Les caves coopératives n’ont plus d’âme

Lorsque j’ai créé Vins d’Avenir, j’ai fait le choix de n’y inclure que des vignerons indépendants, pas de négociants et pas de caves coopératives. Le concept de caves coopératives était à l’origine un projet noble. Mutualiser les moyens pour être plus fort. Aujourd’hui, il me semble que beaucoup de caves se sont bien éloignées de ce prérequis initial. Il existe quelques exceptions mais l’immense majorité des caves coopératives sont devenues des rouleaux compresseurs standardisés, qui cassent les prix en dévorant une grande partie des subventions européennes. L’inverse d’un vin d’avenir selon moi.

Voici donc un réquisitoire totalement partial mais fondé contre les caves coopératives.

Les caves coopératives n’ont plus d’âmes.

Les caves coopératives, n’expriment ni les convictions d’un vigneron, ni l’essence d’un terroir. Elles produisent des vins qui sont le fruit d’un compromis entre différents viticulteurs pour produire une gamme qui soit cohérente commercialement, et standardisée gustativement. On peut ainsi reproduire chaque année le même goût, mais il n’exprime ni le climat du millésime, ni la personnalité du vigneron. Comme du Coca-cola en somme. Un produit industrialisé.

Quand je choisis un vigneron, ce sont ses décisions viticoles que j’épouse, son parcours. Je cherche à mettre en avant des vins qui expriment quelque chose. Un engagement dans les choix culturaux ou de vinification.

La sélection comporte des vins très différents les uns des autres, mais lorsque le domaine de la Jaufrette ou le Prieuré la Chaume choisissent de proposer des vins de garde ou de “mémoire” comme les nomment si joliment Christian Chabirand, c’est la réflexion du vigneron sur nos modes de consommation actuelles que nous questionnons ensemble face à la clientèle. Quand le domaine Delacroix Kerhoas propose des vins riches mais sans élevage en barrique c’est aussi un choix fort à rebours de ce que l’on peut demander sur des vins de l’appellation Côtes du Rhône. On peut évidemment ne pas tout aimer mais ce sont des choix qui racontent autant d’histoires que compte la sélection de vins.

Les caves coopératives creusent les inégalités

Les vignerons coopérateurs sont tous logés à la même enseigne. Certaines caves ont tenté de valoriser le travail des vignerons par l’identification de parcelles dites plus qualitatives mais soyons clairs l’immense majorité des caves rétribuent leur coopérateurs au poids ou au degré d’alcool.
Les soins apportés dans les vignes ne sont que peu valorisés.

Je me suis souvent demandée comment les caves coopératives avec les prix pratiqués parvenaient à avoir un matériel souvent flambant neuf et des commerciaux plutôt très bien rémunérés.

Les caves coopératives sont en grande partie financées par les aides et notamment les aides de la PAC (politique agricole commune).
La France est le premier bénéficiaire de la PAC ! Oui mais voilà le système de financement de la PAC repose sur deux piliers. Le premier (et le plus rémunérateur) rétribue les exploitations en fonction de leurs superficies. Résultat : les grandes coopératives qui cumulent un grand nombre d’hectares sont biberonnées aux aides européennes alors que les petites exploitations indépendantes en voient très peu la couleur.

Les caves coopératives ne sont pas rentables et cassent les prix.

Cela m’amène au premier problème à mon sens de ces établissements. Une grande partie des caves coopératives une fois toutes les aides soustraites ne sont pas rentables en réalité, sauf qu’elles inondent le marché de vins à très bas prix, prix qui ne reflète pas le coût réel de production d’une bouteille de vin. Alors qu’en face des vignerons beaucoup moins aidés doivent soutenir une offre à des tarifs légèrement plus élevés mais plus réalistes. Voilà pourquoi j’ai choisi de ne pas inclure dans mon offre les vins issus de caves coopératives qui à mon sens truquent le jeu de l’offre et la demande.

