Au Chai d’Uzès, l’optimisme de la volonté (et de la jeunesse)

Sara Allan

Sara Allan officie au Chai d’Uzès, épaulée par son père Alexander qui a eu l’intelligence et la délicatesse de la laisser prendre possession des lieux. Sara et Alexander ont repris l’établissement quelques mois avant le premier confinement. Une situation complexe qui ne l’a pas empêchée de tenir bon et de garder le sourire.

Cette cave à vins et à manger est à leur image, avec de la personnalité dans le choix des vins et de la décoration. Il y règne douceur et convivialité. Dès le début de notre collaboration, j’ai été saisie par le professionnalisme de Sara qui, du haut de ses 21 ans, est à la fois réservée et affirmée. Elle affine une sélection de vins personnelle où cohabitent grandes quilles et cuvées de jeunes vignerons. Elle me parle de filiation, de ses goûts et de ses projets.

Quel est ton parcours ?

J’ai 21 ans. J’ai travaillé pour les anciennes propriétaires du lieu, ce qui m’a permis de me familiariser avec les différents aspects du métier. Lorsqu’il a été à vendre, on a saisi l’opportunité et tout s’est fait très vite.

Tu as toujours baigné dans le vin ?

Oui ! Mon père a été caviste donc j’ai beaucoup goûté les vins, même jeune. Je goûtais pour exercer mon palais. Je n’ai pas de formation théorique mais l’expérience que j’ai acquise ici auprès des anciennes propriétaires a achevé ma formation pratique.

Comment se passe la collaboration avec Alex ?

Très bien. Je suis très proche de mon père. Au départ il devait être plus présent mais il a une autre activité — il réalise des chantiers — et il a été très pris. C’est un mal pour un bien car du coup j’ai fait beaucoup de choses par moi-même. Mon père m’a transmis l’amour du vin. Travailler avec lui n’est pas une pression ; au contraire, c’est rassurant. On se comprend bien et c’est une fierté pour moi de dénicher des vins que par la suite il approuve.

Comment s’est passée l’ouverture ?

Bien. Les clients me connaissaient déjà. Certains sont devenus des amis. J’essaye de créer une ambiance chaleureuse, que les gens se sentent bien. J’ai gardé la même qualité de produits, le même fromager, le même boucher. J’ajoute des petites touches. Par exemple le samedi des gâteaux faits maison, comme la tarte au citron que je cuisine chez moi avant le service.

Comment se sont passés les confinements ?

Le premier était très spécial. Au début on ne savait même pas si l’on avait le droit de travailler ! Il a coïncidé avec mes débuts donc je n’avais pas de recul. On avait d’autres projets, notamment plus de cuisine, mais la situation sanitaire nous a obligé à tout mettre en stand by. J’attends de voir comment évolue la situation. Heureusement la partie cave a pu restée ouverte.

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton travail ?

Rencontrer des gens, leur faire plaisir. Partager.

Et le moins ?

La comptabilité, les papiers. Je suis certaine d’une chose : je ne suis pas faite pour rester derrière un bureau !

Est-ce que tu trouves cela difficile d’être une jeune femme à la tête de cet établissement ?

Je pense qu’il y a finalement plus d’a priori sur l’âge que sur le fait d’être une femme. J’ai déjà entendu « j’irai parler au patron » comme si ça ne pouvait pas être moi…

Parlons vins. Qu’est-ce que tu aimes ?

Je préfère les blancs. J’adore les vins de Loire. En matière de rouge, j’aime les vins légers fruités.

Une cuvée coup de cœur ?

La cuvée L’échappée du Fief Noir, un Chenin très bien fait.

Peux-tu nous conseiller des accords mets et vins que l’on trouve au Chai d’Uzès ?

Le chai est un bar à vins donc pas vraiment de cuisine. Les huitres le samedi avec la cuvée Amphibolite de Jo Landron sont une valeur sûre. Avec un comté je conseillerais un Pinot Auxerrois.

Léa Desportes, à l’écoute des variations du fût

© Éditions Jean Lenoir, lenez.com

« Je n’aime pas les vins boisés. » Combien de fois ai-je entendu cette phrase ! Le Nez du fût de chêne, initialement paru en 2004 et entièrement réécrit aujourd’hui, tord le cou à tous les préjugés sur les vins élevés en fût et permet à tous de comprendre la différence fondamentale entre « le boisé et le boisage ».

