consommateur. Il doit bien sûr être pondéré par le prix : plus sa bouteille est chère plus on est en droit d’attendre une palette aromatique variée.

En bouche

En bouche, nous percevons des arômes grâce à la rétro-olfaction (faites le test de vous bouchez le nez en dégustant ou en mangeant et vous constaterez combien l’odorat est essentiel au goût). Là encore, sont-ils très présents ? L’aromatique est-elle démonstrative ou timide ? monochrome ou multicolore ?

Nous percevons également les saveurs. Pour le vin, plusieurs saveurs fondamentales entrent en jeu : l’amertume, l’acidité, le sucré et l’umami (littéralement « savoureux » en japonais, elle correspond au goût de bouillon et on la retrouve dans de nombreux aliments qui ont connu une maturation importante comme un vieux parmesan ou une viande fumée). L’acidité et l’umami font saliver, l’amertume assèche au contraire la bouche. Il faut souligner qu’il existe des différences de perception très importantes d’un dégustateur à l’autre. J’apprécie pour ma part de beaux amers dans le verre lorsqu’ils viennent soutenir le précieux nectar, lui apporter de la tenue et parfois de la longueur. C’est le cas du Grenache blanc ou de la Roussanne lorsqu’ils sont bien vinifiés. L’amertume de la Roussanne du domaine Delacroix Kerhoas par exemple allonge le vin et lui évite l’écueil d’être trop lourd comme le sont de nombreux blancs du Sud. Même chose pour l’acidité qui est souvent comparée à la colonne vertébrale du vin. Sa présence apporte de la vivacité et elle améliore la dégustation d’un vin avec du sucre résiduel.

En bouche, on évalue aussi la matière du vin grâce au toucher. Est-ce que le jus se vautre ou file-t-il droit ? Est-ce qu’il tapisse le palais ou sa densité se rapproche-t-elle de celle de l’eau ? Pour les rouges, on est attentif aux tannins, les épaules du vin, leur quantité mais aussi leur qualité. La sensation de râpeux sur la langue est-elle mesurée ou au contraire désagréable ? Un vin rouge glouglou, sans tannins, sera facile à boire pour tous mais quel est son potentiel de garde ?  

Là encore, tout est question d’équilibre. Une touche d’amertume, c’est oui, seule et dominante, c’est non. Des tannins peuvent être présents en grande quantité s’ils sont fondus ou que le temps va faire son œuvre pour les patiner.

Je mesure aussi la longueur du vin, la persistance aromatique et celle des saveurs. Une fois la gorgée avalée ou le vin recraché, combien de temps restent-elles présentes ? C’est essentiel.

Équilibre et harmonie

Enfin, c’est l’harmonie globale que j’apprécie. Un nez et une bouche peuvent être très différents et s’accorder parfaitement. L’inverse est aussi possible. La cuvée Prima Donna du Prieuré la Chaume, assemblage audacieux de Chardonnay et de Pinot noir, offre un nez ouvert, intense, aromatique puis, en bouche, une fraîcheur saline, une structure et une belle tension qui apportent une harmonie remarquable au vin.

L’ensemble de ces critères me permettent de dessiner le profil général du vin, son style, et de savoir s’il a une place ou non dans ma gamme. Il est finalement assez peu question de mon goût personnel mais plutôt de celui de ma clientèle qui est … varié. J’apprécie par exemple assez peu les vins très extraits et très boisés. Vous n’en trouverez pas dans ma sélection mais, pour répondre à la demande de vins puissants et riches, je vais chercher des vins bien mûrs, des macérations longues qui vont satisfaire les amateurs. Je ne porte pas de jugements de valeur mais j’essaye toujours d’apporter une réponse qui soit cohérente avec l’esprit de la sélection.

Nadine Narboux, une Bretonne dans les vignes

Nadine Narboux est une amie. Nous nous sommes rencontrées alors que je travaillais au Château de Montfrin. Je me rappelle avoir été épatée par le mélange de grande douceur et d’immense détermination qui émane d’elle. Elle et moi, nous exerçons le même métier. Nadine a commencé en 2008 et elle est aujourd’hui à la tête d’une belle structure, VinoSpirit, à Saint-Malo. Non contente de vendre du vin, Nadine met la main à la pâte : elle a créé deux cuvées en collaboration avec le domaine Monplézy, dans le Languedoc. Autant vous dire qu’elle est pour moi un modèle. Elle m’a beaucoup encouragée, conseillée et parfois même consolée. Car si à mes yeux VinoSpirit est un modèle de réussite, Nadine a eu elle aussi son lot de difficultés qui n’ont en rien entaché son enthousiasme et sa passion du métier. C’est aussi pour cela que je l’admire.