Les caves coopératives à la traîne sur les enjeux environnementaux.

Là encore , je ne souhaite pas avoir un point de vue manichéen, certaines caves coopératives développent des cuvées bios bien sûr, mais quel est l’engagement environnemental qui est pris quand seule une ou deux cuvées sont proposées en version bio alors que le reste de la gamme est conventionnelle? Les caves coopératives sont très friandes de labels et médailles à valoriser notamment en grande surface (principal débouché de vente) mais très souvent elles se tournent vers le label HVE (haute valeur environnemental) un label” fourre-tout” poussé par l’UE et nettement moins exigeant que le label bio. Cela crée de la confusion pour le consommateur et n’implique que très peu de changement dans les vignes.

Là aussi avec un vigneron indépendant, il est beaucoup plus facile d’y voir plus clair. En effet, lorsqu’un producteur intègre la sélection ce n’est pas seulement son adhésion au cahier des charges bio qui m’intéresse mais comment il s’inscrit dans une démarche plus globale.

Au Château d’Arcole à Saint Emilion ce n’est pas seulement l’adhésion à la biodynamie mais aussi un carton sans colle ou des bouteilles allégées. Au domaine Wilfried à Rasteau au cœur de la Vallée du Rhône méridionale, c’est aussi l’utilisation des ressources en eau qui est questionnée.

Vous l’aurez compris, choisir uniquement des vignerons indépendants me permet de défendre, des convictions, le travail d’êtres humains, des valeurs familiales parfois ancrées sur plusieurs générations et j’assume parfaitement que souvent à la fin le vin coûte quelques euros supplémentaires. Le jeu en vaut la chandelle.

Les goûts et les couleurs…du vin

Ce que l’on considère comme nos préférences alimentaires est en fait le fruit de notre éducation, notre culture et notre environnement . Dans le vin comme ailleurs, il existe aussi des modes qui participent grandement à forger nos choix. 
Pour autant, de vrais différences de goûts persistent entre les êtres humains. Et c’est mieux ainsi. Depuis mon déménagement du Gard vers l’Aveyron j’ai été particulièrement surprise de constater que deux départements limitrophes, si proches, pouvaient présenter des profils de consommateurs si différents. C’est pourquoi ce mois-ci, j’ai mené l’enquête pour trouver des explications à ces spécificités gustatives.
Alors qu’a Nîmes ou Avignon les vins blancs ne cessent de gagner du terrain, dans l’Aveyron, les vins rouges ont encore la part belle «Cela change, il y a dix ans on vendait, 80% de vins rouges et 20% de vins blancs, aujourd’hui, je dirais que la répartition est plutôt 65% de rouge et 35% de blancs » m’explique Didier Vieillescazes, caviste aux Saveurs des vignes à Bozouls. Si je compare avec mes ventes de vins dans le Gard c’est effectivement plus contrasté que pour Didier.
A Nîmes, Uzès ou Avignon, même si les vins les plus demandés sont encore les vins du Languedoc et de la Vallée du Rhône, la demande s’oriente de plus en vers des vins plus légers, plus faciles à boire, pour l’apéritif ou pour l’été notamment. Les vins plus riches, plus tanniques sont de plus en plus réservés aux belles occasions et pour un accord mets et vins spécifique avec des plats mijotés ou des gibiers.

Certains esprits chagrins diront que c’est une mode. Les vins glouglous sont venus de Paris et ne sont pas encore arrivés en Aveyron, terre rurale et reculée. Effectivement, les vins rouges dits légers, fluides sont une tendance récente très connexe de la mode des vins dits natures. En effet, les vins sans ou avec très peu d’ intrants, sont pour la plupart des vins destinés à une consommation rapide. L’inverse donc des vins de garde structurés et tanniques. Pour autant cette explication me semble insuffisante et légèrement méprisante. Et puis n’oublions pas que les bistrotiers parisiens sont finalement pour beaucoup des Aveyronnais partis à la conquête de la capitale !

