Monique Bonnet du Château Suau et Véronique Barthe du Château d’Arcole sont les deux représentantes de la région bordelaise de la sélection Vins d’Avenir. Elles sont aussi des soutiens sans faille depuis l’origine de l’aventure. J’ai d’abord rencontré Monique au cours d’un voyage rocambolesque en Chine, il y a quelques années. Elle est tout de suite devenue plus qu’une amie, un guide, un modèle. Elle m’a très vite présenté son amie Véronique, qui a eu à mon égard- avant même de me connaître- la même bienveillance.
La première est une Bordelaise d’adoption, devenue vigneronne à plus de 30 ans. La seconde est issue d’une famille de vignerons depuis de nombreuses générations. A la fois extrêmement proches et très différentes, ce sont pour moi des femmes inspirantes, par leur travail, leur joie de vivre mais aussi l’amitié pure qu’elles entretiennent depuis de nombreuses années. J’ai donc voulu dresser un portrait croisé de ces deux femmes. Je pensais vivre un moment léger, joyeux, à devoir pousser un peu ces deux pudiques à se livrer. Je ne m’attendais pas du tout à passer aussi vite du rire aux larmes et à apprendre autant en l’espace d’une petite heure sur l’amitié, la dignité et l’espoir.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Véronique Barthe : Un point commun entre nous, c’est que nous n’avons de mémoire ni l’une ni l’autre (rires). Je dirais à la fin des années 1980, lors d’un salon des vignerons indépendants à Bordeaux.
Qu’est-ce qui vous a rapproché ?
Véronique Barthe : On était toutes les deux toutes seules à gérer nos propriétés de A à Z, cela nous a beaucoup rapproché. Nous avons créé ensemble « L’envers de Bordeaux », un groupe de vignerons/copains qui pensaient qu’il vaut mieux chasser en meute que seul. Cela donne de la force d’être à plusieurs. Nous avons ensuite intégré ensemble les Aliénor du Vin de Bordeaux, un groupement de vigneronnes bordelaises qui existe aujourd’hui encore.
Monique Bonnet : Nous sommes devenues amies au bout de quelques années. Nous avons pris l’habitude de partager beaucoup de choses. On échange des clients, on mutualise le transport, on partage les stands. On s’aide tout le temps.
VB : On partage aussi le goût des bonnes choses, de la bonne chère… Tout en étant nous-même de piètres cuisinières (rires).
Comment décririez-vous la vigneronne et les vins qu’elle produit ?
VB : C’est une femme complète qui s’intéresse à tout. Dans ses vins, elle recherche l’expression du fruit, plus encore depuis que le domaine est converti en agriculture biologique. Elle a une gamme large, on ne peut pas ne pas trouver son bonheur dans les vins produits par Monique. En outre, je trouve qu’il y a un beau travail sur les étiquettes.
MB : Je suis assez admirative de la façon dont travaille Véronique. C’est une « dilettante bosseuse ». Elle est toujours cool, jamais « bileuse », mais tout est toujours fait en temps et en heure. Quant à ses vins, elle sait exactement où elle va et, avec Château d’Arcole, elle produit un travail d’orfèvre
Quelle est la plus grande qualité de l’autre ?
VB : C’est une femme d’une extrême générosité et c’est quelqu’un d’entier. Cela me plait beaucoup chez elle.
MB : C’est un rayon de soleil. Un optimisme à tout épreuve. Sa pêche est une leçon. Elle relativise tout. C’est une chance de l’avoir. Je comprends pourquoi elle a autant d’amis.
Son plus grand défaut ?
….
Alors que je les interroge séparément sur les défauts de l’autre, je ne parviens pas davantage à obtenir de réponse. « Laisse-moi réfléchir », « Là, ça ne me vient pas » Peut-être est-ce cela, la véritable amitié : on aime aussi les défauts de l’autre ?
Une région viticole coup de cœur hors du Bordelais ?
D’une seule et même voix : les vins de la vallée du Rhône septentrional, les rouges surtout : Saint-Joseph, Crozes-Hermitage, Côte Rôtie, etc.
Que pensez-vous du « Bordeaux bashing », véritable désamour pour le vignoble, sous le feu des critiques pour être trop cher, trop boisé, trop pollué, etc. ?
VB : Les gens associent Bordeaux aux grands crus, des vins chers et très boisés. Or l’immense majorité des vins de Bordeaux, ce n’est pas cela. Nos vins à toutes les deux le prouvent.
MB : Pendant des années, Bordeaux a été la locomotive des exportations de vins français dans le monde. Aujourd’hui, avec la mondialisation, les Chinois produisent autant de vins que les Français et il faut partager le marché.
VB : Bordeaux n’arrive pas à capter une clientèle jeune. J’ai espoir que cela change mais c’est long et c’est à nous, les professionnel-le-s du vin, de faire de la pédagogie.
Un grand moment de dégustation ?
MB : Un jour, Véronique m’annonce qu’elle a une grosseur suspecte. Je monte tout de suite sur mes grands chevaux. « Ah non, toi, tu ne peux pas être malade ! » Avec la malice qu’on lui connait, Véro me répond, mutine : « Qu’est-ce qu’on parie ? ».
– « Écoute, si tu es malade, je t’offre la plus belle dégustation de ta vie ! »
Quelques semaines plus tard, Véro me rappelle et, très sereinement, m’annonce au téléphone : « Ma chère, j’ai le plaisir de t’annoncer que tu me dois une dégustation ».
Voilà Véro : optimisme à toutes épreuves mais aussi classe, dignité et courage. Véro a guéri. J’ai donc organisé la fameuse dégustation. Les bouteilles ont valsé, du Bordeaux, principalement Saint-Julien, Pauillac, mais aussi des grands Champagnes. Nous avions quelque chose à fêter…