Comment en es-tu venu à travailler dans le vin ?

Avant d’officier dans le vin, j’étais dans la recherche pharmaceutique. Mais j’ai très vite compris que je n’allais pas travailler à soigner les gens et à créer des médicaments mais plutôt à enrichir des laboratoires. Donc quand j’ai eu l’opportunité en 2007 de suivre pendant un an une formation de caviste-commercial, j’ai saisi cette chance. C’était une formation très riche qui m’a permis d’avoir un panorama assez complet des cépages et des appellations en France. J’ai enrichi mes connaissances par la suite en allant dans les domaines. VinoSpirit, c’est l’aboutissement de douze ans dans le monde du vin. C’est le fruit de ma seconde vie.

Comment se fait la sélection Vinospirit ?

Je recherche des vins de vignerons, des cuvées identitaires qui laissent une émotion et racontent une histoire, avec toujours de bons rapports qualité/prix. Il y a beaucoup de domaines peu connus au départ car, lorsque j’ai commencé, j’ai dû aller les chercher. Maintenant je dois les sélectionner pour garder une cohérence et éviter les doublons. Je travaille beaucoup au feeling et je souhaite mettre l’humain au cœur de mon travail.

Tu as beaucoup de vins du Languedoc dans ta sélection. Pourquoi ce choix ?

Quand j’ai démarré, le Languedoc n’avait pas la place et l’image qu’il a aujourd’hui. Le Languedoc m’a permis de faire découvrir à des cavistes des vins qui rentraient dans des niches. C’est une région avec une mosaïque de terroirs et de styles qui correspondent à mes goûts personnels. Aujourd’hui je dois me freiner car ma gamme n’est pas extensible à l’infini mais j’ai encore régulièrement des coups de cœurs pour des vins languedociens.

Tu as eu envie de créer tes propres cuvées. Pourquoi ?

Dans un coin de ma tête, j’ai toujours l’idée d’avoir des vignes et de faire mon vin. J’ai beaucoup échangé à ce sujet avec Benoit Gil du domaine Monplézy. Il m’a proposé de créer deux cuvées autour d’un cépage que j’adore : le Grenache. Nous avons donc créé et assemblé ensemble Les Grenaches, en blanc et en rouge. La première est un assemblage de Grenache blanc et Grenache gris et la second 100% Grenache noir. C’est aussi l’aboutissement d’une belle relation d’amitié avec la famille, avec qui je travaille depuis l’origine. Cela ne pouvait se faire qu’avec eux.

Qu’est-ce que tu trouves difficile dans ton métier ?

La pluralité des tâches et la difficulté d’avoir toujours des nouveautés à proposer tout en gardant un stock raisonnable.

Une bouteille pour un apéritif entre ami.e.s ?

Les Grenaches rouges. C’est gourmand, plein de fruits et facile d’accès.

Pour un dîner en amoureux ?

La cuvée Kaïros, réalisée à quatre mains par Emmanuel Roblin et Fred Niger du domaine de l’Écu. C’est un 100% Gamay décoiffant, concentré et improbable : on dirait un Grenache !

Avec du fromage ?

Avec une pâte persillée, je dirai la cuvée Les Adrés du Domaine du Trapadis à Rasteau. Avec un fromage de chèvre, je partirai sur la cuvée Mélodie de Nicolas Paget en Touraine, un 100% Chenin avec beaucoup d’élégance et de complexité aromatique.

Mythique Chardonnay

© Claire Felloni

Le Chardonnay est considéré par beaucoup comme le plus grand des cépages blancs. Une chose est sûre : il est le plus planté au monde. En France, on en trouve un peu partout — dans le Languedoc, le Jura, l’Auvergne, la Loire — mais c’est la Bourgogne et la Champagne qui l’ont rendu célèbre. Sans parler des pays étrangers qui le cultivent abondamment, comme la Californie aux États-Unis, le Chili, la Nouvelle Zélande, l’Australie et bien d’autres.

