Chaque année, fin janvier, a
lieu à Montpellier Millésime Bio, la grande messe des vins bio. Il s’agit d’un
salon professionnel qui met en contact des centaines de vignerons, de France et
d’ailleurs, tous certifiés en agriculture biologique, avec des importateurs, des
agents, des grossistes, des cavistes ou encore des sommeliers. J’y ai d’abord
participé en tant qu’exposante et je m’y rends maintenant comme visiteuse.
C’est l’occasion de découvrir des domaines qui pourraient intégrer la sélection
et de rencontrer tous les producteurs avec qui je travaille déjà. Nous
échangeons sur l’année écoulée, je goûte les vins du dernier millésime et les
nouveautés quand il en existe. Et cette année les vignerons de la sélection
Vins d’Avenir ont été créatifs !
Paul Riéflé, du domaine éponyme, nous a présenté son crémant Brut Alpha, un deuxième pétillant dans la gamme. Les bouteilles ont été dégorgées en 2018 après quatre ans de vieillissement sur lattes. L’assemblage, la méthode de vinification comme l’esthétique de la bouteille empruntent aux codes du Champagne (pour connaître la différence entre les types de bulles, je vous renvoie à l’article de Léa Desportes). La bouche est ample, assez vineuse.
Autre nouveauté : un vin orange, le Sacré Loustic, qui porte bien nom. Les baies de très jeunes vignes de Gewurztraminer ont été laissées macérées pendant trois semaines. Ce contact prolongé entre la pellicule et le moût de raisins, habituellement évité pour la vinification en blanc, confère aux jus de la couleur, des arômes et de la matière. Sacré Loustic, vin nature non filtré (là encore, allez lire les explications de Léa), offre un nez très atypique de clou de girofle, de poivre, de cumin. Voici un vin qui nous fait voyager, ses notes de curry et de gingembre confit appellent à des accords lointains, pourquoi pas du côté de l’Inde.
Au domaine Wilfried, ce sont également deux nouvelles cuvées qui ont vu le jour. Les paradis perdus, c’est une parcelle rayée des cartes lorsque l’appellation Cairanne est née en 2016. Décision injuste et incompréhensible selon les vignerons Réjane et Wilfried Pouzoulas, qui ont décidé de vinifier à part ces vieilles vignes de Grenache plantées sur un sol argilo-calcaire. Le résultat est une cuvée parcellaire tout en légèreté et en finesse. Le vin s’ouvre sur des notes de pivoine puis déroule des notes de baies, de groseille et d’épices. 2018 est déjà en rupture mais le paradis mérite sans doute un peu de patience … La sœur et le frère, qui ne sont pas oisifs,ont également élaboré un rosé en Vin de France, Le courage des oiseaux.
Direction le Languedoc et le
domaine Rouanet Moncélèbre. Audrey Rouanet, agacée de devoir sacrifier
ces jolis Cinsault à une mode qui réclame des rosés de plus en plus pales et
insipides, a décidé de garder ces raisins pour produire un monocépage rouge en
vin de Pays. On chante à nouveau avec ce rafraichissant Se Canta 100% Cinsault
et on crie « vivement l’été ! ».
Il n’a pas pu venir au salon
mais il n’a pas chômé non plus, Sylvain Badel. Si le vin, une des
références de la sélection avec ses Saint-Joseph rouges, propose cette année
une cuvée de l’appellation nord-rhodanienne … en blanc ! Les volumes sont ultra
confidentiels et il n’y en aura pas pour tout le monde. Je n’ai pas encore
gouté mais il y a fort à parier que nous ne serons pas déçus. Je vous en parle
dès que ce sera fait.
Enfin, le Château Cohola se lance avec brio dans l’aventure des vins sans soufre. Et pour satisfaire tout le monde, ils ont élaboré un rouge et un blanc. J’ai été particulièrement impressionnée par leur Sablet blanc, produire des vins nature dans cette couleur étant un exercice périlleux. Le talent de vinificateur de Jérôme Busato a fait naître une cuvée aux arômes complexes de brioche et de safran qui offre une très belle longueur en bouche. En rouge, la micro cuvée 100% Syrah a été vinifiée en amphores. A l’ouverture les marqueurs du cépage sont bien présents : des notes animales, d’abord, puis des arômes de violette et de poivre blanc.
La sélection de Vins d’Avenir ne propose
que des domaines labellisés bio, à l’exception d’une poignée en cours de
conversion. Certains travaillent en biodynamie et plusieurs revendiquent des cuvées
« nature ».
Rassurez-vous : vous n’êtes pas le ou la seul-e à ne pas savoir de quoi il retourne précisément. Tentons d’y voir clair dans le vert … et dans le verre !
Le bio
Label européen AB
Il s’agit de la catégorie la plus large mais aussi la plus facile à définir puisqu’il existe un label européen, des règles qui s’appliquent à tous les vins qui souhaitent revendiquer le statut bio. Apposer le logo AB sur l’étiquette nécessite de respecter un cahier des charges à la vigne et dans la cave qui privilégie les procédés non polluants, respectueux de l’écosystème et des animaux. Les produits en « ides », herbicides, pesticides et autres insecticides, issus de la synthèse chimique, sont par exemple exclus. Attention : cette interdiction ne signifie pas que les vignerons ne traitent pas leurs vignes mais qu’ils utilisent d’autres produits, d’origine naturelle, comme le soufre et le cuivre, pour protéger leurs raisins. Et, surtout, le travail du sol est privilégié. Le producteur est contrôlé par un organisme accrédité, le plus connu étant Ecocert. Il lui faut travailler trois ans de suite en bio avant d’obtenir la certification, d’où le statut transitionnel « en conversion ».
90 000 hectares de vignes sont en bio en France, soit 11 % des surfaces viticoles. On est loin de la marée verte mais le plafond « de vert » annoncé il y a quelques années est en train d’être largement dépassé.
