Nicolas Chevrier a ouvert le raisin Social Club, rue bonfa à quelques encablures du centre ville de Nîmes. Cette cave est un endroit chaleureux où Nicolas organise de nombreuses dégustations. On peut y croiser des vignerons tout aussi sympathiques et engagés que le propriétaire des lieux. Sur les étagères , joyeux mélange de jolis canons de jeunes vignerons et de belles références plus implantées . Nicolas n’en ai pas a son coup d’essai , il avait crée la Mère Minard avec Illan Hubner il y a quelques années, et c’est aujourd’hui en solo qu’il trace sa route. Tant mieux pour nous, cela double l’offre de bons vins dans le Gard.
Nicolas Chevrier a axé son offre avec un large choix de vins natures et biodynamiques et sans être un ayatollah de la question, Nicolas prône une viticulture plus saine et des vins moins classiques. « J’ai commencé à boire des vins natures pour des questions éthiques et j’y suis resté par goût, j’ai bu des vins différents moins standardisés que d’habitude. Par ailleurs, ces gens sont très souvent humainement accessibles et engagés. Cela compte beaucoup pour moi. C’est l’amitié et l’affection que je porte à Thierry Forestier vigneron du domaine Les monts de Marie (installé à Souvignargues au pied des Cévennes) qui m’a permis de mettre un pied dans cet univers il y a plus de 18 ans. »
Et lorsque nous débattons avec Nicolas de la qualité des vins natures (très inégales en fonction du domaine selon moi) je repars avec une bouteille des Monts de Marie offerte par Nicolas pour me faire une idée. Voilà donc ce qui vous attend si vous passez la porte du raisin social club. Engagement passion et générosité. C’est avec le même enthousiasme que Nicolas a accepté de se prêter au portrait chinois
Un vin rouge : Frisson des cîmes de chez Curtet
Un vin blanc : Coccinelle de chez Rols
Un Pet Nat : Bulle Nature de chez Vaillant
Un accord met vin : Des rognons de veau grillés avec Oréa de chez Inébriati
Vin d’un autre pays ; le Rkatsitelli de Chona’s Marani
Un spiritueux : Jeune et Vrillé de chez Quentin le Cleac’h
Il y a quelques années, lors d’un dîner avec des amis vignerons je leur ai demandé jusqu’à combien ils seraient prêt à payer pour une bouteille de vin. Je fus surprise de constater que le prix le plus élevé étaient 45-50€. J’imaginais plus. Je dois dire que cette discussion m’a énormément marqué.
Cette anecdote illustre à elle seule combien le prix du vin est un sujet vaste et polémique, que je ne saurai aborder dans son entièreté en quelques lignes. Pour autant, il me semble avoir semé au fil des ces newsletter les graines qui vous permettront d’être mieux armés pour comprendre le prix juste. Cet article se veut être un pense bête pour vous permettre au moment de l’acte d’achat de vous poser les bonnes questions.
Il existe de nombreux facteurs qui influent sur le prix du vin. En voici donc quelques uns :
L’environnement dans lequel évolue le vigneron est un premier élément. La taille du vignoble qui permet de faire des économies d’échelles, son accessibilité ( mécanisable ou non). On comprend aisément que des vins des coteaux escarpés de l’appellation Saint Joseph soit plus difficile à travailler que des vignes en plaines du sud de la Vallée du Rhône. Le prix du foncier a une incidence notoire sur l’appellation, et si la zone géographique est très limitée elle peut faire l’objet d’une forte spéculation. C’est ce qui se passe en Bourgogne.
Les pratiques culturales vont avoir un impact direct sur le prix du vin. Le choix des cépages (productif ou non) tardif ou non, fragile ou non, riche en jus etc. Le type de taille, la taille en gobelet par exemple n’est pas mécanisable et demande un travail humain important. Le degrés de mécanisation du vignoble, pour les traitement mais aussi pour les vendanges. La main d’œuvre humaine plus précise coûtent plus cher. Pratiquer une agriculture biologique ou biodynamique coûte en moyenne 30% de plus au vigneron qu’une agriculture conventionnelle. Cela impacte forcément le prix final du vin.
L’effet millésime et avec lui les rendements produits. Une année où il a gelé comme en 2021 a vu les prix beaucoup augmenter. Les vignerons pour rentrer dans leurs frais ont dû augmenter le prix de leur bouteilles . Pour certains c’est une question de survie pour d’autres un effet d’aubaine.
En cave aussi les choix du vignerons ont une incidence sur le prix. Par exemple, plus le vigneron a de cuves plus il pourra proposer une lecture fine de son terroir et des ses parcelles mais plus c’est coûteux en investissement. Les contenants et la durée de l’élevage auront également une incidence sur le prix du vin. Un fût de chêne neuf coûte cher et doit être renouvelé régulièrement. En outre un vin qui est mis sur le marché six mois après les vendanges coûte moins cher qu’un vin que l’on élève 18 mois en cave.
