À l’heure où j’écris ces lignes, les vendanges n’ont pas encore commencé partout en France. Au Fief Noir, en Anjou, c’est encore trop tôt. “On attend encore un peu. Alors que l’on avait quinze jours d’avance, la sécheresse a bloqué la maturation du raisin et les dernières pluies n’ont pas suffit à la débloquer. Il y a beaucoup de raisins sur les vignes mais aurons-nous du jus dans les baies ?” s’interroge Alexis Soulas.
Le millésime 2022 a en effet été marqué par la sécheresse et son exceptionnelle précocité. Au domaine Monplézy, dans le Languedoc, les premiers coups de sécateurs ont été donnés le 11 août. Une date qui détrône le record détenu jusqu’à présent par le 15 août, m’explique Christian Gil. Il complète : “en revanche, ce qui est immuable ici, c’est la durée des vendanges, un mois tout pile chaque année”. Au domaine Rouanet Montcélèbre, la récolte a débuté le 23 août, un autre record de précocité. Dans la Vallée du Rhône, où les vendanges démarrent à peine, Didier Bonnard du Mas Baudin relativise : “certes, on est en avance, mais de quelques jours seulement. Pas de quoi pousser des cris d’orfraie.” Et puis une vendange précoce a ses avantages reconnaît Benoît Gil du domaine Monplézy : “le vin a le temps de se poser en cave, on évite les ruptures entre les millésimes”.
Le bio contre le chaud
J’appréhendais les retours des vignerons, craignant que la sécheresse qui s’est abattue sur l’Hexagone cet été ne vienne gâcher la fête après un millésime 2021 déjà difficile (rien ne leur avait rien épargné, ni le gel, ni la grêle ni un été pluvieux). Pourtant, les premiers retours sont très positifs. Au Mas Baudin, “les dernières pluies ont été miraculeuses et les premières Syrahs que nous avons sorties sont des bombes de fruits” raconte Amélie Bonnard. Au domaine Rouanet Montcélèbre, Audrey Rouanet se réjouit aussi : “je suis contente, il y a beaucoup de jus. C’est une bonne surprise”. Même son de cloche au domaine Monplézy : “on est agréablement surpris, il y a du jus même sur des parcelles non irriguées.”
Christian Gil avance une explication : “Nous avons envie de croire que c’est aussi le résultat de plus de six ans en bio. Le travail du sol en agriculture biologique est considérable. Il favorise la présence de micro-organismes et favorise la captation par la terre de l’humidité.” Amélie Bonnard du Mas Baudin confirme : “les caves coopératives autour de nous ont annoncé 40% de perte sur les Syrahs. Ce n’est pas du tout le cas chez nous, y compris dans les parcelles non irriguées”. Pour Audrey aussi, la culture bio y est pour quelque chose : “Oui, c’est évident. Lorsque je regarde les vignes en plaines de la cave coopérative, le sol est beaucoup plus sec. J’ai moi-même repris une vigne cette année qui été travaillée en conventionnelle et elle a subi un stress hydrique bien plus important que le reste du domaine”.
Les vigneron.ne.s pendant les vendanges me font penser à de jeunes parents qui viennent d’avoir un enfant. Après une longue attente et malgré beaucoup de fatigue et de travail, ils sont très heureux de vous le présenter et de projeter ce qu’il va devenir. C’est un moment précieux et j’adore aller dans les caves à ce moment-là. Au domaine Monplézy, Benoit à eu la gentillesse de me faire goûter quelques cuves et, même s’il n’est pas facile de déguster le vin en pleine transformation, 2022 laisse présager un très beau millésime.