Le Chardonnay est considéré par beaucoup comme le plus grand des cépages blancs. Une chose est sûre : il est le plus planté au monde. En France, on en trouve un peu partout — dans le Languedoc, le Jura, l’Auvergne, la Loire — mais c’est la Bourgogne et la Champagne qui l’ont rendu célèbre. Sans parler des pays étrangers qui le cultivent abondamment, comme la Californie aux États-Unis, le Chili, la Nouvelle Zélande, l’Australie et bien d’autres.
Comment expliquer un tel succès ? La première raison évoquée est historique. Les grands blancs de Bourgogne ont une image mythique dans la tête de tout amateur de bons vins. Meursault, Puligny-Montrachet, Corton Charlemagne, autant d’images d’Épinal et de vins qui sont devenus quasi inaccessibles…
La deuxième raison, plus prosaïque, semble être son adaptabilité. Le Chardonnay a de multiples facettes car il s’acclimate très bien à son terroir dont il absorbe les caractéristiques pour les retransmettre dans le verre. Pointu et minéral à Chablis, il se révèle solaire et rond dans le Mâconnais. Lors d’une récente dégustation avec les élèves du Greta sur le thème de la Bourgogne, la benjamine du groupe s’est exclamée avec une spontanéité touchante au bout du troisième verre 100% Chardonnay : « Tous ces vins sont faits à partir du même cépage ?? C’est fou ! » Tout est dit, le Chardonnay est un cépage fou d’adaptabilité. Mathieu Baillette du Pas de la Dame confirme : « Le Chardonnay, c’est toujours bon. Ce n’est pas toujours comme en Bourgogne mais toujours bon ». Le vigneron est bien placé. Dans son domaine, situé en appellation Malepère, la plus occidentale du Languedoc, ils produisent deux cuvées à base de Chardonnay. « Dans la cuvée French Paysan s’exprime un Chardonnay désaltérant, sur la fraîcheur, plutôt à boire pour un apéritif. Dans la cuvée Épouse-moi nous recherchons une plus grande complexité. Nous poussons les maturités plus loin, nous laissons faire la fermentation malolactique qui apporte gras et rondeur, nous bâtonnons le vin et surtout nous le dégustons tous les jours jusqu’à tomber d’accord sur son parfait achèvement ». C’est effectivement une réussite puisque cette cuvée a été qualifié admirablement par un caviste qui se reconnaîtra de « Chablis à dix balles ».
La variété est perméable au travail du chai donc. La fermentation malolactique, le bâtonnage (qui consiste à remettre en suspension les lies fines qui se déposent au fond des fûts ou cuves lors des vinifications et/ou élevage), mais aussi et surtout l’élevage en fût de chêne. Le Chardonnay est un cépage très souvent boisé et cela lui sied à merveille lorsque l’élevage est judicieusement dosé.
Dernière atout : il possède un exceptionnel potentiel de garde. Son évolution lente en fait un cépage idéal pour le vieillissement des vins.
En Champagne, le Chardonnay offre un profil plus frais qui ne manque pas d’élégance. Il se plaît particulièrement sur les sols crayeux, comme ceux du domaine Barrat Masson. Aurélie Barrat m’explique : « En Champagne on trouve des Chardonnays sur la Côte des blancs et chez nous, dans le Sézannais. Nous avons un sol très crayeux. La craie, qui affleure dès 80 cm, retient l’eau en hiver et la restitue plus tard à la plante. C’est pourquoi nos parents ne s’y sont pas trompés et ont planté du Chardonnay ». Le Chardonnay ne représente que 30 % de l’encépagement de la région et c’est peut-être aussi ce qui renforce son prestige. Les vins issus uniquement de ce cépage, qu’on appelle « blancs de blancs », sont plus rares. Celui du domaine, la très belle cuvée « Fleur de craie » est un vin élégant, fin, soutenu par une belle suavité dans la version millésimé 2016.
Le Chardonnay n’a-t-il que des qualités ? « Non, c’est un cépage irrégulier, sensible à l’oïdium. C’est également un cépage précoce, ce qui le rend sensible aux gelées. » concèdent Aurélie et Mathieu. Ce sont toutefois de maigres défauts au regard de son immense prestige qui continue de faire des émules partout dans le monde.