© Éditions Jean Lenoir, lenez.com

Cet ouvrage magnifique réunit tous les talents des éditions Jean Lenoir pour proposer un coffret au graphisme moderne avec de magnifiques illustrations, douze arômes extrêmement réalistes (j’ai particulièrement aimé la note de café torréfié qui apparaît avec l’élevage en fûts neufs) et surtout la plume précise et juste de Léa Desportes qui a effectué un travail de recherche considérable pour produire un texte pointu.

Destiné plutôt aux professionnels du vin, Le Nez du fût de chêne est hyper complet. Les arômes sont accompagnés de fiches pour chacun d’entre eux, d’un carnet qui décrit précisément la fabrication d’un fût et d’un livre extrêmement fouillé qui aborde l’histoire du tonneau, comment et pourquoi l’élevage influence les vins, comment le vigneron peut le maîtriser ou encore quels sont les vins adaptés à l’élevage. Toutes ces informations permettent de comprendre à quel point l’élevage sous bois relève d’une tradition séculaire qui, lorsqu’elle est maîtrisée, sublime le divin nectar.

C’est avec beaucoup de pédagogie que Léa Desportes a accepté de répondre à quelques questions clefs sur le fût de chêne.

Que dirais-tu à quelqu’un qui prétend ne pas aimer les vins boisés ?

Je lui dirais qu’il n’a peut-être pas eu de chances ! Mais prétendre n’aimer aucun vin élevé sous bois n’a pour moi pas plus de sens que d’affirmer apprécier uniquement les vins de telle région ou de telle couleur. Il existe bien sûr des ratés ou des excès (les « vins de menuisier ») mais le fait est que les grands vins (et spiritueux) sont quasiment tous élevés en fûts. Et puis l’élevage en fût n’est pas toujours reconnu à sa juste valeur : trop présent, le bois est pourfendu ; bien équilibré, il se fait oublier. Car un élevage réussi n’ajoute pas, il révèle les qualités intrinsèques du liquide, en permettant au cépage, au terroir et aux conditions du millésime d’exprimer leur typicité. Il lui permet de se stabiliser, de s’intégrer, de se complexifier.

Pour les adeptes des vins nature, allergiques aux produits et aux interventions œnologiques, j’ajoute que le bois, matériau naturel et vivant, libère dans le vin des tannins (appelés ellagitannins) beaucoup plus oxydables que la majorité des constituants naturels du vin. Par conséquence, ces ellagitannins consomment en priorité l’oxygène dissous, protégeant le vin et permettant ainsi que réduire significativement les doses de soufre ajouté !

Qu’as-tu appris de plus surprenant sur les vins et les fûts en rédigeant cet ouvrage ?

Du point de vue historique, je n’avais pas mesuré que, si le tonneau est un outil ancestral, dont l’utilisation à grande échelle pour le transport du vin s’est développée pendant l’Empire romain, il faillit disparaître dans les années 1970 pour plusieurs raisons (palettisation et la conteneurisation de la chaîne logistique, mise en bouteille à la propriété alors que les vins étaient vendus en fûts au négoce, modernisation des chais avec la multiplication des cuves en béton ou en acier inoxydable thermorégulées, production en masse de vins de cépages dans le Nouveau monde, etc.).

C’est d’autant plus surprenant que le fût revient en force au cours de la décennie 80 avec la mode du « boisé intense » tant appréciée par le critique américain Robert Parker, partisan d’un goût rond, « sucré » et puissant. En 1980, la production française de fûts de chêne — l’Hexagone domine le marché mondial — tombe à 150 000. En 2018 elle est remontée à 670 000, dont plus des deux-tiers sont vendus à l’export.

Comment le vigneron détermine si un vin doit être boisé ou non ?

Le bois ne convient pas à tous les vins. La maturité, l’état sanitaire des raisins et leur composition, ainsi que les qualités variétales de chaque cépage, méritent d’être pris en compte. Avec un vin rouge trop léger, pauvre en polyphénols, l’élevage peut provoquer un assèchement, un renforcement de l’astringence, une diminution des impressions de charnu et une chute importante de la couleur.

