J’ai été ravie ce mois-ci d’échanger avec Mathieu Desmarest, chef du restaurant Pollen, et Pierre Baud, le sommelier du restaurant.
Ce jeune chef fait la fierté des Avignonnais : il a décroché en 2020 sa première étoile, deux ans seulement après avoir créé son restaurant. Entre temps, il a trouvé le moyen de créer à deux pas une cantine gourmande, Moloko. Pas étonnant : Mathieu prône une cuisine créative, fraîche et de saison. Esthète, il a conçu un restaurant élégant et épuré. Pas de serveurs chez Pollen, simplement le sommelier et les cuisiniers qui apportent les plats en salle et racontent leurs histoires aux clients. 2021 sera encore une année chargée pour Mathieu puisque, en plus de l’étoile, Pollen déménage et s’installe un peu plus loin, toujours dans le quartier de la rue Joseph Vernet.
Après cette interview, il me semble que l’une des clefs du succès de Mathieu Desmarest est aussi qu’il travaille dans un climat de confiance. Il se fait confiance et croit aussi — et surtout — dans l’équipe qui l’entoure, son « staff » mais aussi sa femme qui, si elle ne compte pas parmi les salariés du restaurant, est partout. « Le nom, c’est elle ; la déco, c’est elle aussi » me raconte le chef lorsqu’elle entre dans la pièce en la dévorant des yeux…
Quant à Pierre Baud, c’est un sommelier comme j’aimerais qu’il y en ait plus ! Dynamique et toujours gentil, Pierre n’est pas dogmatique. J’apprécie ses sélections vineuses, éclectiques et qui font la part belle au bio. Tous deux fonctionnent à l’instinct et font fi des carcans que s’impose parfois la haute gastronomie.
Comment construisez-vous la carte des vins chez Pollen ? Quels sont les critères ?
Pierre Baud : la cuisine du chef change tout le temps donc la carte aussi. Je n’ai pas de règle : il faut simplement que le vin me plaise et que le prix soient cohérents. Très souvent je m’adosse face à la cave du restaurant et l’inspiration me vient comme ça. Je ne cherche pas uniquement des appellations prestigieuses mais des vins de vignerons. Et cela passe aussi par des vins de France et des IGP (Indication Géographique Protégée).
Qu’est-ce qui va changer avec cette première étoile ?
Mathieu Desmarest : Rien ! On va continuer à faire le service en baskets. On n’a pas de cahier des charges, je veux que le restaurant reste fidèle à ses valeurs. Bien sûr je suis très heureux et c’est un nouveau challenge mais je veux que l’on garde l’essence de Pollen : une cuisine d’instinct et du moment.
Et pour le vin ?
Pierre Baud : Dans ma façon de réaliser la sélection, rien non plus. Par contre la cave est beaucoup plus grande donc la carte des vins va doubler !
Vous avez un œil partout. Lors de mon dernier repas, nous avons parlé de la vaisselle créée par un céramiste situé sur l’île de la Barthelasse que vous avez vous-même dessinée. Est-ce le rôle du chef de s’investir jusque dans la vaisselle ?
Ce n’est pas le rôle d’un chef salarié mais c’est le rôle d’un chef d’entreprise. Il faut qu’il y ait une cohérence. Je suis sensible au beau. Même si vous venez boire un café chez Moloko, il vous sera servi dans une jolie tasse en grès.
Est-ce que vous vous impliquez aussi dans le choix des vins ?
Mathieu Desmarest : En revanche non. Je fixe une enveloppe budgétaire mais je laisse Pierre entièrement libre. C’est nécessaire pour que la carte porte sa signature et soit cohérente.
Êtes-vous amateur de vin ?
Mathieu Desmarest : Oui, beaucoup de vins bios et nature. J’aime beaucoup les blancs.
Pierre Baud : Plus que moi pour ce qui est des vins nature. Même si j’apprécie la démarche j’ai besoin que les vins soient nets. Ce qui n’est pas toujours le cas…
Un accord mets et vins particulièrement réussi ?
Pierre Baud : J’adore les accords avec les rosés. Souvent les gens ont plein d’a priori sur ces vins alors qu’à l’aveugle il est très difficile de les différencier des blancs. Je pense à un accord « rouget, soupe de poisson de roche, rouille rutabaga » avec un vin du domaine Tempier de belle facture, fin mais avec beaucoup plus de concentration qu’un rosé classique.