Les matières sèches choisies: le verre, le bouchon, le papier, le carton peuvent varier considérablement en fonction du rendu choisi. C’est d’ailleurs souvent un indicateur. Bouchon en liège et carton plat souvent réservés à des vins plutôt haut de gamme.
Enfin, les canaux de distribution choisis ont également leur importance. Dans notre jargon il y a le réseau traditionnel (caviste, restaurant, agent, et vignerons) et le réseau GMS grande et moyenne surface ( les supermarchés). Il faut du vin pour tous bien sûr, mais l’immense majorité des vins vendus en supermarché sont des vins vendus à bas prix produits par de très grosses entreprises (négociants ou caves coopératives essentiellement). Le supermarché pratique des plus faibles marges et misent sur les volumes pour gagner sa vie. A l’inverse, le réseau traditionnel fait travailler l’économie d’une filière avec beaucoup de petits acteurs indépendants, cavistes, restaurateurs, agents, grossiste pour qui le prix n’est pas le seul critère.
On dit souvent qu’on vote avec sa carte bancaire. Alors votez bien!
« J’aime tout sauf les bordeaux ! » Combien de fois ai-je entendu cette triste phrase . Le bordeaux bashing ne date pas d’hier, depuis que je travaille dans le vin, les vins de Bordeaux sont boudés par les consommateurs français. Pourtant, il me semble que les choses sont en train de changer. Peut être le résultat des efforts des vignerons bordelais pour moderniser et dynamiser l’image de leur vignoble. J’aimerais revenir sur ce phénomène qui me semble fou et injuste, et tordre le cou à ces a-prioris en quelques questions
Les vins de Bordeaux sont-ils trop chers ? VRAI ET FAUX (mais surtout faux)
Cette représentation n’est pas sans fondement. Dans les années 2000 les prix de certains grands vins à Bordeaux se sont envolés. La forte demande asiatique a créé une grande inflation et certains domaines n’ont pas été raisonnables. Ils en payent aujourd’hui le prix. Pour autant, il existe des rapports qualité prix incroyables à Bordeaux. C’est le cas du blanc sec du Château Suau à Cadillac, assemblage de 80% sauvignon blanc, avec 20% de sémillon . Un vin blanc plein de pep’s, aromatique et salivant. Vendu moins de 10€ chez un caviste. Idem pour les cuvées Eos du Moulin de Rioucreux porté par Guillaume Guerin en Blaye côtes de Bordeaux, tant en vin rouge, qu’en vin blanc. Des vins souples , faciles d’accès, avec de très jolies étiquettes, ce qui ne gâche rien. En outre, ces deux domaines sont en agriculture biologique.
Les vins de Bordeaux sont (trop) tanniques ? FAUX
Certains grands vins de Bordeaux sont taillés pour la garde. Une garde longue parfois plus de 20 ans. C’est un savoir faire exceptionnel des vignerons français qu’on ne peut balayer d’un revers de la main. Pour qu’un vin puisse tenir dans le temps il est nécessaire qu’il ait une structure solide . En revanche, il existe aussi des vins ronds et gourmands à Bordeaux. Le merlot, le cabernet franc permettent d’avoir des vins pleins de buvabilité. Il existe aussi des vigneron-(nes) capables de produire des vins équilibrés. C’est le cas de la pétillante Véronique Barthe qui produit au Château d’Arcole un Saint Emilion grand cru (en biodynamie s’il vous plait) velouté et plein. Très agréable en l’état mais qui laisse présager aussi un long potentiel de garde. J’ai récemment ouvert un magnum de 2010 et autant vous dire que j’ai pris une petite claque.
Les bordeaux sont trop standardisés? FAUX
Là encore il me semble qu’il s’agit d’un faux procès issu de représentations et non de la réalité. J’aimerais vous raconter une anecdote à ce sujet. Lorsque je donnais des cours de dégustation à des sommeliers-cavistes nous avons fait une dégustation de vins de bordeaux et les qualificatifs des élèves me semblaient assez sévères. « herbacé » « végétal » « trop tannique » etc. Malgré mes efforts pour essayer de les faire sortir de leurs a-priori , je me heurtais à un mur. En fin de formation, j’ai organisé plusieurs dégustations à l’aveugle dans lesquelles j’ai glissé quelques bouteilles de Bordeaux … Et le miracle se produisit les vins de Bordeaux se révélaient « gourmands » « fluides » « frais ».