Comment expliquer un tel succès ? La première raison évoquée est historique. Les grands blancs de Bourgogne ont une image mythique dans la tête de tout amateur de bons vins. Meursault, Puligny-Montrachet, Corton Charlemagne, autant d’images d’Épinal et de vins qui sont devenus quasi inaccessibles…

La deuxième raison, plus prosaïque, semble être son adaptabilité. Le Chardonnay a de multiples facettes car il s’acclimate très bien à son terroir dont il absorbe les caractéristiques pour les retransmettre dans le verre. Pointu et minéral à Chablis, il se révèle solaire et rond dans le Mâconnais. Lors d’une récente dégustation avec les élèves du Greta sur le thème de la Bourgogne, la benjamine du groupe s’est exclamée avec une spontanéité touchante au bout du troisième verre 100% Chardonnay : « Tous ces vins sont faits à partir du même cépage ?? C’est fou ! » Tout est dit, le Chardonnay est un cépage fou d’adaptabilité. Mathieu Baillette du Pas de la Dame confirme : « Le Chardonnay, c’est toujours bon. Ce n’est pas toujours comme en Bourgogne mais toujours bon ». Le vigneron est bien placé. Dans son domaine, situé en appellation Malepère, la plus occidentale du Languedoc, ils produisent deux cuvées à base de Chardonnay. « Dans la cuvée French Paysan s’exprime un Chardonnay désaltérant, sur la fraîcheur, plutôt à boire pour un apéritif. Dans la cuvée Épouse-moi nous recherchons une plus grande complexité. Nous poussons les maturités plus loin, nous laissons faire la fermentation malolactique qui apporte gras et rondeur, nous bâtonnons le vin et surtout nous le dégustons tous les jours jusqu’à tomber d’accord sur son parfait achèvement ». C’est effectivement une réussite puisque cette cuvée a été qualifié admirablement par un caviste qui se reconnaîtra de « Chablis à dix balles ».

La variété est perméable au travail du chai donc. La fermentation malolactique, le bâtonnage (qui consiste à remettre en suspension les lies fines qui se déposent au fond des fûts ou cuves lors des vinifications et/ou élevage), mais aussi et surtout l’élevage en fût de chêne. Le Chardonnay est un cépage très souvent boisé et cela lui sied à merveille lorsque l’élevage est judicieusement dosé.

Dernière atout : il possède un exceptionnel potentiel de garde. Son évolution lente en fait un cépage idéal pour le vieillissement des vins.

En Champagne, le Chardonnay offre un profil plus frais qui ne manque pas d’élégance. Il se plaît particulièrement sur les sols crayeux, comme ceux du domaine Barrat Masson. Aurélie Barrat m’explique : « En Champagne on trouve des Chardonnays sur la Côte des blancs et chez nous, dans le Sézannais. Nous avons un sol très crayeux. La craie, qui affleure dès 80 cm, retient l’eau en hiver et la restitue plus tard à la plante. C’est pourquoi nos parents ne s’y sont pas trompés et ont planté du Chardonnay ». Le Chardonnay ne représente que 30 % de l’encépagement de la région et c’est peut-être aussi ce qui renforce son prestige. Les vins issus uniquement de ce cépage, qu’on appelle « blancs de blancs », sont plus rares. Celui du domaine, la très belle cuvée « Fleur de craie » est un vin élégant, fin, soutenu par une belle suavité dans la version millésimé 2016.

Le Chardonnay n’a-t-il que des qualités ? « Non, c’est un cépage irrégulier, sensible à l’oïdium. C’est également un cépage précoce, ce qui le rend sensible aux gelées. » concèdent Aurélie et Mathieu. Ce sont toutefois de maigres défauts au regard de son immense prestige qui continue de faire des émules partout dans le monde.

La Java du Sud Ouest

Les sept vignerons de la Java.
Les sept vignerons. @ www.java-sud-ouest.fr

Originaire d’Aveyron, il est plus que temps que je vous parle des vins du Sud-Ouest. Et pour cela, j’ai interrogé Laurent Alvarez, le directeur commercial de la Java du Sud Ouest, une association de sept familles vigneronnes installées dans les plus belles appellations de la région : la famille Ribes au Domaine le Roc en Fronton, la famille de Conti au Château Tour des Gendres en Bergerac, la famille Riouspeyrous au Domaine Arretxea en Irouléguy, la famille Verhaegue au Château du Cèdre en Cahors, la famille Laplace au Château Aydie en Madiran, la famille Teulier au Domaine du Cros en Marcillac et Charles Hours au Clos Uroulat en Jurançon.