Et puis, le vin, c’est aussi une affaire de goût. Un vigneron peut préférer un élevage en cuve ou en amphore. Et j’ajouterai … de coût ! Un fût, surtout neuf, n’est pas à la portée de toutes les bourses (entre 600€ à 900€ HT, voire davantage en fonction des tonneliers et des options choisies) et il faut pouvoir valoriser suffisamment sa cuvée pour que cette étape soit rentable.

Comment le vigneron choisit-il ses fûts ?

Il existe des fûts pour tous les goûts. L’espèce de chêne, la finesse de son grain ou encore le type de chauffe font considérablement varier l’apport que le fût aura sur le vin. Pour faire son choix, en concertation avec le tonnelier, le vinificateur doit prendre en compte la couleur du cépage et les spécificités du terroir. C’est pourquoi les assemblages sont de préférence pratiqués après l’élevage de chaque lot de vins dans des fûts aux propriétés et âge différents. Ajoutons l’effet millésime : les variations d’une année à l’autre sont telles qu’il est impossible de définir le fût idéal pour un vin donné.

Aurais-tu des vins où l’élevage t’a semblé particulièrement maîtrisé à nous conseiller ?

Dans la sélection de Vins d’Avenir, le Saint-Émilion grand cru du château d’Arcole casse le cliché des Bordeaux surboisés. L’élevage en barrique (c’est le terme à Bordeaux, on parle de pièce en Bourgogne), qui dure de 14 à 18 mois selon le millésime, apporte au nez des notes toastées et grillées mais qui ne dominent pas les odeurs éclatantes de fruits rouges. L’élevage permet aux tannins de se fondre et au jus de s’intégrer : en bouche, tout est en place, le vin est suave et d’une grande fraîcheur.

Dans le Rhône méridional, les Gigondas du château de Saint-Cosme, particulièrement les lieux-dits, sont en bon exemple de ce que requiert un élevage en fûts ambitieux : de la patience. Le vigneron, Louis Barruol, sait que ses terroirs produisent des vins qui ont la matière et la puissance pour supporter un élevage long. Déboucher trop tôt, le vin est marqué par le bois. Il faut attendre quelques années pour qu’il révèle toute sa finesse.

La première version de l’ouvrage s’appelait Le Nez du fût de chêne neuf, il a été transformé en Nez du fût de chêne. Pourquoi ?

Tous les vignerons n’utilisent pas 100% de fûts neufs, loin de là ! Leur proportion varie selon les régions. Plus un vin est tannique, plus des fûts neufs sont nécessaires pour l’assouplir. Le bois s’épuise progressivement avec son usage répété. Sa capacité à enrichir le jus fermenté en arômes baisse avec les ans, mais les notes du bois frais (noix de coco, clou de girofle, vanille) peuvent participer significativement au parfum des vins pendant trois ou quatre millésimes. L’oxydation ménagée ne dure elle aussi pas plus de quelques années (les pores du bois sont obstrués par des précipitations graduelles de tartre, de matières colorantes et autres colloïdes) mais il existe aujourd’hui plusieurs méthodes pour éliminer les premiers millimètres de bois afin d’améliorer les échanges entre les parois du fût et le vin.

Pour en savoir plus : visiter le site des Éditions Jean Lenoir.

En avril, la vigne sur le fil du rasoir

Un coup de froid inédit …

@ UGO AMEZ pour Le Monde

Vous en avez sans doute entendu parler : l’agriculture française a subi de terribles épisodes de gel tout au long de ce mois d’avril. Terribles par leurs effets — des mois de travail anéantis parfois en une seule nuit —, leurs conséquences économiques et psychologiques pour les producteurs, et par leur ampleur. Ces gelées 2021 ont en effet touché l’ensemble du territoire français. Aucune région viticole n’a été épargnée. En Champagne, on estime les pertes liées au gel entre 25 à 30 %. 80% des vignes du Bordelais sont concernées, totalement ou partiellement. Toute la Bourgogne a été frappée, de Chablis jusqu’au Mâconnais. En vallée du Rhône et en Provence, le bilan varierait de 30 à 60 % de pertes de récolte. Certaines appellations du Languedoc ont été décimées …

