Le restaurant (de) Vincent Croizard est niché dans une petite rue nîmoise, caché, à l’abri des regards. Il s’agit pourtant de l’un des plus beaux établissements de la ville. Lorsque l’on pousse la porte, on accède à un couloir qui mène à la magnifique cour intérieure d’un lieu unique et intimiste. « On a cherché à créer un endroit où l’on se sent bien, où l’on est reçu comme chez des amis » m’explique Gisèle Croizard. C’est elle qui accueille les clients et qui sélectionne les vins qui accompagnent la cuisine extrêmement créative, toujours à base de produits locaux sublimés par l’inventivité et le savoir-faire de son chef de mari. Humble et discrète, elle se définit comme une conseillère en vin et non comme une sommelière. Pourtant, en dégustation, elle est précise et juste. La carte des vins fait la part belle aux petits producteurs, à l’agriculture biologique et la biodynamie. Elle a accepté de me parler de sa sélection et de cette période si particulière pour la restauration.
Comment est né le restaurant Vincent Croizard ?
Il s’inscrit dans la continuité de notre précédent restaurant, Le Darling, situé rue de la madeleine à Nîmes. Nous étions à l’étroit. Nous avons cherché pendant deux trois ans avant de tomber sous le charme du lieu. Nous voulions une atmosphère feutrée, accueillante mais sans « chichi ».
Ce n’est pas un restaurant classique. Pas de pas de porte ou de terrasse à l’extérieur. Est-ce que cela a été un handicap ?
Pas pour moi. Au contraire, nous recherchions un endroit intimiste, où les gens aient l’impression d’être invités chez des amis. Finalement nous les recevons chez nous car le restaurant est aussi notre domicile. La clientèle que nous nous avons acquis au fil du temps est sensible à cette ambiance.
En matière de vin, quelles sont vos préférences ?
J’ai une préférence pour les vins blancs fins, minéraux et frais. J’aime beaucoup les chenins de Loire ou, dans un autre style, les côtes du Roussillon/côtes Catalanes. En rouge, j’apprécie les vins digestes et aériens, ceux que je qualifie d’élégants. J’évite les vins trop démonstratifs.
Un accord met et vin particulièrement réussi ?
En ce moment à la carte nous avons un œuf cuit à basse température dans un bouillon de soja et potimarron à l’huile de noisette et pâte de cacao. Ce plat s’accorde merveilleusement avec le Crozes-Hermitage du domaine Belle. Le vin apporte de la matière et de la fraicheur, un beau fruit, sans tomber dans l’extravagance.
Comment s’est passé le confinement ?
Nous avons mis en place un service de vente à emporter dont le succès nous a surpris. Avec toute l’équipe, nous avons été débordés. On ne s’y attendait pas !
Comment l’expliquez-vous ?
Nous avons eu des demandes de la part de nos habitués mais nous avons également développé une clientèle que nous ne voyions pas d’habitude : des familles avec des enfants en bas âge qui n’osent pas venir au restaurant, des dames âgées qui ont peur de sortir seules le soir, etc.
Ce fut très constructif pour nous mais ce succès inattendu a aussi été un vrai défi : la vente à emporter entraîne d’autres contraintes, un gros travail de logistique à mettre en place.
Comment vivez-vous l’annonce du couvre-feu ?
C’est compliqué car il faut s’adapter au jour le jour, mais on s’y emploie ! Nous nous étions préparés psychologiquement à de nouvelles restrictions. Nous réfléchissons à l’organisation pour libérer notre personnel en temps et en heure. C’est évidemment très compliqué de mettre en œuvre un service du soir.
Comprenez-vous ces mesures ?
Oui et non. D’un côté il y a peut-être eu des abus, des gens qui ne portaient pas le masque par exemple. Mais de l’autre on a l’impression d’être tous mis dans le même panier alors que la mise en place des gestes barrières est beaucoup plus évident et réalisable dans un restaurant gastronomique que dans un bar dansant. Le problème c’est qu’il va y avoir un effet « boule de neige » à tout ça. La restauration fait vivre toute une économie de petits artisans, de vignerons. Tous sentiront la répercussion des mesures prises le soir.