Laurent, engagé corps et âme (et palais) pour ce projet depuis ses origines en 2008, nous en dit plus sur les vins, la philosophie et le fonctionnement de la plate-forme. Entrez dans la danse !

Les sept appellations de La Java du Sud Ouest
Les sept appellations. @ La Java du Sud Ouest

Coincés entre le piémont pyrénéen et le massif central, les vins du Sud-Ouest n’ont a priori pas grand-chose en commun : microclimats, cépages originaux ou encore sols divers produisent des vins aux styles très variés. Qu’est-ce qui finalement réuni les vins du Sud-Ouest ?

Effectivement, il existe de grosses différences de topographie et de cépages, qui sont tous autochtones : le Mansois à Marcillac, le Malbec à Cahors, la Négrette à Fronton, le Tannat à Madiran, le petit et gros Manseng en Jurançon ou encore la Muscadelle à Bergerac. Culturellement, il y a un semblant d’unité, un art de vivre commun, mais un Aveyronnais reste bien différent d’un Béarnais ou d’un Gascon. Finalement, ce qui nous unit, ce sont nos différences. Nous devons porter haut et fort nos spécificités. Les vins du Sud-Ouest ont tous des identités fortes, à rebours de ce qui se pratique aujourd’hui avec les vins de cépages standardisés.

Il est intéressant de noter qu’on ne parle pas de vins du Sud Est ou de vin de l’Est. Historiquement, les vins du Sud-Ouest ont été définis par opposition à ceux de Bordeaux. Depuis le rattachement de la ville à l’Angleterre en 1154, les vins trouvent outre-Manche un formidable débouché. Mieux (ou pire pour leurs voisins), en 1241, Henri III Plantagenet leur accorde le privilège de la vente en primeur. Les vins situés en amont du diocèse de Bordeaux sont bloqués jusqu’à Noël, date à laquelle les marchands d’Europe du Nord sont déjà repartis. Les vins du Haut-Pays aquitain ne peuvent ainsi être embarquées qu’au printemps, une fois les tempêtes hivernales du golfe de Gascogne et de la Manche calmées, au risque de se gâter avant leur exportation tardive. Ils sont de plus lourdement taxés. Les vignobles périphériques ont ainsi été étouffés par cet avantage qui va durer cinq siècles !

Est-ce que tu considères qu’aujourd’hui encore les vins du Sud-Ouest souffrent d’un déficit de notoriété ?

Aujourd’hui le vin s’est démocratisé et il y a de la place pour tout le monde, donc aussi pour les vins du Sud-Ouest. Mais, soyons honnête, ce ne sont pas des vins que l’on achète, ce sont des vins qu’on vend. Ils peuvent apparaître rustiques, avec des tannins amers. Cependant, aujourd’hui, sommeliers et cavistes sont très curieux et à l’écoute de ce qui se fait dans la région.

La Java du Sud Ouest est l’un des plus anciens groupements de vigneron. Qu’est-ce qui fait que cela fonctionne pour vous ?

Tout d’abord, la structure juridique. La Java, c’est un Groupement d’Intérêt Économique (GIE) et non une société commerciale. Elle n’a donc pas vocation à réaliser des bénéfices « pour elle-même », un peu comme une association. C’est donc l’intérêt commun qui prime sur l’intérêt individuel. On recherche de l’équité. Cela nécessite une certaine tournure d’esprit de nos vignerons qui sont avant tout des amis qui partagent les mêmes valeurs. La Java, c’est un kolkhoze communiste capitaliste. Tout le monde ne peut pas y entrer. Nous avons régulièrement des demandes mais peu aboutissent.

Je veux faire découvrir les vins du Sud-Ouest lors d’un repas. Que sers tu et avec quoi ?

Pour l’apéritif, je sers la cuvée Marie du Clos Uroulat, carafée un quart d’heure, avec une chiffonnade de jambon Noir de Bigorre par exemple. En entrée, avec un tartare de thon snacké, je débouche La conti-ne Périgourdine du Château Tour des Gendres (AOP Bergerac). Issu d’une vieille parcelle de Muscadelle, c’est un vin ample et aérien, de la dentelle…

En plat principal, avec une belle viande rouge, j’ouvre le Cèdre à Cahors. C’est un vin précis, équilibré et aux tannins soyeux. Avec un fromage à pâte persillée, on peut s’amuser avec un Jurançon doux, pour faire un accord d’opposition. Enfin, en dessert, j’accompagne une salade de fruits de bulles légères et gourmandes comme celles de Roc’ambulle du domaine Le Roc (Fronton).