Certains domaines revendiquent une agriculture « raisonnée », s’autorisant une quantité modérée d’intrants afin de maintenir une quantité de récolte satisfaisante. Méfiez-vous : cette qualification, abandonnée depuis le Grenelle de l’environnement de 2007, n’est plus règlementée et peut recouvrir des réalités très différentes.
Certes, tous les vignobles ne
sont pas égaux face au bio, qui entraîne une baisse des rendements et une
hausse des coûts de production. Mais être « en raisonné » est-il
encore raisonnable ?
D’autres domaines considèrent d’ailleurs
que le cahier des charges n’est pas assez exigeant puisqu’il autorise des
pratiques douteuses (l’acidification, la désacidification, ou encore le
traitement thermique du moût) et des additifs comme des tannins ou des copeaux
de bois. C’est le cas de nombreux vignerons de Vins d’Avenir dont l’engagement
environnemental dépasse bien largement les règles européennes. Certains d’entre
eux se tournent pour cette raison vers une charte privée plus exigeante (comme Nature
et Progrès) ou vers l’agriculture biodynamique, où l’herbe serait plus verte.
La biodynamie, plus verte que
verte ?
En effet, si la certification AB est un prérequis, les normes exigées en agriculture biodynamique sont plus contraignantes : les doses de cuivre et de soufre sont plus faibles, l’ajout d’enzymes, de levures et de tanins est interdit, etc. Pourtant, la biodynamie ne peut se résumer à une forme d’agriculture bio plus poussée. Elle repose sur l’emploi de préparations à base de plante utilisées à des doses homéopathiques et s’appuie sur le calendrier lunaire. L’idée est d’apporter un équilibre global à la plante, de l’aider à se renforcer, plutôt que de soigner les symptômes des maladies qui surviennent dans les vignes et au chai. La pratique n’est pas encadrée par des textes officiels mais par des labels certificateurs privés, les plus importants étant Demeter et Biodyvin (le second étant moins strict que le premier).
Ses contempteurs crient à la pseudoscience. Et il faut bien reconnaître que son fondateur, l' »anthroposohe » autrichien Rudolf Steiner (1861-1925), n’a fourni aucun mécanisme explicatif, en appelant uniquement à la foi de ceux qui voudront bien le croire. Personnellement je préfère boire. Et je dois constater que les vins biodynamiques possèdent souvent un je-ne-sais-quoi, un toucher de bouche qui me les rend très plaisant.
Le naturel
Ça se complique encore un peu plus car il n’existe ni label ni définition réglementaire[1]. Les termes « nature » ou « naturel », seuls ou précédés du mot vin, sont même bannis des étiquettes. Dans cette famille des vins « vivants », parfois qualifiés de « nus », les intrants sont des intrus. Au premier chef le dioxyde de soufre (SO2), les fameux sulfites, accusés de donner mal à la tête et de masquer le « vrai » goût du vin, celui du terroir. Sachez toutefois qu’un vin en contient toujours (un peu) puisque les levures en produisent naturellement.
Mais il ne faudrait pas réduire la démarche du vin naturel à la seule question du sans soufre. D’abord parce que la famille n’arrive pas à se mettre d’accord. Les puristes n’acceptent aucune goutte de soufre ajouté- leurs vins sont parfois qualifiés de S.A.I.N.S (Sans Aucun Intrants Ni Sulfites), quand d’autres se revendiquent nature et mettent tout de même un peu de soufre dans toutes ou partie de leurs cuvées. Ensuite parce que le soufre, c’est l’arbre qui cache la forêt des additifs : 49 sont autorisés en vinification, auxquels s’ajoutent 70 auxiliaires technologiques, censés, eux, ne pas laisser de résidus dans la bouteille[2]. Et la plupart sont autorisés dans les vins bios :
Et c’est peu dire que le sujet l’est,
sulfureux. Victimes de leur succès, ces vins sont aussi très souvent caricaturés
et réduits aux seuls défauts pourtant de plus en plus minoritaires d’écurie, de
pomme blette et autre goût de souris.
Certes, le vin nature peut parfois surprendre les palais non aguerris. Il arrive par exemple que le vin pétille en bouche. C’est parce que les vignerons, pour se passer de cet antiseptique, antibactérien et antioxydant puissant qu’est le soufre laisse ou ajoute du CO2 pour protéger leur jus. Dans ce cas, n’hésitez pas à carafer le vin voir à secouer la bouteille.
Selon moi le plus gros défaut du
vin naturel n’est pas organoleptique mais linguistique. « Naturellement »
un jus de raisins se transforme … en vinaigre. Élaborer un pinard sans béquille
chimique requière un sacré savoir-faire dans les vignes et au chai pour
transformer des grappes en divin nectar.
En raison notamment des
divergences indiquées plus haut sur le niveau de soufre toléré, il n’existe pas
de label privé qui fasse référence comme pour la biodynamie. Après plusieurs
échecs[3],
le Syndicat de défense des vins Nature’l, créé en septembre dernier, tente de
nouveau de rassembler les cousins sous une bannière commune. Il a adopté au
début du mois une charte « vin méthode nature ». Elle impose
une certification en agriculture biologique, des vendanges manuelles, des moûts
sans intrants ni filtration ou levurage et des cuves non sulfitées lors des
fermentations mais avec une possibilité d’ajout d’une petite quantité de soufre
avant la mise en bouteille. Les fondateurs du Syndicat ont entamé les démarches
pour que cette définition devienne réglementaire d’ici cinq ans.
Ce serait à mon sens une très bonne chose puisque aujourd’hui une minorité de vignerons, plus souvent de gros opérateurs ou des maisons de négoce, s’engouffrent dans la brèche laissée par l’absence de cadre contraignant pour produire des vins « nature » mais en conventionnel. Des vins sans soufre mais bourrés de pesticide !