… mais pas surprenant

La cause est bien identifiée, elle porte un nom qui vous est malheureusement familier : le réchauffement climatique. Car c’est en réalité la chaleur de la fin mars qui a été précurseur du désastre agricole comme l’explique Serge Zaka, docteur en agro-météorologie : « la douceur exceptionnelle a permis aux végétaux d’exploser : les bourgeons ont éclos, les feuilles et les fleurs se sont retrouvées à l’air libre. Le froid d’avril est moins exceptionnel, une trentaine de records négatifs ont été battus, mais il a trouvé des bourgeons éclos. Or, dans le bourgeon, la plante résiste à -20°C quant à l’air libre, c’est -1°C. »

Les problèmes liés au climat ont été récurrents ces derniers années — on pense notamment à la terrible sécheresse qui s’est abattue sur le sud de la France en 2019 — et ils s’inscrivent dans la durée. « Avant, les dégâts liés au gel arrivaient tous les cinq ou six ans. Depuis 2010, c’est presque tous les ans. Et non, ce n’est pas une décennie noire, pas un épisode : c’est le climat du futur. Cela ne va pas se passer tous les ans, mais ça va devenir fréquent, à peu près jusqu’en 2050. Après cela, il va faire de plus en plus doux, les gelées vont devenir de plus en plus rares et les dégâts régresser. Il y aura d’autres problèmes liés à la canicule et à la sécheresse, mais c’est un autre sujet. » alerte Zaka.

Pas d’étonnement non plus du côté des zones touchées, bien connues des viticulteurs. Comme le rappelle Christian Chabirand du Prieuré la Chaume, lui plutôt épargné : « en réalité nous savons quelles sont les zones gélives, elles sont cartographiées. Grosso modo pas de surprise : ce sont bien elles qui ont gelé cette année. » Et ces secteurs se trouvent souvent en plaine. En vallée du Rhône, région soumise à de très nombreux microclimats, les fonds de vallons subissent des gelées beaucoup plus fortes. Thibault Kerhoas du domaine Delacroix Kerhoas dans le Gard en a fait la triste expérience pour les derniers millésimes : sur les quatre dernières années, ses vignes en plaine, notamment de Sauvignon, ont gelé trois fois.

Mais il est aussi arrivé que des parcelles bien exposées, donc plus avancées, aient subi davantage de dommages. En Bourgogne par exemple, les masses d’air polaires des nuits du 5/6 et du 6/7 avril ont plutôt atteint les climats bénéficiant de belles expositions en coteaux. Notez qu’il peut exister des différences de températures majeures au sein d’une même parcelle … Qui a dit que vigneron était un métier facile ?

Pas de solution miracle

Bourgeon de vigne protégé du gel par aspersion d’eau et formation d’une couche de glace. © Le Point @Thierry Gaudillere

De nombreux outils ont été déployés par les domaines et les maisons pour sauver ce qui pouvait l’être. Le Fief Noir en Anjou, durement touché, a utilisé sur trois hectares environ des bougies qui dégagent de la chaleur au sol, au niveau des pieds de vigne. Il en faut donc beaucoup, avec une efficacité limitée dès qu’un peu de vent se lève. Le co-propriétaire Alexis Soulas admet qu’elles ne peuvent pas représenter une solution pérenne : « très chères (environ 3000€/hectare), hyper polluantes, elles restent allumées seulement douze heures donc il faut calculer le moment le plus opportun pour les allumer. » L’œnologue-vigneron a également utilisé un voile, une sorte de couverture posée sur les vignes pour les réchauffer. Cette solution a très bien marché : « la parcelle que nous avons protégée avec a été intégralement épargnée. Mais c’est très compliqué à déployer, cela demande de mobiliser sept à huit personnes. »

D’autres techniques antigel ont été employées : chaufferettes au fuel, câbles chauffants, brûlage de paille ou encore aspersion d’eau dont les gouttelettes forment une coque de glace qui protège le bourgeon mais dont il faut disposer en quantité suffisante pour tenir jusqu’à la remontée des températures au-dessus de 3 °C (sinon c’est l’effet inverse qui se produit !). Certains ont investi dans des tours éoliennes (30 000 et 40 000 euros pour environ 5,5 hectares protégés) ou des hélicoptères pour brasser l’air, plus chaud en altitude, et le plaquer au sol pour le réchauffer.