Pour Florian Falguières, caviste aux Vins Falguières, à Rodez, cela s’explique par le climat « Dans le Midi, les températures connaissent des augmentations spectaculaires, les gens ont donc envie de plus de vins rafraichissants ». Effectivement, le climat aveyronnais reste plus rude et lorsqu’il fait froid, on se tourne vers des vins plus chauds.

En effet les Aveyronnais(es) recherchent des vins plus riches, plus denses. J’ai été épaté de voir que lors de dégustations professionnelles, pour préparer les cartes d’été des restaurants, les clients préféraient tous des vins rouges avec de la concentration. Pire les vins plus frais, légers, ne sont pas seulement moins consommés mais carrément jugés moins bons. Pour Didier l’explication se situe aussi au niveau des habitudes alimentaires « Nous sommes un pays d’éleveurs, ici nous mangeons beaucoup de viande et pour l’accompagner ce sont des vins rouges puissants. Cela s’est ancré dans nos habitudes alimentaires et donc de consommation. »

Pour Léa Desportes formatrice de la très pointue Ecole des Sens https://lecoledessens.fr/  même son de cloche qui l’explique scientifiquement « Un des facteurs à l’origine du goût prononcé des Aveyronnais.e.s pour les vins rouges très tanniques est à chercher du côté de l’assiette. La cuisine riche de la région, particulièrement les plats de viande, fait bon ménage avec ce type de vin. En effet, les tannins sont des composés végétaux, aussi appelés polyphénols, qui ont la capacité de précipiter les protéines de la salive. Ce phénomène provoque en bouche une sensation de rugosité. Alternée avec l’ingestion d’un mets gras, cette astringence supprime l’impression de lubrification laissée par le gras dans la bouche, tel un « nettoyeur de palais .Il ne faut jamais oublier que le précieux nectar est fait pour être bu à table et les accords mets et vin participent à la construction du goût. »   Cette dichotomie révèle un aspect particulièrement riche et intéressant de notre métier, il ne s’agit pas seulement de vendre du vin mais de vendre le bon vin à la bonne personne et au bon endroit.

La dégustation et ses critères de sélection  

Réjane au salon Millésime Bio 2020

J’ai déjà évoqué ici les critères de sélection pour qu’un ou une vigneron.ne intègre la famille Vins d’Avenir. Je souhaiterais maintenant partager avec vous ceux qui s’appliquent aux vins.

Au nez

Lorsque je déguste un vin, ses parfums me permettent tout d’abord d’estimer son ouverture. Est-il très aromatique ou au contraire sur la réserve ? Le bouquet est-il discret ou explosif ? Je suis ensuite vigilante à la complexité aromatique. Prenons un Gewürztraminer par exemple. Le nez embaume-t-il uniquement la rose ou des notes de fond de cardamome, de raisin et de citron font-t-elles leur apparition ? Il s’agit d’un critère primordial : s’il n’est pas rempli, le vin risque de lasser le consommateur. Il doit bien sûr être pondéré par le prix : plus sa bouteille est chère plus on est en droit d’attendre une palette aromatique variée.

En bouche

En bouche, nous percevons des arômes grâce à la rétro-olfaction (faites le test de vous bouchez le nez en dégustant ou en mangeant et vous constaterez combien l’odorat est essentiel au goût). Là encore, sont-ils très présents ? L’aromatique est-elle démonstrative ou timide ? monochrome ou multicolore ?