Il n’est pourtant pas sûr que cette nouvelle tentative de poser un cadre normatif et institutionnel sur cette pratique aboutisse, tant celles et ceux qui l’ont choisi — souvent au prix de grands tracas administratifs — sont de fortes personnalités qui souhaitent préserver leur liberté. Chassez le naturel …
Échelle de tolérance des différents labels avec l’exemple du soufre (quantité maximale pour les vins rouges, en H2SO4 total) :
Vin conventionnel : 150 mg/l.
Label AB : 100 mg/l.
Label Nature et Progrès : 70 mg /l.
Label Demeter : 70 mg/l.
Label Biodyvin : 80 mg/l.
Label Vin méthode nature : 30 mg/l.
Vins S.A.I.N.S : sans sulfite ajouté.
Léa Desportes
Un peu de lectures pour et contre pour alimenter (et hydrater) la réflexion et s’engueuler à table :
[1] L’INAO a enterré en mars 2018 la tentative d’apporter une définition règlementaire au vin naturel.
[2] Il faut noter que les producteurs de vin, qui n’est pas considéré comme une denrée alimentaire par la règlementation européenne en raison d’un taux d’alcool supérieur à 1,2 %, ne sont pas tenus d’indiquer sur l’étiquette les ingrédients et les calories, contrairement, par exemple, aux embouteilleurs d’eau minérale, qui doivent tout détailler.
[3] L’Association des Vins Naturels (AVN) et Les
Vins S.A.I.N.S rassemblent très peu de vignerons.
Monique Bonnet et Véronique Barthe au salon Millésime Bio, janvier 2020
Monique Bonnet du Château Suau et Véronique Barthe du Château d’Arcole sont les deux représentantes de la région bordelaise de la sélection Vins d’Avenir. Elles sont aussi des soutiens sans faille depuis l’origine de l’aventure. J’ai d’abord rencontré Monique au cours d’un voyage rocambolesque en Chine, il y a quelques années. Elle est tout de suite devenue plus qu’une amie, un guide, un modèle. Elle m’a très vite présenté son amie Véronique, qui a eu à mon égard- avant même de me connaître- la même bienveillance.
La première est une Bordelaise d’adoption, devenue vigneronne à plus de 30 ans. La seconde est issue d’une famille de vignerons depuis de nombreuses générations. A la fois extrêmement proches et très différentes, ce sont pour moi des femmes inspirantes, par leur travail, leur joie de vivre mais aussi l’amitié pure qu’elles entretiennent depuis de nombreuses années. J’ai donc voulu dresser un portrait croisé de ces deux femmes. Je pensais vivre un moment léger, joyeux, à devoir pousser un peu ces deux pudiques à se livrer. Je ne m’attendais pas du tout à passer aussi vite du rire aux larmes et à apprendre autant en l’espace d’une petite heure sur l’amitié, la dignité et l’espoir.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Véronique Barthe : Un point commun entre nous, c’est que nous n’avons de mémoire ni l’une ni l’autre (rires). Je dirais à la fin des années 1980, lors d’un salon des vignerons indépendants à Bordeaux.
Qu’est-ce qui vous a rapproché ?
Véronique Barthe : On était toutes les deux toutes seules à gérer nos propriétés de A à Z, cela nous a beaucoup rapproché. Nous avons créé ensemble « L’envers de Bordeaux », un groupe de vignerons/copains qui pensaient qu’il vaut mieux chasser en meute que seul. Cela donne de la force d’être à plusieurs. Nous avons ensuite intégré ensemble les Aliénor du Vin de Bordeaux, un groupement de vigneronnes bordelaises qui existe aujourd’hui encore.
Monique Bonnet : Nous sommes devenues amies au bout de quelques
années. Nous avons pris l’habitude de partager beaucoup de choses. On échange
des clients, on mutualise le transport, on partage les stands. On s’aide tout
le temps.
VB : On partage aussi le goût des bonnes choses, de la bonne chère… Tout en étant nous-même de piètres cuisinières (rires).
Comment décririez-vous la vigneronne et les vins qu’elle produit ?
VB : C’est une femme complète qui s’intéresse à tout. Dans ses
vins, elle recherche l’expression du fruit, plus encore depuis que le domaine
est converti en agriculture biologique. Elle a une gamme large, on ne peut pas ne
pas trouver son bonheur dans les vins produits par Monique. En outre, je trouve
qu’il y a un beau travail sur les étiquettes.
MB : Je suis assez admirative de la façon dont travaille Véronique. C’est une « dilettante bosseuse ». Elle est toujours cool, jamais « bileuse », mais tout est toujours fait en temps et en heure. Quant à ses vins, elle sait exactement où elle va et, avec Château d’Arcole, elle produit un travail d’orfèvre
Quelle est la plus grande qualité de l’autre ?
VB : C’est une femme d’une extrême générosité et c’est quelqu’un
d’entier. Cela me plait beaucoup chez elle.
MB : C’est un rayon de soleil. Un optimisme à tout épreuve. Sa pêche
est une leçon. Elle relativise tout. C’est une chance de l’avoir. Je comprends
pourquoi elle a autant d’amis.
Son plus grand défaut ?
….
Alors que je les interroge séparément sur les défauts de l’autre, je ne parviens pas davantage à obtenir de réponse. « Laisse-moi réfléchir », « Là, ça ne me vient pas » Peut-être est-ce cela, la véritable amitié : on aime aussi les défauts de l’autre ?
Une région viticole coup de cœur hors du Bordelais ?
D’une seule et même voix : les vins de la vallée du Rhône septentrional, les rouges surtout : Saint-Joseph, Crozes-Hermitage, Côte Rôtie, etc.
Que pensez-vous du « Bordeaux bashing », véritable désamour
pour le vignoble, sous le feu des critiques pour être trop cher, trop boisé,
trop pollué, etc. ?
VB : Les gens associent Bordeaux aux grands crus, des vins
chers et très boisés. Or l’immense majorité des vins de Bordeaux, ce n’est pas
cela. Nos vins à toutes les deux le prouvent.