Les vignerons Bordelais ne sont pas sensibles à l’agriculture biologique? VRAI et FAUX
Jusqu’à peu le vignoble bordelais était effectivement à la traîne face à des régions comme le Languedoc ou la Vallée du Rhône. Aujourd’hui ce n’est plus le cas et les Bordelais se convertissent massivement. Le département de la Gironde est celui où l’on trouve le plus de vignoble en bio et en conversion. De nombreux domaines se sont tournés vers l’agriculture biologique même si le démarrage à Bordeaux a peut être était plus long . On peut tout de même noter que l’humidité d’une région océanique comme le Bordelais rend la conversion à l’agriculture biologique plus difficile
Côtes du Rhône, Pic Saint Loup, Châteauneuf du pape, Champagne… Toutes ces dénominations dans le vin sont des appellations d’origines contrôlées, elles sont censées permettre au consommateur de s’y retrouver tant sur l’origine du vin que sur un certain niveau de qualité attendu. Les AOP sont définis par un cahier des charges, sorte de règlement de l’appellation. Le cahier des charges définis des éléments tels que la couleur autorisé, les cépages, la taille, les rendements ou encore les méthode de vinification. Si les appellations ce sont parfois révélées trop rigides et mal adaptées aux évolutions viticoles elles permettent néanmoins de comprendre les origines des régions de production. Il est particulièrement intéressant d’apprendre à décrypter le cahier des charges des appellations, cela permet de comprendre (ou pas) le bien fondé du prix d’un vin par exemple. Ce mois-ci j’ai choisi les quatre appellations citées plus haut à titre d’exemple. Certaines informations dans un cahier des charges sont très techniques mais d’autres simples permettent de comprendre rapidement les données clefs d’une appellation. Nous nous attacherons aux indications suivantes.
LaCouleur
En appellation Pic Saint Loup seul les vins rouge et rosés sont autorisés , le vin blanc est interdit , en Champagne c’est le vin rouge qui est interdit et en Châteauneuf du pape seuls les vins blancs et rosés ont droit de cités. Enfin , en Côtes du Rhône, les trois couleurs sont bel et bien autorisées
Lieu de production
Dans un cahier des charges sont citées une par une toutes les communes qui peuvent prétendre à l’appellation. Une distinction est toujours apportée entre l’aire où les raisins sont récoltés et l’aire où les raisins sont vinifiés. En général dans l’aire de vinification s’ajoutent quelques communes.
Là encore les différences entre les appellations sont édifiantes. Tandis que l’appellation côtes du Rhône s’étend sur 6 départements et près de 1800 communes. L’appellation Pic- Saint-Loup, elle ne couvre que 2 départements et seulement 17 communes. Quant à l’appellation Chateauneuf du Pape elle court uniquement dans le Vaucluse et couvre seulement cinq communes. Enfin l’appellation Champagne couvre la Marne ,l’Aube, l’Aisne,la Haute-Marne,la Seine-et-Marne et près de 300 communes
Les cépages autorisés
Souvent dans un cahier des charges sont précisés les cépages principaux et les cépages accessoires.
Comme ici en Pic Saint Loup : Les vins rouges sont issus des cépages suivants: Cépages principaux : syrah N, grenache N, mourvèdre N. Cépages accessoires : cinsaut N, carignan N, counoise N, morrastel N. Les vins rosés sont issus des cépages suivants : Cépages principaux : syrah N, grenache N, mourvèdre N. Cépages accessoires : cinsaut N, counoise N, morrastel N, gr
Mais ce n’est pas toujours le cas. Exemple en Champagne « Les vins sont issus exclusivement des cépages arbane B, chardonnay B, meunier N, petit meslier B, pinot blanc B, pinot gris G et pinot noir N. Six cépages au total mais 75% du temps ce sont des champagnes de chardonnay et de pinot noir que nous buvons.
Idem à Châteauneuf, (qui a fondé sa réputation sur le mariage parfait entre grenache noir et galets roulés) autorise pourtant dix huit cépages dans l’appellation : « Les vins rouges et blancs sont issus des cépages suivants : bourboulenc B, brun argenté N (localement dénommé « vaccarèse »), cinsaut N, clairette B, clairette rose Rs, counoise N, grenache blanc B, grenache gris G, grenache N, mourvèdre N, muscardin N, picardan B, piquepoul blanc B, piquepoul gris G, piquepoul noir N, roussanne B, syrah N, terret noir N
Enfin en Côtes du Rhône bien que la liste autorisent au total 31 cépages différents, il est bien dommage de constater que ce sont seulement huit à dix cépages qui reviennent en permanence dans les assemblages.
Les vins blancs sont issus des cépages suivants : cépages principaux : bourboulenc B, clairette B, grenache blanc B, marsanne B, roussanne B, viognier B ;
cépages accessoires : piquepoul blanc B, ugni blanc B. – Les vins rouges et rosés sont issus des cépages suivants : cépage principaux : grenache N ; mourvèdre N, syrah N ;
cépages accessoires : bourboulenc B, brun argenté N (localement dénommé camarèse ou vaccarèse), caladoc N, carignan N, cinsaut N, clairette B, clairette rose Rs, counoise N, couston N, grenache blanc B, grenache gris G, marsanne B, marselan N, muscardin N, piquepoul blanc B, piquepoul noir N, roussanne B, terret noir N, ugni blanc B, viognier B.
