Touósto: des tartines de courage et de talent

Je suis régulièrement sollicitée pour donner mes bons plans restaurants, alors si vous passez dans l’Aveyron voilà une adresse que je vous recommande vivement. C’est à mes yeux l’un des restaurants les plus raffiné de Rodez. Emilie et Edouard sont jeunes et pourtant il y a beaucoup de personnalité dans cet établissement.  J’ai voulu en savoir plus sur leur rencontre et la génèse de Touósto 

Au sein du restaurant, Emilie  propose une cuisine raffinée qui fait la part belle aux légumes. C’est toujours épatant les chefs qui cuisinent les légumes. Cela me semble tellement  plus difficile de sublimer une carotte qu’une truffe ou une gambas. Pourtant, intégrer une cuisine ne fut pas si simple pour cette jeune femme discrète et sensible qui cache  une détermination à toute épreuve.

« J’aimais beaucoup le service et je me suis heurtée au sexisme inhérent au monde de la cuisine. Mon premier stage en cuisine, on ne voulait pas de moi. Ma mère a dû insister. » me raconte t-elle « Autre exemple : l’un de mes prof à l’école hôtelière, m’avait dit devant toute la classe : » Toi tu es sensible. Je vais te faire pleurer « . Percevoir la sensibilité comme une faiblesse et non comme une force, (surtout dans un métier créatif) me semble d’un autre temps… C’est d’ailleurs à l’école hôtelière qu’Émilie et Edouard se rencontrent . Elle intégrera un BTS, tandis qu’il suit de son côté un master. Finalement, en BTS un chef convaincu de ses compétences finit par donner sa chance à Emilie, et lui permet de s’épanouir dans une cuisine. Elle s’y sent à sa place. Tous les deux finissent par se retrouver en stage au Relais de la Poste à Neuvéglise dans le Cantal, elle a 19 ans et officie en cuisine, tandis qu’Edouard a lui 23 ans et gère la salle. C’est d’abord une alchimie professionnelle entre eux. Edouard, manager et fin gestionnaire dans l’âme, lui, a tout de suite déceler le potentiel d’Emilie. Il comprend vite de quoi elle est capable et n’aura de cesse de la pousser à se dépasser. Cette complémentarité, l’admiration mutuelle et le respect qu’il existe entre eux et à mes yeux le ciment du succès du restaurant.« Souvent , il existe une petite rivalité entre la salle et la cuisine qui se renvoient la balle en cas de problème. Nous, cela fonctionnait tellement bien qu’à partir de ce moment là, on s’est dit qu’un jour on monterai une affaire ensemble ». m’expliquent t-ils.

Le temps passe, ils font chacun leurs expériences dans différents établissements, ils restent en contact et petit à petit se rapprochent…Emilie intègre le café Bras où elle s’épanouit, tandis qu’Edouard travaille à la petite Auberge à Bezonnes. Puis arrive le confinement.

Alors qu’Emilie ramasse des cerises dans un arbre, elle fait une mauvaise chute qui l’immobilisera pendant sept mois. «  C’était très difficile, je souffrais beaucoup et les progrès étaient très lents. Moralement c’est très dur ». Edouard a alors une idée lumineuse, pour sortir sa belle de son cafard, il décide de proposer des brunchs à emporter. Ils se mettent alors au travail dans la cuisine de leur appartement. «  Au départ on faisait environ 25 brunchs et au bout de trois semaines on envoyait 50-60 brunchs par semaine. Cela m’a redonné confiance en moi. Les retours des clients m’ont fait chaud au cœur. Et je pouvais travailler à mon rythme. Cela m’a permis de remonter la pente. » A la fin du confinement , Émilie retourne travailler au Café Bras en mi-temps thérapeutique. « Je n’y retrouvais pas ma place. J’avais forcément moins de responsabilités et physiquement, de nouveau , je me sentais en souffrance et en échec ». Malgré la bienveillance de son responsable, Emilie perd son assurance fraîchement retrouvée. Pour Édouard s’en est trop .« Tout le travail qu’on avait réalisé avec les brunchs étaient en train de partir en fumée. L’idée d’ouvrir un établissent commence à se préciser dans ma tête. Les brunchs nous avait donné confiance, j’ai donc commencé à chercher un lieu . Ce local place du Bourg qui est aussi la place du marché m’a paru inespéré »

Fin septembre 2021 Émilie démissionne du café Bras et ils signent le bail en décembre 2021. Les travaux commencent, et le restaurant ouvre le 6 avril 2022.

Une formule originale , ouvert du jeudi midi au dimanche midi le restaurant propose un menu unique le midi qui évolue au grès des saison et du marché où, Emilie déniche parfois des légumes anciens, oubliés, (comme ces délicieux scorsonères (genre de salsifis) que j’ai dégusté lors de ma dernière visite) En soirée ce sont des tapas soignés et délicats . Le tout accompagné d’une carte des vins particulièrement originale et personnelle. Tant dans la présentation que dans le choix des vins. Pour Edouard, le vin est une affaire sérieuse « Je mets un point d’honneur à me rendre dans les vignobles et à rencontrer des vignerons. Je travaille aussi avec des cavistes locaux et des fournisseurs plus atypiques pour avoir une carte surprenante et des vins que l’on ne trouve pas partout. » Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, le dimanche c’est un délicieux brunch qui est servi au comptoir et à l’assiette. D’ailleurs pour ce qui n’aurait pas compris Touósto cela veut dire tartine en occitan.

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