MB : Pendant des années, Bordeaux a été la locomotive des exportations de vins français dans le monde. Aujourd’hui, avec la mondialisation, les Chinois produisent autant de vins que les Français et il faut partager le marché.
VB : Bordeaux n’arrive pas à capter une clientèle jeune. J’ai espoir que cela change mais c’est long et c’est à nous, les professionnel-le-s du vin, de faire de la pédagogie.
Un grand moment de dégustation ?
MB : Un jour, Véronique m’annonce qu’elle a une grosseur
suspecte. Je monte tout de suite sur mes grands chevaux. « Ah non, toi, tu
ne peux pas être malade ! » Avec la malice qu’on lui connait, Véro me
répond, mutine : « Qu’est-ce qu’on parie ? ».
– « Écoute, si tu es malade, je t’offre la plus belle dégustation
de ta vie ! »
Quelques semaines plus tard, Véro me rappelle et, très sereinement, m’annonce
au téléphone : « Ma chère, j’ai le plaisir de t’annoncer que tu me dois
une dégustation ».
Voilà Véro : optimisme à toutes épreuves mais aussi classe, dignité et courage. Véro a guéri. J’ai donc organisé la fameuse dégustation. Les bouteilles ont valsé, du Bordeaux, principalement Saint-Julien, Pauillac, mais aussi des grands Champagnes. Nous avions quelque chose à fêter…
La vigne est une
liane qui, naturellement, se développe, s’allonge et se raméfie. Il faut donc
la tailler pour que la production de fruits l’emporte sur celle des bois. La
taille représente la principale tâche du vigneron durant les mois d’hiver,
lorsque la vigne est en repos végétatif. Il s’agit d’un travail rude, qui nécessite
de passer de longues heures accroupi ou penché dans le froid. C’est aussi un exercice
très complexe, qui mélange réflexion et intuition. D’autant que les enjeux sont
« de taille » : la conduite de la vigne détermine la quantité et la qualité de la
récolte à venir et, en contrôlant la vigueur de la plante, impacte la pérennité
des souches.
Si les vignerons continuent à se référer au vieux proverbe « taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars », dans les faits, la surface du vignoble décide du début des premiers coups de sécateurs. Pour tailler la trentaine d’hectares du domaine Monplézy, dans Le Languedoc, Anne Sutra de Germa est obligée de démarrer tôt. Pour tailler ses 3,5 hectares de Châteauneuf-du-Pape, Bernard Friedmann peut se permettre d’attendre que les températures se radoucissent. Car une météo plus clémente signifie que la sève, qui descend lorsque la vigne est en dormance, remonte dans les bois. Lorsque l’on la taille, la vigne « pleure » : elle laisse couler de la sève qui agit comme un baume protecteur sur la plaie et une barrière contre les champignons à l’origine des maladies du bois.
Il existe plusieurs types de taille. Celle qui est pratiquée à Châteauneuf-du-Pape est dite « en gobelet ». Le cep est taillé en cinq bras qui forment comme un bol :
Cep de Grenache taillé en gobelet.
« C’est une taille spécifiquement adaptée au Grenache, cépage buissonneux dont les rameaux retombent sur le sol » m’explique Bernard Friedmann. Il ajoute : « cette taille offre un meilleur ensoleillement et permet un passage de l’air optimale. C’est une taille courte adaptée aux vents violents. En outre, les fruits sont protégés sous le végétal des rayons ardents du soleil provençal. » Cette taille noble est contraignante : les vignes ne peuvent pas être palissées (c’est-à-dire relevées entre deux fils) et elles doivent être récoltées à la main. Ses Syrah sont taillées en Guyot, une taille répandue dans de nombreux vignobles qui permet de palisser la vigne, ce qui rend possible de mécaniser certains travaux.
Cep de Syrah taillé en Guyot.
Bernard Friedmann est un vigneron exigeant et méticuleux. Quand la plupart de ses collègues taillent avec des sécateurs électriques, lui préfère toujours la cisaille. Il défend son choix : « La lame de la cisaille est arrondie et peut épouser complétement la plante. Elle n’écrase pas la fibre du bois et détériore moins les vaisseaux qui permettent à la sève de monter dans la plante. C’est moins dangereux : impossible de se couper avec une cisaille. C’est plus économique aussi : alors que les sécateurs tombent en panne, une cisaille, c’est increvable ! ». Lorsque j’objecte que c’est probablement plus physique, Bernard me répond, amusé : « Certes, mais comme d’ici quelques années j’imagine qu’on nous dira que les boitiers de nos sécateurs électriques accrochés toute la journée à la ceinture sont nocifs, alors… ».
En matière de
taille, il existe la théorie et la pratique. Chaque pied est différent et
nécessite de s’adapter. Il existe également autant de méthode de taille que de
tailleurs. Le vigneron de Châteauneuf reconnaît bien volontiers qu’il préfère
de plus en plus déléguer ce travail difficile à un de ces employés
particulièrement doué. Un aveu qui n’est pas monnaie courante dans le monde du
vin …
Ouvert en 2011, Vins de nos Pères est devenu en quelques années une
adresse incontournable pour les œnophiles nîmois. Ce succès est dû en grande
partie à la personnalité charismatique du maitre des lieux, Arnault Pringalle.
Il définit l’endroit comme une cave à manger plutôt qu’un bar à vin.
« Lorsque j’ai commencé en 2011 je me suis associé à un ami
d’enfance, Vincent Parcé, dont la famille possède le célèbre domaine de la
Rectorie à Collioure. Nous avons choisi d’associer nos compétences héritées de
nos pères, l’hôtellerie pour moi, le vin pour lui. D’où le nom de
l’établissement ». La maison doit aussi sa réussite à de nombreux plats
signatures) la raclette au morbier, l’assiette de saumon ou encore
l’andouillette- et à un droit de bouchon tout doux de 4€.