Les Rendements
A mon sens c’est une information de taille qui donne des indications concrètes sur la concentration des raisins dans le vin de l’appellation et qui devrait avoir une incidence direct sur le coût de production du vin et donc sur le prix final. Les rendements dans un cahier des charges sont exprimés en hectolitre/hectares ou en poids de raisin à l’hectare. (Dans ce cas il faudra convertir ce poids en hectolitre pour un rendement en hectolitre/ hectare. Globalement il faut environ 120 kg de raisins pour obtenir un hectolitre.)
Ainsi en Côtes du Rhône la charge maximale est de 9500 kilos/hectare soit 79 hecto/hectare. Alors qu’en Chateauneuf les rendements maximum autorisés sont de 35 hectolitre hectares. On comprend donc aisément les différences de prix.
En Pic-Saint-Loup les rendements sont de 37 à 60 hecto /hectares et en Champagne alors que l’on pourrait imaginer des rendements plus faible, les rendements sont énormes de près de 100 hecto/hectares. Là en revanche le prix final des Champagnes peut questionner.
Les vendanges
Manuelle ou à la machine cette indication est très importante et permettra de comprendre tout de suite si l’appellation compte plutôt des petites exploitations ou de grandes. Cette information a également une importance clef sur le prix de revient du vin. Les vendanges manuelles sont beaucoup plus couteuses que le passage d’une machine. A Châteauneuf la récolte est exclusivement manuelle, pour les trois autres appellations il n’y a pas d’obligations. En champagne toutefois la récolte doit être en grappe entière.
Le degrés d’alcool
Dans chaque cahier des charges le taux d’alcool minimum est défini. Il est en général autour de 12°
En Pic- Saint Loup c’est 12° minimum,
En Châteauneuf du Pape 12,5°
En Côtes du Rhône une distinction est faite entre les Côtes du Rhône septentrionales et méridionales: 11 °, pour les exploitations situées au sud du parallèle de Montélimar (Drôme)
10,5°, pour les exploitations situées au nord du parallèle de Montélimar (Drôme). E
Enfin en Champagne, le taux d’alcool minimum est de 9°. La Champagne est située bien plus au nord que les trois autres appellations, cela pourrait expliquer cette différence. Cependant à 9° peu de vins sont à maturité…
Il existe encore beaucoup d’informations très pertinentes dans les cahiers des charges, comme le taux de sucre dans le vin, la taille, l’élevage etc. Soyez donc curieux.
A l’heure où vous lirez ces lignes se tient Millésime bio 2023, le grand salon professionnel des vins bios. Depuis quelques années déjà, la grande tendance sur les stands de vignerons, ce sont les vins oranges. Si ce n’est pas déjà le cas, vous verrez d’ici peu les magasins de vos cavistes se garnirent de ces vins un peu spéciaux, a mi-chemin entre vin rouge et vin blanc. Voici donc cinq questions pour comprendre cette nouvelle technique.
1) Un vin orange qu’est ce que c’est ?
Un vin orange est un vin produit avec des raisins blancs mais vinifié comme un vin rouge. Dans le processus de fabrication des vins rouges on fait macérer les peaux avec le jus du raisin, pour lui apporter la couleur mais aussi les tannins et des précurseurs d’arômes. Pour obtenir un vin blanc on sépare le jus, des peaux. Pour obtenir un vin orange il s’agit donc d’une macération des peaux du raisin avec le jus . Cette macération peut durer de quelques jours à quelques semaines selon le profil choisi
2) Peut-on faire du vin orange avec tous les vins ?
Vous l’aurez compris , on ne peut faire un vin orange qu’avec des raisins à peaux blanches. Pour ce qui est du type de cépage préconisé , c’est une décision de vigneron. Par exemple, Benoit Gil au domaine Monplezy à choisi le cépage vermentino, un cépage à la peau fine qui produira un vin orange délicat aux arômes subtils. Tandis que Paul Riefle en Alsace à choisi une macération de gewurztraminer, cépage extrêmement aromatique dont la vinification renforcera les arômes et apportera des notes intenses d’écorces d’oranges et d’épices douces.
3) Pourquoi c’est souvent cher ?
A mon sens, il n’y a aucune raison a ce qu’un vin orange soit plus cher que le reste de la gamme, ce n’est ni une rareté, ni une prouesse technique. Ce qui peut faire monter les couts de production ce sont éventuellement les contenants utilisés pour le produire et la durée de l’élevage. Renseignez vous bien sur le mode de production.
