Les vignobles du Beaujolais connaissent, depuis quelques années, un beau renouveau. Après avoir été longtemps réduits au Beaujolais nouveau, cela fait déjà plusieurs années que les vignerons tentent de donner une nouvelle image à ce vignoble dynamique qui recèle d’incroyables terroirs. Peu à peu, les mentalités évoluent et le Beaujolais parvient à tirer son épingle du jeu.
Le domaine Morin fait partie de ces domaines qui ont su se réinventer. Pauline et Éric Morin, les parents de Théo, exploitent ensemble des vignes pendant dix ans. En 1999, ils rachètent la maison familiale d’Eric, construisent un cuvage et achètent des vignes à Chiroubles, Morgon et Beaujolais Villages. Ils développent la vente de leurs vins en bouteille tout en continuant la vente au négoce.
L’arrivée de leur fils Théo rebat les cartes. Le jeune homme a fait ses armes à Beaune et fort d’un BTS viticulture-oenologie, il entreprend en 2022 de convertir le domaine en agriculture biologique. L’appellation Chiroubles est le cru le plus élevé de la région du Beaujolais. Le domaine compte 7 hectares dont la déclivité peut atteindre 45 %. Dans des zones aussi pentues, le travail n’est pas mécanisable, ce qui exige un travail manuel important. Qu’importe, Théo, épaulé de ses parents, se retrousse les manches.
Théo propose à ses parents de prendre un virage à 180°. Dans les vignes, dans le chai et dans la commercialisation. “Nous avons orienté nos méthodes de fabrication afin de limiter notre impact sur l’environnement : conception d’un éco-packaging, utilisation d’un papier d’étiquetage recyclé, remplacement des capsules en aluminium par de la cire naturelle, utilisation d’un nouveau bouchon en liège bio non lavé au peroxyde, allègement du poids des bouteilles (20 tonnes de verre en moins sur 10 ans)… ça bouge !” Mais ce n’est pas tout ! Le domaine est également engagé dans une démarche d’agroforesterie et d’enherbement des sols. L’enherbement permet d’apporter de la matière organique et de lutter contre l’érosion des sols. Les vignerons replantent massivement des arbres (frênes, oliviers, pêchers, amandiers) sur les parcelles du domaine afin d’augmenter la biodiversité, le stockage du carbone et d’améliorer la vie du sol.
Cette philosophie se prolonge dans la cave, avec une vision le moins interventionniste possible : des levures indigènes et un peu de soufre uniquement à la mise en bouteille.
J’ai été touché par la confiance qu’Éric et Pauline avaient en leur fils de vingt-six ans et par leur indéfectible soutien à ses projets. Je connais beaucoup de domaines où la vision moderne des plus jeunes se heurte à une vision plus traditionnelle et où la transmission est moins sereine.
Il en résulte ici des vins gracieux, élégants, avec beaucoup de fraîcheur et de persistance aromatique. Le Chiroubles est tout en allonge, avec un nez délicat aux notes de pain d’épices et de cannelle, tandis que le Morgon, sur des schistes rouges, propose un vin plus concentré.
J’ai eu un véritable coup de cœur pour le Beaujolais Villages en blanc, un chardonnay d’une grande finesse dont l’expression m’a rappelé les vins du Mâconnais cultivés quelques kilomètres plus au nord.
Cerise sur le gâteau, les vins ne sont pas seulement bons, ils sont aussi beaux, puisque les étiquettes des vins de France sont faites par un artiste togolais et représentent des femmes dans les champs. Le domaine reverse une partie des bénéfices à l’artiste, mais aussi à une ONG togolaise qui œuvre pour les énergies renouvelables.