Aujourd’hui, Arnault est bien entouré, accompagné de trois comparses,
Pascal, Thomas et Alfonso, ce dernier officie divinement en cuisine. On sent
une équipe soudée et heureuse d’être là. Je questionne Arnault sur son rôle de
manager, qu’il semble exercer avec plaisir et facilement. « Je dirais
plutôt motivateur. Oui, j’aime la transmission, qui est à l’origine du projet.
J’aime créer de l’émulation, que chacun trouve sa place. J’ai une grande
confiance dans mon équipe. »
Issu d’une famille de neuf enfants, Arnault est le 5ème de
la fratrie. On comprend aisément qu’il aime être le trait d’union et qu’il soit
parvenu à recréer dans son établissement une ambiance familiale et chaleureuse.
Lorsque je l’interroge sur son initiation au vin, j’apprends que c’est
là encore la famille Parcé qui lui a mis le pied à l’étrier. « Ma
madeleine de Proust, c’est la cuvée Argile du domaine de la Rectorie, un blanc
avec une belle tension. Puis lorsque je me suis intéressé à la vallée du Rhône,
j’ai découvert d’autres vins avec du fruit et de la fraîcheur. C’est le cas
aussi de certaines appellations du nord du Languedoc comme Pic Saint Loup,
Terrasses du Larzac ou Monpeyroux. C’est ce que j’aime. »
La cave compte beaucoup de vins bios et nature. Arnault
m’explique : « Pour moi, les vins bio, c’est l’avenir. En fait, pour
tous les grands vignerons d’aujourd’hui, le bio cela fait longtemps déjà que
c’est le présent. Les vins nature, c’est autre chose, c’est devenu une mode.
Lorsque le terroir s’y prête que les sols contiennent assez de minéraux et de
sulfites pour ne pas avoir à rajouter de soufre, cela peut produire de
magnifiques cuvées. Je préfère quand les vignerons tendent vers une production
nature, sans que cela devienne une obligation, une démarche
jusqu’au-boutiste. »
Quand je lui demande ce qui fait selon lui un grand vigneron, Arnault
s’enthousiasme. « Pour moi, un grand vigneron c’est d’abord de bons vins,
une démarche humaniste ensuite. Mathieu Manifacier du domaine de Berguerolles,
Pierre Regnault du domaine Pierre et l’Étoile, ou encore Edouard Santex qui a
créé le domaine Un Coin sur Terre sont de bons vignerons mais aussi de belles
personnes. C’est ça pour moi les grands vignerons de demain. »
Et lorsque nous évoquons les projets à venir, Arnault m’apprend,
serein, qu’il ouvrira en mai une deuxième cave à manger, plus grande, avec un
choix plus large de bières et de spiritueux et avec un concept incluant un peu
plus le client dans le choix des accords mets-vins.
La transmission chère à Arnault n’est pas près de s’arrêter…
En bonus, quelques propositions d’accords mets et vins proposés par
Arnault lors de notre entretien :
FROMAGE
Avec un ossau-Iraty : un Condrieu de Sylvain Badel ou de Julien
Pilon. Et si on veut un vin plus accessible en termes de prix : le
Viognier du Château Campuget.
Avec un pélardon des Cévennes : un blanc minéral mais gras. Un
Collioure blanc de la Maison Parcé frères ou le Clos blanc du domaine
Berguerolles en IGP Cévennes, un assemblage de Sauvignon boisé pendant 6 mois
et de Viognier.
POISSON
Avec une assiette de saumon fumé : la cuvée Amphore
de Luc Vignal (assemblage de Roussanne, Grenache blanc et Vermentino) ou son
petit Pinot noir Pinocchio, tellement délicat qu’il n’écrasera pas le poisson.
VIANDE
Avec une viande blanche crémée : un champagne de la maison Étienne
Oudart ou bien un joli rouge frais de la vallée du Rhône, la cuvée Brocéliande
de François Merlin par exemple.
Comme de nombreux Français, vous aimez faire sauter
le bouchon à côté du sapin ou sous le gui en cette période de grèves de fêtes ?
Mais connaissez-vous la différence entre un pétillant et un mousseux ? ce
qui distingue un Champagne d’un Crémant ?
Pour vous permettre de faire le malin le 31, on fait le tour de la bulle hexagonale en trois questions :
Un vin effervescent, c’est quoi ?
Dans la famille des effervescents, on se met la
pression. Pour rentrer dans cette catégorie, un vin doit contenir suffisamment
de dioxyde de carbone pour produire de la mousse et des bulles à l’ouverture de
la bouteille et une sensation de picotement en bouche. Dans le jargon, on les
oppose aux vins « tranquilles ».
Tout est ensuite une question de niveau. Un vin perlant
contient moins de CO2 qu’un vin pétillant qui en renferme moins qu’un
vin mousseux. Si ce terme a plutôt une connotation négative, il s’agit pourtant
de la désignation officielle, celle employée dans la règlementation européenne.
Quelles sont les méthodes d’élaboration ?
Savez-vous que les mentions de « champagne » ou même de « méthode champenoise » sont légalement interdites pour qualifier un vin qui n’est pas de la Champagne ? Il faut parler de méthode traditionnelle pour l’élaboration des sept appellations de crémants que compte la France par exemple. Mais si l’adjectif varie, le processus reste le même. Dans les deux cas, le jus est d’abord vinifié comme un vin tranquille. Il est ensuite mis en bouteille, additionné d’une solution de sucre et de levures, la liqueur de tirage, pour que se produise une seconde fermentation. Avec cette « prise de mousse » apparaît le gaz carbonique. Après un temps d’élevage et de remuage la tête en bas, le dépôt de levures mortes qui s’est formé dans le goulot est expulsé. Le volume de vin perdu lors de l’opération est remplacé par une liqueur de dosage ou d’expédition, une petite quantité de sucre de canne dissous dans du vin. De la quantité de liqueur utilisée dépend le profil de vin : doux, demi-sec, sec, extra dry, brut, extra-brut. Pour une teneur de moins de 3 grammes, et si le vin n’a fait l’objet d’aucune adjonction de sucre, vous pourrez lire sur l’étiquette les mentions « brut nature », « pas dosé » ou « dosage zéro ».