4) Est ce que c’est bon ?
C’est subjectif et cela dépend de nombreux facteurs, quoiqu’il en soit les vins oranges proposent souvent un registre aromatiques assez large et plutôt atypique. Cela peut être déroutant pour les non initiés. Mais si c’est bien fait c’est excellent. Régulièrement je retrouve dans ces vins des notes d’agrumes et un peu d’amertume . J’apprécie l’amertume dans les vins quand elle est justement dosée, cela donne allonge, fraicheur et élégance. C’est le cas de la cuvée Contact en 100% chenin du Fief Noir qui me semble particulièrement réussie.
5) Quels accords mets et vins ?
A mes yeux les vins oranges sont typiquement des vins de sommeliers car l’on peut faire des accords très intéressants avec, mais ce sont des vins tanniques aux arômes intenses il faut un plat qui puisse soutenir le vin . La cuisine indienne assez relevée en épices par exemple pourra être un match parfait.
Dans sa belle cave millavoise, Jean-François Vincens est épaulé au quotidien par une équipe de choc : Laura Fangeaud, qui a rejoint l’équipe il y a trois ans, et Émilie Herail, arrivée il y a tout juste un an.
J’aime beaucoup ces cavistes, ce sont tous trois des professionnels impliqués qui dégustent beaucoup, se déplacent dans le vignoble et les salons et reçoivent également les agents commerciaux qui, comme moi, viennent leur présenter leurs pépites. On trouve donc dans leur boutique beaucoup de vins de petits producteurs de qualité mais à des tarifs très raisonnables. Et, ce qui ne gâche rien, ils sont d’une grande simplicité et d’une gentillesse déconcertante. Bref, tout ce que j’aime !
Jean-François et Laura ont accepté de répondre à mes questions, Émilie étant malheureusement absente ce jour-là.
Jean-François, quel est ton parcours ?
Le vin, c’est une reconversion professionnelle effectuée il y a quinze ans suite à un bilan de compétences. Grâce à ce bilan j’ai identifié mon goût pour le relationnel. Je souhaitais rester à Millau et j’avais identifié que l’offre vins était peu étoffée. Je me suis formé dans le cadre d’un Fongecif et j’ai travaillé deux ans dans cette cave avant d’avoir l’opportunité de la reprendre.
Que trouve-t-on dans cette cave ?
Beaucoup de vins du Languedoc. Je dirais 60 à 70 % de la sélection. Des vins de qualité, de milieu de gamme, et toujours des vins de vignerons. Il me semble que c’est le rôle du caviste de trouver de bons rapports qualité/prix
Comment sélectionnez-vous les vins ?
Nous dégustons tout. Nous essayons de répondre aux demandes des clients et de ne pas avoir seulement des vins à notre goût à nous. Par exemple, je ne suis pas un adepte des vins boisés mais j’en ai dans la gamme car certains clients les affectionnent. Nous nous promenons dans le vignoble, nous rencontrons des agents commerciaux et nous nous rendons aussi sur des salons.
Justement, quel(s) vins préfères-tu ?
J’aime les vins sur la fraîcheur. Pour les blancs, j’apprécie les profils minéraux, tendus. Pour les rouges j’affectionne les vins épicés avec du caractère mais pas trop tanniques, avec beaucoup de fruits. J’aime les vins qui ne sont pas trop travaillés œnologiquement.
Est-ce que vous notez des évolutions dans les goûts des clients ?
Oui, les gens se tournent de plus en plus vers des vins plus jeunes, des macérations plus courtes.
Tu as d’abord travaillé seul avant que Laura et Émilie te rejoignent ? Qu’est-ce que cela t’a apporté ? Te sens-tu l’âme d’un « manager » ?
J’ai travaillé dix ans tout seul dans la cave. Laura a intégré l’équipe il y a trois ans et Émilie il y a un an. Je n’ai pas l’âme d’un manager et j’ai la chance d’être tombé sur deux personnes autonomes et en qui je peux avoir confiance. J’avais une certaine usure à travailler seul. Être plusieurs, c’est une aide dans la prise de décision. Il y a un échange et je suis heureux de travailler avec des jeunes qui ont soif d’apprendre !
Un vigneron peu connu que tu recommandes ?
Jean-François : Le domaine Roquemale en Grès de Montpellier tenu une vigneronne, Valérie Ibanez. Un très beau fruit dans toute la gamme
Laura : Le domaine Les terres d’Armelle à Maraussan, découverte aux Vinifilles. Des vins gourmands et beaucoup de monocépages.
Une cuvée coup de cœur ?
Jean-François : La cuvée Audace des terres d’Armelle. Un 100% Cinsault plein de complexité.