Quelles sont les actualités de la Java ?

En 2020 est née une cuvée un peu particulière. Appelée Cros’Roc, elle est le fruit de l’amitié de Frédéric Ribes du Roc (à Fronton) et de Philippe Teulier du Cros (à Marcillac). Cela faisait un moment qu’ils avaient envie d’assembler du Fer Servadou et de la Négrette. Nous avions déjà réalisé plusieurs tests et ils se sont lancés. Cette cuvée représente pour moi l’illustration même des principes fondamentaux de la Java. Ces deux amis n’avaient plus rien à prouver mais juste l’envie de se faire plaisir. Il en résulte un assemblage 60 % Négrette et 40 % Fer Servadou joliment épicé, nerveux, droit, avec des notes de poivre et du croquant.

Papilles au Nez, la cave où il fait bon vivre

Sandra Martinez, fondatrice et caviste de Papilles au Nez à Alès

Je suis ravie de vous présenter Sandra Martinez, caviste et gérante de Papilles au Nez à Alès. Sandra est une personne particulièrement touchante et authentique, gentille, pleine de poésie et de spontanéité. Sandra détonne dans le monde du vin mais, méfiez-vous, à la dégustation elle est précise, exigeante et particulièrement juste.

Lorsque je l’interroge sur son parcours, je comprends très vite que sous cette apparence très accessible Sandra est extrêmement formée au vin, qu’elle a un parcours très riche et que son intérêt pour la dive bouteille ne date pas d’hier : « J’ai commencé à m’intéresser au vin assez jeune. Ma mère est libanaise, mon père d’origine espagnole et mes parents cuisinaient et nous allions au restaurant. J’ai donc développé très tôt un intérêt pour la gastronomie en générale et pour le vin en particulier. Vers 17/18 ans, j’organisais des repas avec des copains et je piquais déjà des bouteilles dans la cave de mon père. J’allais chez les cavistes et j’achetais des demi bouteilles faute de pouvoir me payer des bouteilles entières. »

Originaire d’Annecy, Sandra intègre un BEP cuisine à Chamonix. Après une expérience de quelques mois en Angleterre, elle part aux États-Unis où elle travaillera d’abord dans un restaurant français puis rejoindra l’école des sommeliers américains. Cette formation outre-Atlantique lui offrira une ouverture beaucoup plus large sur les vins étrangers. « Si l’on étudiait un vin chilien, nous avions la chance d’avoir un échange avec un sommelier chilien. Cela m’a beaucoup nourri. »

De retour en France, Sandra est définitivement mordue et elle décide de passer un BEPA viticulture œnologie à Chablis. « J’ai ensuite un peu travaillé dans les vignes, chez différents vignerons. J’ai adoré mais ce qui me plaît le plus dans le vin c’est participer aux vinifications. » Elle retourne ensuite à la sommellerie, officie dans de beaux restaurants, jusqu’à très récemment à la table de Julien. Et comme si cela ne suffisait pas, en parallèle, Sandra complète ses connaissances avec une formation à la dégustation et en analyse sensorielle à Suze-la-Rousse. Le parcours n’est pas exhaustif et la soif d’apprentissage de Sandra jamais étanchée.

En 2019, enfin, elle ouvre sa cave Papilles au Nez à Alès, installée au 186 Grand rue depuis juillet 2021. Elle y crée un espace personnel, à son image, hybride, mélange entre une cave à vin et une salle de jeu. Elle m’explique joliment le concept « C’est au-delà d’une cave. C’est une cave à vivre, à jouer, à partager. » En effet, une belle table de ping-pong trône au milieu de la pièce, où Sandra propose des dégustations, des jeux, des concerts et des rencontres tous les vendredis.