La méthode ancestrale, aussi appelée rurale ou artisanale en fonction des régions, est, comme son nom l’indique, la plus ancienne. Avant la fin de la fermentation alcoolique, lorsqu’il reste encore des sucres naturels du raisin, le moût est refroidi et légèrement filtré pour stopper l’action des levures. Le vin est mis en bouteille où la fermentation reprend spontanément.
Et dans la flûte ?
Dans la sélection de Vins d’Avenir, il existe des bulles pour tous les goûts et tous les budgets.
À tout seigneur, tout honneur, commençons par les champagnesBarrat Masson, certifiés Ecocert et non dosés. Le choix d’une agriculture biologique dans une région où la pluie favorise le développement des champignons à l’origine des principales maladies de la vigne, et alors même qu’il n’est pas nécessaire d’afficher un label pour vendre les flacons, représente une prise de risque à saluer. La cuvée Fleur de craie est un blanc de blancs, expression qui désigne un vin produit exclusivement avec des raisins blancs. Il s’agit ici de Chardonnay, qui représente 90% de l’encépagement du domaine qui est situé dans l’Aube, le terroir de prédilection de la variété bourguignonne. Ce champagne offre à la fois de la vivacité et la suavité en bouche.
Autre blanc de blancs, mais alsacien celui-ci, le crémant du domaine Rieflé, assemblage des cépages Pinot blanc et Auxerrois. L’excellente maturité des raisins produit une bouche ample et équilibrée. Comme tous les crémants, il est élaboré selon la méthode traditionnelle et celui-ci est brut (vous avez tout suivi ?).
Moins classique, le domaine Le Roc, fleuron de l’appellation Fronton, pousse le bouchon jusqu’à vinifier la Négrette, le cépage rouge locale, en méthode ancestrale. Le résultat est un pétillant naturel- Pet’nat’ pour les intimes- d’un rose soutenu, très parfumé, structuré et avec une légère pointe d’amertume. Roc’Ambulle swingue et prouve que les bulles ne doivent pas être réservées aux grandes occasions.
Pas très loin géographiquement et dans le même état d’esprit, Le Château Tour des Gendres, figure de proue de l’AOC Bergerac, s’encanaille lui aussi avec un pétillant naturel plein de fruits et très peu d’alcool.
Le dernier né- 2019 est son premier millésime- est l’effervescent du domaine Delacroix Kerhoas, une Roussane vinifiée en méthode traditionnelle. Là encore c’est frais, fruité et croquant, avec juste un peu de rondeur pour patiner la bouche.
Quelles que soient les bulles avec lesquelles vous trinquerez, je vous souhaite des fêtes qui pétillent de joie et d’amour !
La ressemblance est assez flagrante mais, pour ceux
qui ne la reconnaitraient pas, maman Bedos, est ma mère, c’est LA mama. Une
maman méditerranéenne pour qui la famille et la cuisine sont deux piliers. C’est
elle qui m’a appris que la gastronomie ne se résume pas à de la nourriture. Pour
maman Bédos, cuisiner signifie partager, transmettre, donner de l’amour. À sa
table, on a le droit de parler de politique, de religion, de s’engueuler … tant
qu’on termine son assiette !
Il y a quelques semaines, tiraillée entre mes obligations de femme active et celles de mère de famille, j’ai dû l’appeler à la rescousse. Elle a bravé la neige de l’Aveyron, où elle s’est exilée depuis vingt ans, pour venir me prêter main forte. Que seraient les parents modernes sans des grands-parents dévoués ! Pour la remercier, j’ai ouvert une bouteille de l’excellent Condrieu de Sylvain Badel. L’Éternel l’inspire : « c’est un vin suave, floral, avec de la fraicheur ». Taquine, je la provoque : « Et tu verrais quoi comme accord ? Improvise ! ». Pas démontée, elle me répond du tac au tac : « des moules à la fourme d’Ambert ». Original mais pas étonnant pour cette Maltaise d’origine, petite-fille de pêcheur. Les fruits de mer font écho à la fraicheur tant dis que le fromage à pâte persillée met en valeur la douceur et la grande complexité du vin.
Vous voulez essayer ? Voici la recette :
Moules à la fourme d’Ambert
Ingrédients pour 4 personnes :
2 échalotes
1 gousse d’ail
½ fourme d’Ambert (ôtez la croute)
Sel
Poivre
Faites revenir l’échalote avec ail dans une cocotte en fonte
Pendant ce temps, coupez le morceau de fourme en dés
Déglacez avec du vin blanc, de préférence le Condrieu pour la cohérence du plat
Ajoutez les moules préalablement grattées et nettoyées
Ajoutez les cubes de fourmes
Laissez mijoter pendant dix minutes en remuant régulièrement jusqu’à ce que les moules soient ouvertes.
Christian Etienne est le seul restaurant étoilé au
guide Michelin à l’intérieur des remparts d’Avignon. Accolé au Palais des Papes,
l’histoire du bâtiment n’est pas banale. Construit entre 1190 et 1220, il est même
antérieur à la résidence pontificale. C’est en 1979 que Christian Étienne s’y installe
à son compte et rend ses lettres de noblesse à cet établissement qui n’était
alors qu’une cantine. Aujourd’hui à la retraite, c’est la famille Sevin qui veille
à la réputation de l’institution avignonnaise. Guilhem Sevin, qui fut le sous-chef
de Christian Etienne pendant plus de 15 ans, officie en cuisine et sa femme
Corinne accueille les clients avec grâce et professionnalisme.