Laura : La cuvée Autres Terres du domaine Les Hautes Terres Haute Vallée de l’Aude, un assemblage de chardonnay et de Mauzac. Un vin minéral très fin.
Un bon rapport qualité/prix ?
Laura : Les cuvées du domaine La Combe Saint-Paul, le Chardonnay est à 6,25€.
Jean-François : Le Mas Gabarel en Côtes de Thongue et particulièrement la cuvée Sympathie.
Un vigneron aveyronnais ?
Jean-François : Ludovic Bouviala du domaine du Vieux Noyer.
Travailler en famille est très commun dans le monde agricole et la viticulture ne fait pas exception à la règle. Pendant des décennies, les femmes ont collaboré gratuitement aux exploitations de leur mari. Elles n’avaient alors aucun statut, aucune protection sociale. Il faut attendre 1991 pour qu’elles obtiennent le statut de « conjoint collaborateur ». Côté descendance, si nombre d’enfants préfèrent aujourd’hui construire une carrière ailleurs, certains choisissent encore de reprendre le flambeau.
Les vigneron.ne.s avec lesquel.le.s je travaille sont parfois devenu.e.s des ami.e.s. En les écoutant, je sais que ce n’est pas un long fleuve tranquille. Pour certains, c’est même quelquefois extrêmement douloureux et la relation devient tellement conflictuelle que la seule solution est de partir pour reconstruire autre chose ailleurs. Car il se joue bien plus qu’une simple relation de travail quand il s’agit de sa mère, son frère, son cousin ou son conjoint.
Pourtant, lorsque les rapports sont sereins et équilibrés, travailler en famille offre le plus grand des luxes selon moi : la confiance. C’est vraiment ce qui m’a frappé lorsque j’ai interrogé les vignerons pour cet article. Anne Sutra de Germa du domaine Monplézy à Pézenas (Hérault) le résume ainsi : « en cas de pépin, le noyau dur, c’est nous ».
Au Mas Baudin, à Monfrin (Gard), Amélie Bonnard travaille avec son frère Vincent, épaulés par leurs parents aujourd’hui retraités. Lorsque je l’interroge sur les avantages et les inconvénients de travailler en famille, elle me répond : « Selon moi il n’y a que du positif. Avec mon frère nous sommes très proches, un peu comme des jumeaux. Cette proximité facilite énormément les échanges, la communication. Je me sens en confiance totale et nous sommes très complémentaires. J’ai parfois plus confiance en son jugement que dans le mien ».
Au domaine Belle en Crozes-Hermitage, Valentin Belle et son frère Guillaume ont intégré l’entreprise mais les parents sont encore présents. « Mon grand-père était coopérateur, il a attendu que mon père termine ses études pour s’installer en cave particulière. Aujourd’hui ma mère, mon père, mon frère et moi travaillons au domaine et, depuis deux, trois ans, les décisions se prennent de manière collégiale. » précise Valentin. Lorsque j’évoque le conflit de générations en cas de désaccord, il n’est pas tout à fait d’accord : « Non, je ne crois pas que ce soit un conflit de générations. Mes parents sont bien conscients qu’il faut faire évoluer les choses mais, en même temps, ils ont encore envie de pouvoir mettre leur grain de sel. C’est normal. »
Quand je les interroge sur la résolution des conflits, chacun sa méthode. Certains prônent le dialogue, le temps, quand d’autres préfèrent prendre une décision coûte que coûte. Mais il y a des règles qui reviennent, notamment celle de laisser de la liberté et de l’autonomie aux derniers arrivés. Une des recettes du succès selon Matthieu Baillette du Pas de la Dame, en appellation Malepère. Matthieu est associé à Franck Roger, son beau-frère. « Lorsque nous avons repris le domaine, mes parents ont pris du recul du jour au lendemain. Ils n’interviennent plus dans le processus de décision. Si nous avons besoin d’un conseil, ils sont là, mais c’est tout. » Au domaine Monplézy Anne Sutra de Germa voit les choses de la même manière : « D’abord il faut que les rôles soient bien définis et que les uns n’empiètent pas sur le travail des autres. Aujourd’hui, la vinification, c’est Benoit [son fils ]. On peut donner notre avis mais, maintenant, c’est lui le boss. Ensuite il faut accepter de s’effacer au profit des jeunes générations. » Lucide, elle poursuit : « Nous sommes très fiers de Benoit. On a conscience de la difficulté de ce métier avec la sécheresse, l’inflation, les années à venir ne seront pas forcément un cadeau que nous faisons à notre fils. Il faut qu’il puisse se sentir pleinement investi. » La cuvée Calcaire Nord signée Benoit Gil et non domaine Monplézy en est le parfait exemple.