Lorsque je l’interroge sur ce qui l’anime dans son travail Sandra me répond sans hésitation : « l’important c’est la rencontre avec les gens. J’adore échanger avec les clients, leur faire plaisir, aller à contre-courant aussi, par exemple pour un client qui veut absolument boire un vin rouge avec du poisson. Je vais chercher la bouteille qui pourra le combler. Un rouge léger sur la fraicheur ou au contraire un vieux vin aux tannins très fondus. »

Et côté vins, que trouve-t-on dans sa cave ? Des vins de vignerons artisans, beaucoup de vins naturels mais pas seulement. « Je suis sensibilisée aux vins nature, au bio et à la biodynamie depuis longtemps. J’ai eu la chance de rencontrer Marcel Lapierre (vigneron iconique du Beaujolais, précurseur de la vinification sans soufre et sans levurage) et ce moment fut décisif pour moi. Mais je ne suis pas dogmatique : ce n’est pas parce que c’est nature que c’est bon. Si on utilise peu ou pas d’intrants, il faut une vendange hyper saine et être doublement vigilant pendant la vinification. »

En matière de terroirs, ses goûts sont très éclectiques, Sandra aime … papillonner ! « J’aime beaucoup de choses, les vins de Loire, du Jura aussi beaucoup, le spectre aromatique est exceptionnel. En rouge, j’adore le cépage Gamay dont la palette aromatique se décline en notes de groseille, d’agrumes ou de poivre blanc ». N’hésitez donc pas à aller rencontrer Sandra à Alès : c’est avec bonheur qu’elle partagera avec vous son amour pour le vin et les vigneron.ne.s.

Aérer ou ne pas aérer, telle est la question

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Les règles qui encadrent le service du vin peuvent sembler obscures. C’est dommage : bien comprises et appliquées, elles permettent de déguster dans des conditions optimales pour le goût du vin. Je me penche ici sur l’une d’entre elle : pourquoi et quand carafer un vin ?

Carafer ou décanter ?

C’est une question d’âge mais aussi d’objectif. Le but du carafage est d’aérer le vin tandis que le décantage permet de séparer le dépôt qui s’est accumulé dans la bouteille.

Certains vins ont besoin d’air. Au contact de l’oxygène, de nouveaux arômes se libèrent et de potentiels défauts aromatiques disparaissent, notamment les odeurs animales dues au confinement dans la bouteille (dans le jargon on parle de réduction). Les tannins encore un peu rugueux s’assouplissent. Cette pratique, surtout bénéfique pour les vins jeunes, blancs ou rouges, consiste à transvaser le liquide dans une carafe et à le laisser reposer au minimum 30 minutes et jusqu’à trois heures.

Contrairement à une idée trop répandue, il n’est pas nécessaire et non sans risque d’aérer les vins qui ont déjà de la bouteille : ils pourraient y perdre leurs qualités organoleptiques.

En revanche, il peut être souhaitable mais en aucun cas obligatoire de décanter les vins plus âgés (dix ans et plus) pour se débarrasser des parties solides en suspension dans le liquide afin de ne pas gêner la dégustation. Cette opération délicate nécessite de faire tomber le dépôt au fond de la bouteille en la positionnant à la verticale pendant au moins 24h puis de verser doucement le vin dans une carafe en une seule fois. Dès que des traces apparaissent près du goulot, on s’arrête. Le décantage doit être réalisé quelques minutes avant le service car l’oxygène peut détériorer la qualité du vin.

Quels vins aérer ?

Autre idée reçue : l’aération ne bénéficierait qu’aux vins rouges. C’est faux ! Les blancs aussi peuvent y gagner, notamment les crus gras et puissants élevés en fût de chêne.

Comment savoir s’il faut ou non aérer un vin ? Goûtez-le ! Si le vin ne dévoile aucun arôme alors que le caviste vous a promis une explosion en bouche, il y a fort à parier que l’aérer lui fera du bien. Essayez de remuer le verre énergiquement pour l’aérer et goûtez-le à nouveau. Si vous percevez une réelle amélioration aromatique et gustative, carafez-le.

Comment aérer un vin ?

Idéalement dans une carafe, solution esthétique, pratique et rapide. Choisissez-la large et plate pour aérer, étroite et à l’ouverture serrée pour décanter.

Si vous n’en avez pas dans vos placards, vous pouvez ouvrir votre bouteille quelques heures à l’avance et la laisser prendre l’oxygène. Presque tous les vins, rouges comme blancs (sauf les effervescents), gagnent à être débouchés une heure avant d’être dégustés. Comptez minimum trois heures pour les rouges les plus charpentés.  

Il existe également des aérateurs de vins, dans de nombreuses marques. C’est efficace mais un peu gadget.

Vous pouvez enfin tout simplement laisser votre vin s’épanouir dans le verre avant de lever le coude.