Nous percevons également les saveurs. Pour le vin, plusieurs saveurs fondamentales entrent en jeu : l’amertume, l’acidité, le sucré et l’umami (littéralement « savoureux » en japonais, elle correspond au goût de bouillon et on la retrouve dans de nombreux aliments qui ont connu une maturation importante comme un vieux parmesan ou une viande fumée). L’acidité et l’umami font saliver, l’amertume assèche au contraire la bouche. Il faut souligner qu’il existe des différences de perception très importantes d’un dégustateur à l’autre. J’apprécie pour ma part de beaux amers dans le verre lorsqu’ils viennent soutenir le précieux nectar, lui apporter de la tenue et parfois de la longueur. C’est le cas du Grenache blanc ou de la Roussanne lorsqu’ils sont bien vinifiés. L’amertume de la Roussanne du domaine Delacroix Kerhoas par exemple allonge le vin et lui évite l’écueil d’être trop lourd comme le sont de nombreux blancs du Sud. Même chose pour l’acidité qui est souvent comparée à la colonne vertébrale du vin. Sa présence apporte de la vivacité et elle améliore la dégustation d’un vin avec du sucre résiduel.

En bouche, on évalue aussi la matière du vin grâce au toucher. Est-ce que le jus se vautre ou file-t-il droit ? Est-ce qu’il tapisse le palais ou sa densité se rapproche-t-elle de celle de l’eau ? Pour les rouges, on est attentif aux tannins, les épaules du vin, leur quantité mais aussi leur qualité. La sensation de râpeux sur la langue est-elle mesurée ou au contraire désagréable ? Un vin rouge glouglou, sans tannins, sera facile à boire pour tous mais quel est son potentiel de garde ?  

Là encore, tout est question d’équilibre. Une touche d’amertume, c’est oui, seule et dominante, c’est non. Des tannins peuvent être présents en grande quantité s’ils sont fondus ou que le temps va faire son œuvre pour les patiner.

Je mesure aussi la longueur du vin, la persistance aromatique et celle des saveurs. Une fois la gorgée avalée ou le vin recraché, combien de temps restent-elles présentes ? C’est essentiel.

Équilibre et harmonie

Enfin, c’est l’harmonie globale que j’apprécie. Un nez et une bouche peuvent être très différents et s’accorder parfaitement. L’inverse est aussi possible. La cuvée Prima Donna du Prieuré la Chaume, assemblage audacieux de Chardonnay et de Pinot noir, offre un nez ouvert, intense, aromatique puis, en bouche, une fraîcheur saline, une structure et une belle tension qui apportent une harmonie remarquable au vin.

L’ensemble de ces critères me permettent de dessiner le profil général du vin, son style, et de savoir s’il a une place ou non dans ma gamme. Il est finalement assez peu question de mon goût personnel mais plutôt de celui de ma clientèle qui est … varié. J’apprécie par exemple assez peu les vins très extraits et très boisés. Vous n’en trouverez pas dans ma sélection mais, pour répondre à la demande de vins puissants et riches, je vais chercher des vins bien mûrs, des macérations longues qui vont satisfaire les amateurs. Je ne porte pas de jugements de valeur mais j’essaye toujours d’apporter une réponse qui soit cohérente avec l’esprit de la sélection.

Pour des dégustations totalement partiales

La sélection de Vins d’Avenir

La crise sanitaire a bouleversé les pratiques professionnelles dans le milieu du vin. Pour beaucoup d’entre nous — agents commerciaux, négociants, grossistes, vignerons … — la fermeture des restaurants nous a contraints à rechercher d’autres débouchés commerciaux. Résultat : nous sommes nombreux à nous être tournés vers les cavistes qui sont restés ouverts pendant la crise. Face à ces sur-sollicitations, les cavistes ont dû mettre en place un système de sélection encore plus drastique. Certains pratiquent des dégustations à l’aveugle sur dépôt d’échantillons.