La transmission d’une exploitation agricole pose aussi des questions d’équité au sein d’une famille. Notamment lorsque certains enfants ne sont pas impliqués dans l’activité. « Là aussi, pour que ça fonctionne, il faut que les choses soient très claires. Qu’il n’y ait pas de surprise, pas d’ambiguïté » m’explique Matthieu Baillette. « Nous avons créé une société avec Franck qui loue les terres de la famille. » Pour Amélie Bonnard, cela posera évidemment question au moment de la succession mais il n’y a pas de tabou. Ses frères et sœurs qui ne travaillent pas sur l’exploitation ont parfaitement conscience des sacrifices que cela a représenté pour Vincent et elle, mais elle se réjouit de voir sa sœur qui vit en Bretagne et office en tant que bouchère continuer à dire « notre vin ». Pour Anne Sutra de Germa c’est très important aussi d’y réfléchir en amont. « De mon côté, j’ai déjà tout transmis » m’explique-t-elle.
Quoi qu’il en soit, pour moi, les histoires de famille sont autant d’aventures humaines complexes, riches et sensibles que j’aime vous raconter au travers des délicieuses cuvées qui les incarnent
Pour tous ceux qui imaginent les propriétaires des grands crus bordelais froids comme austères et guindés, Véronique Barthe est l’antithèse de cette image d’Épinal. Elle est une vigneronne fraîche et pétillante, très accessible et qui a toujours le sourire. Un style décontractée qui ne masque en rien la grande qualité de son Château d’Arcole cultivé en biodynamie.
Je suis heureuse qu’elle ait accepté ce mois-ci de se livrer au jeu des questions qui vous permettra de mieux la connaitre et, je l’espère, de dépasser vos préjugés sur Bordeaux.
1) Ton premier souvenir lié au vin ?
Une de mes toutes premières dégustations, un château d’Yquem 1967, mon année de naissance, acheté par mon père. Il m’en reste une bouteille à cave !
2) Ta plus grande émotion vin ?
Même réponse qu’à la première question !
3) Un millésime marquant ?
1991, mon premier millésime. Malheureusement peu de volumes mais une année idéale pour ses premières vendanges !
4) Ta (tes) région (s) de prédilection ?
La région de Bordeaux dans son ensemble : la ville pour sortir, la côte Atlantique pour s’y balader et respirer et l’Entre-deux-Mers pour y vivre.
5) Ton cépage préféré ?
En blanc, le Sauvignon. En rouge, j’hésite entre le Petit Verdot et le Cabernet Sauvignon car ces deux là ont une forte personnalité.
6) Que trouve-t-on dans ta cave ?
Des vins coups de cœur provenant souvent de belles rencontres avec des vignerons.
7) Une bouteille pour un repas en amoureux ?
Château d’Arcole, un Saint-Émilion grand cru bio 2019.
8) Un bouteille à ouvrir entre amis ?
La même chose 🙂
10) Un vigneron encore peu connu que tu recommandes ?
Aurélia Souchal du Domaine du Salut sur le plateau de Cérons, très réputé pour ses graves.
11) Un accord mets et vins original ?
Pas très original mais tellement bon et de saison : salmis de palombes avec… château d’Arcole 2019 !
C’est à Santenay, sur la Côte de Beaune, que le domaine Chapelle voit le jour. Il appartient à la famille Chapelle depuis 1907 et c’est aujourd’hui Jean-François Chapelle et son fils Simon, respectivement 4ème et 5ème génération, qui œuvrent à son développement. Chaque génération a apporté sa pierre à l’édifice. Après-guerre, Roger Chapelle opte pour la mise en bouteille au domaine et la recherche d’une clientèle directe. En 1987, Jean-François et son épouse Yvette reviennent au domaine après une expérience professionnelle en Champagne et dans la Vallée du Rhône. En 2002, il fait le choix judicieux de développer une petite sélection de vins de vignerons amis, permettant ainsi au domaine d’étendre sa gamme. Enfin, en 2009, le domaine obtient la certification en agriculture biologique. Il couvre aujourd’hui 18 hectares situés notamment à Santenay, Ladoix et Aloxe-Corton sur la Côte de Beaune.
L’appellation Santenay a toujours été une appellation d’un excellent rapport qualité prix. Moins réputée que les Meursault et les Pommard, elle offre pourtant de vraies pépites. Jean-François Chapelle m’explique : « C’est une appellation assez vaste en terme de surface et historiquement à l’origine d’une production importante. Dans le temps, les négociants utilisaient le Santenay par coupage pour produire des Côtes de Beaune. Peu à peu, certains — comme mon père—, ont fait le choix de s’orienter vers la qualité. Mais ce plis qualitatif a été pris plus tardivement que dans des appellations voisines, ce qui peut expliquer le déficit actuel de notoriété. »
Ici, une géologie complexe offre de grandes diversités de styles. « À Santenay, on peut trouver le style Volnay ou le style Pommard, à savoir des sols marneux qui produisent plutôt des vins capiteux ou des sols calcaires à l’origine d’un style plus fin, plus aérien. »
La gamme de Jean-François Chapelle est large et permet effectivement aux amateurs de Bourgogne de trouver leur bonheur.
