Le vignoble du domaine Rouanet Montcélèbre a été acheté par Bernard Rouanet, en 1987 et offert à Annie sa femme, pour la naissance de leur fille Audrey. Après des études en œnologie, Audrey apprend à vinifier à l’étranger, puis elle décide en 2012 de mettre à profit ses connaissances et de s’investir dans le domaine familial, à l’époque dans une santé financière assez précaire. Elle crée une gamme, convertit le domaine à l’agriculture biologique, affine le style des vins et prend son bâton de pèlerin pour aller chercher des clients. Ses efforts payent. Le domaine se redresse et trouve sous son impulsion une nouvelle identité.
C’est à ce moment-là que nous nous rencontrons, il y a sept ans, lors d’un déplacement professionnel à New York. Je venais d’avoir mon premier enfant et elle était enceinte de sa fille. Nous avons tout de suite sympathisé. Pendant que nous assurions dégustations et rendez-vous professionnels nos conjoints se sont tenus compagnie pour visiter New York, ils nous rejoignaient le soir pour déguster le fleuron du vignoble languedocien. Il y a pire comme vacances…
Bref, nous sommes devenues amies et j’ai tout de suite su que ses vins intégreraient la sélection de vins d’avenir.
En 2017, Audrey perd son papa lors d’un accident tragique pendant les vendanges. Épaulée par sa mère, elle prend alors seules les rênes de l’exploitation. Malheureusement travailler quotidiennement avec le souvenir de ce drame se révèle trop douloureux.
Aujourd’hui, elle fait le choix de tracer son sillon seule avec un nouveau domaine, la nouvelle maison et une nouvelle gamme. Elle a accepté de m’expliquer pourquoi avec beaucoup de franchise et de courage.
Comment est née l’idée de créer un autre domaine ?
Après avoir œuvré pour le domaine familial durant 11 ans, me voilà partie pour voler de mes propres ailes. La décision n’a pas été simple à prendre, mais poser le poids du drame de Papa, quitter cette cave et me reconstruire est devenu une nécessité…
Toujours en Minervois, à Azillanet à quelques kilomètres au pied de Minerve, nous avons décidé d’acheter notre nouvelle maison, d’y installer notre petite famille et d’y construire mon nouveau projet…
Quelles sont les principales difficultés de cette aventure ?
Il y en a beaucoup. Cela représente un gros investissement dans une période incertaine, difficile. Je change d’échelle c’est un domaine plus petit avec des rendements plus petits sans pour autant que mes frais soient diminués. Par exemple la MSA que je produise 20 000 ou 100 000 bouteilles me prend la même chose.
Par ailleurs, avec des rendements beaucoup moins importants je ne peux plus pratiquer les mêmes tarifs. Je suis contrainte de relever mes prix. C’est un risque. Je m’expose à ce que certains clients ne comprennent pas bien ma démarche.
Qu’est-ce que cela implique humainement, financièrement et commercialement ?
Humainement j’ai été très touchée de voir le soutien que cela a soulevé. Cette nouvelle aventure m’a permis de rencontrer de nouvelles personnes qui m’ont apporté un soutien salutaire. Financièrement c’est difficile car je n’ai pas vendu mon domaine ou des parts du domaine donc je repars à zéro avec très peu de trésorerie. Et commercialement il y a tout à réécrire aussi. Il me faut trouver de nouveaux marchés adaptés à ma nouvelle structure.
Quels sont tes objectifs à court, moyen et long terme ?
D’abord pérenniser cette nouvelle structure et à plus long terme reprendre vraiment du plaisir à effectuer mon travail. Je suis intimement convaincue qu’avec les vieux cépages je peux faire de la dentelle et parvenir encore à me surprendre moi-même mais il me faut d’abord parvenir à avoir l’outil adéquat !