Le Mas Baudin est un domaine viticole et oléicole d’une trentaine d’hectares situé à Montfrin, dans le Gard. Amélie et Vincent Bonnard sont des voisins, je les connais depuis quelques années maintenant. Ce sont des vignerons artisans pudiques et passionnés qui placent la famille et l’authenticité au cœur de leur travail.
C’est progressivement que le frère et la sœur sortent de la cave coopérative pour tracer leur route selon leurs goûts. Alors qu’ils se sont lancés dans ce grand projet il y a quelques années à peine, le domaine est ravagée par les incendies de l’été 2019. Le moulin brûle et tout l’appareil productif avec. Lorsque nous évoquons ce terrible épisode, Amélie ne s’apitoie pas. Pas le genre. « On va tout reconstruire ». Et, en attendant, la solidarité vigneronne fonctionne : c’est Jean René de Fleurieu du château de Montfrin qui abrite leur stock.
Les vins sont élaborés avec beaucoup de professionnalisme et d’instinct. Soin et précision sont apportés au travail en cave. Les raisins sont vinifiés en micro-parcelles dans quinze cuves qui sont assemblées pour produire cinq cuvées. La fermentation malolactique se déroule sous marc, étape risquée qui requiert beaucoup de surveillance mais qui apporte gras et matière.
Toute la gamme se décline en occitan. Pour commencer, le rouge, le blanc et le rosé Arlezzo, du nom du costume traditionnel des femmes arlésiennes. Avis aux amateurs d’exceptionnels rapports qualité prix. Fréjaou, leur cuvée 100% Syrah, rappelle étrangement les Syrahs de la vallée du Rhône septentrionale.
Le domaine Milan quant à lui a déjà ses lettres de noblesse. Réputé en France comme à l’étranger, Henri Milan a réussi à faire de cette exploitation aux portes de Saint-Rémy-de-Provence un bastion des vins nature, et ce bien longtemps avant qu’ils ne soient à la mode. Aujourd’hui, c’est son fils Théophile qui officie au commercial mais le crédo reste le même : « Ici, les vins sont vinifiés en levures indigènes, peu de soufre voir pas du tout pour certaines cuvées, et sans filtration. La filtration c’est pire que le soufre, ça décharne les vins. » . L’encépagement est atypique pour la région : aux cépages traditionnels du sud se mélange d’autres variétés plus inattendues comme le Savagnin, le Macabeu ou le Nielluccio.
La gamme est large, les étiquettes graphiques et chaque cuvée à une histoire bien distincte. Au total, ce sont près de quinze vins différents que je dégusterai cette matinée de février. Lors de la dégustation nous traversons le chai parsemé de rose ici et là, la couleur totem du domaine. Et c’est en musique que nous dégustons. Quand j’interroge Théophile sur la musique, il me répond, un brin moqueur : « Ah, ça, c’est mon père ! ». Ce sont des vins avec beaucoup de personnalité et d’élégance.
J’ai évidemment été subjuguée par Le Grand blanc qui porte bien son nom. Très ouvert, avec des notes de noisette, légèrement oxydatif avec une belle patine, c’est un produit de gastronomie par excellence. Le vin orange Luna et Gaia se distingue par une belle structure et une amertume bien maitrisée qui équilibre le tout en bouche. Le Jardin millésime 2012 semble être à point : ce 100% Merlot offre un nez de truffe assez extraordinaire.
Mais le Domaine Henri Milan, ce ne sont pas seulement Henri et Théophile. C’est aussi Sébastien Xavier, le maître de chai qui travaille au domaine depuis vingt ans. Une cuvée porte ses initiales. S&X est un 100% grenache aux accents plus sudistes que le reste de la gamme. On y retrouve les marqueurs du cépage, mûr et cacaoté. Nous avons été rejoints à la fin de la dégustation par les enfants de Théophile, la troisième génération.
Vous l’aurez compris, au domaine Milan comme au Mas Baudin, c’est une histoire de vins et d’humains !