Le domaine a beaucoup souffert des aléas climatiques des derniers millésimes et peu de vins blancs sont encore disponibles à la vente. Pourtant, je ne peux m’empêcher de vous parler de la cuvée Les Gravières en Santenay blanc Premier cru, une parfaite réussite et une véritable synthèse du savoir-faire bourguignon et de la modernité de l’équipe. Il s’agit d’un Chardonnay vinifié en vendange entière, avec peu de soufre ajouté dont l’élevage est parfaitement maitrisé. Au nez, de belles fleurs blanches et des notes torréfiées. En bouche, le vin dévoile une belle matière ample et longue et une certaine puissance qui laisse présager un potentiel de garde.
Je cherchais depuis longtemps un très bon Sancerre qui soit bio. Ce sont les élèves du Greta qui m’ont recommandé le domaine Laporte lors du dernier salon Millésime bio.
Si toute la gamme est superbe, cohérente et inspirée, j’ai eu un gros coup de cœur pour la cuvée Le Rochoy, un Sauvignon blanc produit sur un terroir de silex. Ce vin a une élégance folle. Vinifié en levures indigènes et avec un batonnage, la minéralité s’exprime pleinement et elle est enveloppée d’une aromatique mûre et précise aux notes de fruits jaunes et de fleurs blanches.
Le domaine Laporte a été créé et développé dans les années 1950 par René Laporte. Ce dernier décide, en 1986, de le vendre à la famille Bourgeois, une grande famille de vignerons dans le Sancerrois qui produit notamment les vins du Clos Henri. La vente est conclue avec une condition : que l’identité et le nom du domaine perdure. C’est ainsi que le domaine a gardé son nom, ainsi qu’une équipe au chai, à la vigne et au commercial qui permettent de faire perdurer ses spécificités : une culture bio qui accorde une grande place à l’expression du terroir et qui limite les interventions en cave et l’élevage.
Le domaine Laporte couvre 21 hectares, tous cultivés en agriculture biologique au cœur de l’appellation Sancerre à Saint-Satur. Les vins — tous en AOP Sancerre et dans les trois couleurs — sont vinifiés séparément en fonction de leur terroir. Les vignes de la cuvée La Comtesse poussent sur des marnes kimméridgiennes, tandis que Le Rochoy est produit sur un sol de silex. Le cépage Sauvignon est à l’origine des blancs, le Pinot noir des rouges.
Cap sur la Nouvelle Zélande
Le domaine produit également des vins en Nouvelle Zélande et j’ai souhaité en savoir plus. C’est Aurélien Cadoux, responsable commercial du domaine qui me raconte : « la famille a cherché à s’étendre sur des terroirs propices au Sauvignon. Ils ont sillonné l’Afrique du Sud et l’Amérique du Sud mais c’est finalement en Nouvelle Zélande qu’ils se sont installés, dans la très réputée région de Malborough. »
Aurélien poursuit : « Il y a deux terroirs très intéressants sur lesquels sont plantées nos vignes en Nouvelle Zélande : Broad Bridge et Greywacke. » Le terroir de Broad Bridge, ce sont des argiles gris-brun tachetées d’ocre qui indiquent une teneur importante en fer. Les vins provenant de ces sols ont du corps, des arômes marqués et une belle longueur en bouche. Quant au terroir de Greywacke, ce sont des sols graveleux provenant de l’ancienne rivière Wairau qui peuvent descendre à 1,50 mètres de profondeur, obligeant la vigne à lutter pour sa survie, offrant ainsi des fruits de meilleure qualité.
Lorsque je l’interroge sur la vinification, Aurélien m’explique qu’ils ne cherchent pas à obtenir des profils standardisés propres aux vins de ce pays : « Nous essayons d’apporter un savoir-faire français. Par exemple, nous pratiquons des fermentations plus basses que ce qui se fait généralement là-bas. Cela fait moins ressortir le côté variétal du Sauvignon. Nos vins sont plus discrets au nez, mois exubérants, mais en bouche il y a plus de matière. » Autre différence de taille avec les vignerons locaux : ils n’irriguent pas, considérant que les vins n’en n’ont pas besoin. « Nous cherchons à faire des vins de belles factures, pas de la quantité bon marché. C’est pourquoi nous avons une densité de pieds plus importantes, 6 000 pieds hectares pour le domaine contre 2 000 pieds en moyenne en Nouvelle Zélande. » (Plus de pieds de vignes par hectare signifie moins de raisins mais des raisins plus concentrés).
Un French touch qui permet de produire des vins séduisants, gourmands mais racés. Cocorico !