Les dégustations à l’aveugle permettent de juger uniquement de la qualité du vin et, dans certains contextes, l’exercice se révèle très intéressant. Je me rappelle d’une dégustation au Château de Montfrin où les professionnels autour de la table avaient tous très mal noté une star du Languedoc dont je tairai le nom. Cet exemple montre à quel point la notoriété d’un domaine tient autant à la personnalité du vigneron, sa communication, que la qualité de son vin.
En outre, l’effet millésime peut être très important. Un producteur peut être talentueux et subir des aléas climatiques qui altèreront la qualité du vin ou simplement le style pendant une année.
Les dégustations à l’aveugle sont également pratiquées lors des concours. J’ai à plusieurs reprises eu l’occasion d’être jury dans des évènements de ce genre. Même si l’exercice est intéressant, notamment pour progresser dans la dégustation, je le trouve drôlement triste comparé au plaisir que je prends à découvrir un vigneron, sa philosophie, son univers, son chai. Bref, qui il est. Je ne vends pas seulement du vin mais le travail d’un homme, d’une femme, une histoire humaine, parfois celle de plusieurs générations, un terroir, une méthode aussi. Alors quand je dois déposer des échantillons, je n’ai vraiment pas le sentiment de faire mon travail. De bons vins, il y en a partout. C’est une affaire de goût et de qualité-prix. En revanche, des gens qui vous touchent et dont vous avez envie d’être le porte-parole auprès d’une filière, il y en a beaucoup moins.

Tant pis ou plutôt tant mieux si, lors d’une dégustation, l’histoire du vigneron, le choix de l’étiquette ou encore le positionnement qu’il a pris altèrent notre jugement. Quand nous en viendrons à juger seulement le goût, nous serons devenus des robots.

Pour des vins bien élevés

La plupart des bouteilles qui sont bues en France aujourd’hui sont débouchées peu de temps après avoir été achetées. Le consommateur de vin du XXIe est pressé et cette tendance ne devrait pas s’inverser à l’avenir puisque la génération Z, celle des moins de 25 ans, semble bouder les vins dits de garde. C’est en tous cas ce que j’ai pu constater en tant que formatrice.

Il est vrai que les urbains, majoritaires, n’ont souvent ni la place ni le lieu adéquat pour conserver des flacons plusieurs années. Il faut également admettre que les restaurants sont de plus en plus frileux à proposer des millésimes anciens à leur carte. Mais c’est aussi, il me semble, une affaire de goût. D’un goût qui se perd et dont j’ai la nostalgie.

Comprenez-moi bien : il faut de tout pour faire un monde et le mondo vino ne déroge pas à la règle. Je suis la première à succomber au charme des vins vifs, frais et légers, des vins accessibles qui offrent un plaisir immédiat. Mais je déplore que les vins complexes, ceux qui requièrent de la patience, soient oubliés. Pourquoi se priver de la diversité des styles de vins qui sont produits par des terroirs et des vigneron-ne-s tous différent-e-s les uns des autres ? La dive bouteille offre une infinité de choix en fonction du lieu, du moment, des convives, de l’humeur ou du plat. Si j’apprécie la « buvabilité » d’un rouge glouglou à l’apéro avec des amis, à l’inverse, le soir du réveillon de Noël, j’ai envie d’un nectar qui a traversé le temps, qui me racontera une histoire longue et complexe, dans lequel les arômes de fruits côtoieront ceux des sous-bois, de la truffe ou du cuir.

Ne passons pas à côté de la magie du vin, qui se niche dans le temps long. Une fois le jus de raisin devenu vin, commence son élevage, phase qui lui permet de se stabiliser, de s’intégrer, de se complexifier. Comme les enfants, certains vins ont besoin de plus de temps pour se révéler. Christian Chabirand, vigneron du Prieuré la Chaume, les appelle très joliment des vins de mémoire : « notre passion est dictée par une exigence de vérité, celle du temps qui permet à un vin tout au long de son élevage, d’exprimer sa minéralité, libérer son potentiel aromatique et affiner sa matière. Nous élaborons des vins qui sont l’empreinte d’un terroir, d’un climat et des êtres qui les accompagnent : ce sont des vins de mémoire. » Ces vins-là ne peuvent être dupliqués.