Ce mois-ci j’ai eu le plaisir d’échanger avec Antoine
Olivain, le chef sommelier du lieu. Enthousiaste, curieux et volontaire, il a
accepté de me dévoiler les secrets de son métier et ses coups de cœur
viticoles. Rencontre avec un passionné, pour qui le vin est une histoire de
transmission et d’émotion.
Comment es-tu devenu sommelier ?
Cela s’est fait par étapes. Ma famille est
originaire d’Alsace et mes parents se sont installés dans le Sud en 1998. Mon
père, suite à une reconversion professionnelle, a embrassé une carrière dans le
vin, plutôt à des postes techniques en cave. Je l’ai souvent accompagné et c’est
lui qui m’a transmis le virus. Le monde du vin me plaisait mais j’ai vu mon
père s’abimer physiquement. On le dit peu mais le travail en cave est très
rude. J’ai donc d’abord suivi des études dans le commerce international ici, à
Avignon. En licence professionnelle, un couple franco-chinois me parle du
métier d’importateur de vins. Premier déclic, j’ai envie de voyager. En master
2 je pars à Bali pour un stage dans le restaurant Bridges, qui cherche quelqu’un
pour s’occuper de leur magasin de vins. À la fin de mon stage je leur propose
de créer un poste de sommelier pour leur restaurant gastronomique. Ils
acceptent et je vais y rester quatre ans et demi. Cette expérience fut
extrêmement enrichissante. Je me forme au métier de sommelier, nous développons
notamment un bar à vin et un concept de dégustation.
Je pars ensuite en Nouvelle Zélande pour épauler Hans
Herzog qui possède une winery dans la région de Marlborough. Je découvre
un rapport au vin complètement différent. C’est un pays qui n’a pas une
tradition viticole ancestrale comme en France, donc l’approche du vin est plus
simple, sans a priori, plus accessible, plus lisible aussi pour le
consommateur. J’ai beaucoup appris à leurs contacts.
Alors que je m’apprête à partir m’installer aux États-Unis,
j’apprends que le seul restaurant qui me fait rêver, Christian Etienne, cherche
un sommelier. Changement de cap et retour en France !
En quoi consiste ton métier ?
À proposer des vins qui vont créer une émotion gustative. Il faut équilibrer la carte entre des valeurs sures, des références ou des appellations renommées, et des pépites encore peu connues qui apportent de la valeur ajoutée. C’est le cas par exemple du Sablet blanc du Château Cohola.
La situation d’Avignon est particulière. C’est la troisième
destination touristique de France avec environ 60% d’étrangers et un pic au
moment du Festival. Il faut en tenir compte dans la carte. Naturellement les
clients les plus difficiles ne sont pas les étrangers mais les Français.
Il s’agit également de conseiller nos hôtes. J’aime
le défi et surprendre un client qui arrive pétri de convictions en lui faisant
découvrir un vin peu connu me galvanise.
Il y a également un aspect commercial et une part de
gestion dans ce métier. Il faut optimiser les ventes, gérer les stocks, la saisonnalité
des achats et, bien sûr, générer du profit.
Quels sont les avantages et les inconvénients de ton
travail ?
La principale difficulté ce sont les horaires. Cela
fait six ans que je n’ai pas passé les fêtes avec ma famille. J’ai raté les 30
ans de tous mes amis. C’est un métier difficile à concilier avec une vie
amoureuse et encore moins une vie de famille… Toutefois on ne s’ennuie jamais
et on apprend tous les jours. Les rencontres sont riches et humaines, bien au-delà
de l’aspect purement mercantile d’autres métiers.
Comment travailles-tu avec le chef ?
Nous travaillons main dans la main. Je connais sa
cuisine. Longtemps chef de partie poisson, son goût le porte vers les produits
de la mer. Il est passionné et fonctionne au coup de cœur, comme moi. Très
souvent les sauces font le lien entre le vin et le plat. Elles sont très
importantes dans la cuisine du chef et sont la base des accords.
As-tu en mémoire un accord met et vin particulièrement réussi ?
Le chef avait élaboré un plat de Saint-Jacques
cloutées au chorizo, céleri en purée et en pickles, vinaigrette à l’huile
d’olive et au yuzu [un agrume asiatique].
J’avais choisi un Pessac-Léognan Latour Martillac 2014. La vivacité du cépage Sauvignon
rappelait l’acidité du yuzu tandis que le Sémillon, plus charnu, faisait
ressortir la douceur et l’onctuosité des Saint-Jacques. Et les notes
empyreumatiques du vin, apportées par un élevage en barriques de 18 mois,
accentuaient les touches fumées du chorizo.
Quelles sont selon toi les appellations qui ont le vent en poupe ?
Pour les rouges, le Lubéron et, pour les blancs, les Vacqueyras. Ce sont deux appellations méridionales mais qui bénéficient de terroirs frais et cela leur confère un équilibre remarquable.
Quelle est ta plus grande émotion de dégustation ?
La cuvée Coteau de Vernon millésime 2015 du domaine
de Georges Vernay, LA référence de l’appellation Condrieu.
Parlons des fêtes. Quel vin recommandes-tu pour
passer un bon réveillon de Noël ?
Tout dépend du menu. Mais je dirais n’importe quel
vin qui saura réunir les âmes et créer une union magique autour de la table.
Le Châteauneuf-du-Pape du domaine de la Porte rouge peut faire l’unanimité, c’est fruité et gourmand, les tannins sont fondus. C’est bon tout de suite.
Et pour le Champagne ?
La maison de référence reste pour moi Krug. Leur blanc de blancs est extraordinaire. En Champagne de vignerons je conseille la maison Egly-Ouriet.
Un vin à boire au réveillon du Nouvel an avec des amis ?
Un vin léger avec peu de sulfites qui ne donnera pas mal à la tête. Par exemple l’IGP Vaucluse du domaine La Célestière.