Étape et non finalité, l’élevage prépare les vins à la garde. Plus il est long, plus il faudra patienter avant de déboucher la bouteille, décision difficile puisque le vin, contrairement aux spiritueux, continue à évoluer dans son contenant de verre. Certains crus résistent si bien au temps qu’ils peuvent se transmettre de génération en génération. Luxe que n’offre aucun autre produit alimentaire à ma connaissance.

Un bon vigneron élabore des vins accessibles avec un juste rapport budget / plaisir, là où un grand vigneron conçoit — quand le terroir et le millésime le permettent —des cuvées d’exception, ajustant en conséquence les vendanges, les macérations et l’élevage. Intuitif et audacieux, il fait le pari, parfois risqué, qu’elles sauront rester dans les mémoires. L’objectif de ces deux types de vin n’est tout simplement pas le même. Les noms des gammes du domaine Monplézy sont éloquents : les vins gourmands et digestes se nomment « Plaisirs », là où les vins de garde et de fête sont appelés « Emoción ».

Alors que la performance, le jeunisme, l’immédiateté et la surconsommation sont aujourd’hui survalorisés, ne calquons pas les dérives de notre société sur notre rapport au vin, vecteur d’émotion si noble, si précieux et si délicat.

Le billet de Réjane #1

Un an !

Un an que j’ai créé Vins d’Avenir 

Une année d’émerveillement et de bonheur à parcourir les vignobles, à renouer contact avec la nature et à rencontrer des vignerons, des cuisiniers, des cavistes, des gens qui aiment leur métier et dont la passion est contagieuse.

Bien sûr, j’ai été confrontée à toutes les difficultés que peut rencontrer un jeune chef d’entreprise : une très forte concurrence et un contexte économique assez difficile. C’est  un travail qui nécessite une grande disponibilité et une grande polyvalence. J’endosse tour à tour les rôles de commerciale, acheteuse, livreuse, comptable… À l’heure du bilan et même si je ne suis qu’aux prémices de cette aventure, je ressens une exaltation très forte à poursuivre le chemin.

Il est encore tôt pour tirer des conclusions mais le parti pris d’avoir un catalogue de vins bios se révèle une vraie richesse. Les consciences s’éveillent et la culture bio est au cœur des préoccupations des consommateurs.

Pourtant, le travail de pédagogie à effectuer auprès des clients, pour expliquer ce qu’est un vin bio et les coûts de la culture biologique est considérable. En fonction des régions viticoles, les différences peuvent s’accentuer fortement et les différences de prix entre un vin bio et un vin conventionnel peuvent être non négligeables.

La Champagne par exemple est la région qui produit les vins les plus technologiques au monde. C’est aussi la région où le négoce règne en maitre avec 70% des ventes. La culture bio coûte en moyenne 30% de plus à produire. Le climat champenois complexifie le travail du vigneron bio. Un champagne bio, de vigneron, comme ceux de Barrat Masson, sera donc forcément plus cher qu’un champagne conventionnel de négoce. Mais il sera aussi meilleur pour la santé, riche d’une histoire humaine et de l’empreinte d’un terroir. Il me semble que cela justifie de le payer quelques euros de plus.

Heureusement, il est des régions plus favorables à la culture biologique et c’est le cas de la vallée du Rhône. Les deux nouveaux venus de la sélection, le château Cohola à Sablet et le château Simian à Piolenc, en sont issus. On oublie trop souvent que le Rhône méridional produit aussi de grands vins blancs. Le Sablet du premier et le Châteauneuf-du-Pape du second nous le rappellent. J’ai aussi le plaisir de vous annoncer que je vais représenter les élégants vins d’Alsace du domaine Rieflé.

J’espère prendre le temps d’instaurer un rendez mensuel pour vous raconter l’évolution de Vins d’Avenir et, d’ici là, je vous souhaite un bel automne 2019.