Un vin à offrir à beau-papa pour les fêtes ?
Si c’est un buveur d’étiquettes, là encore j’aimerais le surprendre. Par exemple avec le très beau Pic Saint Loup du château de Valflaunès Un peu de Toi. Il se rendra compte qu’on peut faire du vin ailleurs qu’en Bourgogne (et moins cher).
J’ai rencontré Léa Desportes lorsque je travaillais aux Editions Jean Lenoir. Recrutée comme chargée de communication, elle est aujourd’hui responsable de la partie éditoriale et de l’École du Nez. Léa est riche d’une expérience internationale puisque pendant près de deux ans c’est en Inde qu’elle s’est faite la porte-parole des vignerons français. Diplômée de Science Po et du master de Dijon spécialisé en commerce international des vins et spiritueux, elle trouve tout de même le temps (entre deux grossesses) de passer un BTS viti-oeno par correspondance ! Pour autant cette Parisienne « pur jus » ne se contente pas d’apprendre sur les bancs de l’école et n’hésite pas à quitter la capitale pour parcourir les vignobles et découvrir sur le terrain la taille, les vendanges ou la vinification.
Léa,
c’est aussi et surtout pour moi un indéfectible soutien dans l’aventure Vins
d’Avenir, et ce depuis l’origine. Elle est ma « conseillère spéciale en
communication » tant sur le fond que sur la forme. De sa plume avisée elle
corrige et reprend tous les textes que j’écris, elle cherche le mot juste !
C’est elle aussi qui m’a aidé à bâtir le site de Vins d’Avenir. Précise et vive,
elle fait partie de mes très proches, qui me rassurent quand je doute et qui
n’hésitent pas à me bousculer en toute franchise quand c’est nécessaire.
Cette année Léa a créé Sarments pour animer des ateliers sensoriels ludiques et différents. Elle y aborde la dégustation par l’angle des neurosciences à l’aide des cuvées de … Vins d’Avenir. Sarments propose aussi de la « création de contenu au service du vins et de ses auteurs ». Amis vignerons ou professionnels du vin, si vous souhaitez rafraichir votre site internet et créer des supports de communication orignaux, n’attendez plus !
En outre, je vous invite à vous abonner de toute urgence à son superbe blog La feuille de vigne où elle propose, avec style et spontanéité, des articles originaux sur des thèmes aussi variés que le plaisir de la dégustation à l’aveugle ou les cépages oubliés.
Je
ne doute pas que les projets à venir de Léa Desportes seront auréolés de
succès.
« Chez Yo », pas de carte à rallonge mais un menu entrée- plat- dessert qui change tous les jours, au gré de l’humeur du chef, Johan Odin. « J’ai très peu de stocks ici, je fais les courses quotidiennement aux Halles de Nîmes et je m’approvisionne pour les produits spécifiques dans des épiceries asiatiques. Parfois je vais aux Halles avec une idée en tête et finalement je reviens avec tout autre chose dans mon panier » nous explique le cuistot. Sa cuisine est spontanée, créative, moderne et métissée. Il raffole des herbes et des épices pour parfumer ses plats. « Je suis un inconditionnel de la coriandre et de l’huile de sésame. Avec Mayrile [sa grande sœur et co-gérante de l’établissement], nous avons eu des nounous de tous horizons qui nous ont initiés à d’autres goûts. Nos parents travaillaient beaucoup alors on a très vite appris à se concocter des bons petits plats par nos propres moyens ».
Pourtant, la cuisine est longtemps restée une passion. Graphiste de formation, Yo travaille pendant plus de dix ans dans la com et l’évènementiel. Mais cet infatigable touche-à-tout retourne sur les bancs de l’école pour passer un CAP cuisine. Il fait ses armes dans un food truck avant d’ouvrir son restaurant.
En salle, c’est Mayrile qui office et veille au grain. C’est elle aussi qui choisit les vins à la carte. L’éducation de son nez, elle la doit à leur père, un Bordelais œnophile. « À la maison, on buvait du Bordeaux mais pas seulement. Les cuvées du Beaujolais ou du Languedoc avaient aussi droit de cité. » Et dans les verres comme dans les assiettes le maître mot Chez Yo reste l’éclectisme. Lorsque je lui demande quel vin elle accorderait avec la recette du jour « queues de crevettes coco curry et courgettes marinées » Mayrile a deux suggestions. La Huppe blanche du domaine Monplézy (IGP Pays d’Oc), assemblage de Muscat à petits grain et de Chardonnay, dont les notes acidulées de mandarine et de bergamote en bouche mettent en valeur la coloration exotique du plat. Ou bien le Bordeaux blanc sec du Château Suau, à dominante de Sauvignon, complété élégamment avec un peu de Sémillon, qui se marie parfaitement avec les fruits de mer en général. C’est un vin vif et acidulé qui fait ressortir la fraicheur des crevettes.
Queues de crevettes coco curry courgettes marinées au sésame et riz
Ingrédients pour 4 personnes :
20 crevettes crues
1 cébette ciselée
4 courgettes
1 cuillère à soupe de curry rouge
1 ou 2 gousses d’ail
1 litre de lait de coco
1 jus de citron
citronnelle
coriandre
Trempez les crevettes dans de l’eau et faites cuire le riz.
Dans un wok, faites revenir l’ail, le curry et la citronnelle, déglacez avec du citron.
Ajoutez le lait de coco et laissez mijoter quelques minutes.
Pendant ce temps, réalisez avec un économe des lamelles de courgettes et faites les simplement mariner avec de l’huile de sésame.
Faites revenir les crevettes à part dans une poêle.
Dressez le tout et dégustez !
Et pour les gourmands, trois rendez-vous incontournables : les burgers du mercredi, le bol du samedi et enfin les brunchs du dimanche avec deux assiettes (salée et sucrée. Retrouvez toutes les informations détaillées sur la page Facebook du restaurant.