Toutes ces moyens de lutte limitent les dégâts mais ne les empêchent pas. Elles sont particulièrement coûteuses en main-d’œuvre, en ressource et en installation de matériel. Elles sont accessibles surtout aux plus grands producteurs mais pas aux petits qui n’ont pas les moyens d’investir. Et, double peine, ces derniers ne sont souvent pas assurés. « À une époque les vignerons ont été aidés pour s’assurer. Les assureurs en ont profité pour rehausser leurs tarifs et c’est pourquoi aujourd’hui peu de vignerons s’assurent » se souvient Christian Chabirand. S’assurer est un pari que Thibault Kerhoas craint de ne pas gagner : « il y a fort à parier qu’une fois que j’aurai souscrit une assurance, cette année-là, il ne gèlera pas ! ». Sans compter que les assureurs seraient aujourd’hui réticents à signer des contrats avec des domaines viticoles selon Alexis Soulas.

Un procédé qui n’entraîne pas de surcoût consiste à changer ses habitudes en matière de taille. Tailler tard permet de retarder le débourrement (la sortie des bourgeons). C’est la bonne résolution prise au Mas Baudin qui a décidé de tailler les zones gélives en dernier dès l’an prochain.

La vigne résiste

Les agriculteurs subissent les aléas climatiques mais la nature déploie encore de petits miracles. Ainsi, la vigne — contrairement aux arbres fruitiers —, développe des bourgeons supplémentaires quand les premiers ont été détruits par la gelée ou une autre cause. Raison pour laquelle il est encore trop tôt pour estimer précisément les quantités qui vont manquer dans les cuves. Ces repoussent varient selon les cépages. Le Chardonnay fait par exemple très peu de bourgeons secondaires, contrairement au Grenache, au Merlot ou au Cinsault.

À l’Homme de changer ses modes de vie et de production pour mettre fin au désordre climatique. En attendant, soyons solidaires avec nos vignerons et avec nos agriculteurs, il en va de notre survie alimentaire.

Sources

Les témoignages des vignerons de la sélection Vins d’Avenir ont été recueillis par Réjane.

Julie Reux, « Le gel de plus en plus fréquent dans les vignes, c’est le climat du futur », La Revue du Vin de France, le 7 avril 2021 : https://www.larvf.com/le-gel-de-plus-en-plus-frequent-dans-les-vignes-c-est-le-climat-du-futur,4738499.asp

Jérôme Baudouin, « Les gelées d’avril ont durement touché le vignoble français », La Revue du Vin de France, le 7 avril 2021 : https://www.larvf.com/vin-gel-gelees-avril-vignoble-touche-touraine-saint-emilion-recolte-languedoc-inflorescences,4524336.asp

Clément L’Hôte, « En Bourgogne un épisode de gel « jamais vu depuis 30 ans » », 22 avril 2021 : https://www.vitisphere.com/actualite-93883-En-Bourgogne-un-episode-de-gel-jamais-vu-depuis-30-ans-.htm

La cheffe pâtissière Léa Chiari ou faire de sa passion son métier

© Réjane Bédos

J’ai fait la connaissance de Léa Chiari grâce au formidable réseau « Gard à elles » et j’ai vraiment été charmée par sa bonne humeur et son enthousiasme qui se sont révélés communicatifs. Sa passion pour son métier fait chaud au cœur.

C’est avec un grand sourire aux lèvres et des étoiles dans les yeux qu’elle me raconte son histoire. Cette trentenaire a la tête bien faite est en poste dans le milieu bancaire depuis plusieurs années. Elle pratique la pâtisserie en amatrice sur son temps libre. Elle décide un jour de franchir le pas et s’inscrit à un CAP de pâtisserie à l’école Ducasse.

Direction le Puy en Velay. Pendant huit mois Léa ne verra ses enfants et son mari qu’un week-end sur deux. Lorsque je l’interroge pour savoir si ce fut difficile, Léa ne se départit pas de son sourire : « Oui, c’était difficile, mais cela reste l’expérience professionnelle la plus forte de ma vie, j’ai énormément appris là-bas. »

La famille souhaite s’installer à l’étranger. Tout est prêt mais la Covid arrive. « J’ai dû repenser mon projet et j’ai finalement décidé de m’implanter à Nîmes, ma ville, celle où j’ai tout mon réseau. Peut-être qu’en fait, pour commencer, c’est mieux comme ça. » Positive et philosophe, Léa Chiari !

© Instagram @leachiari.patisserie

Léa commence alors à proposer des pâtisseries sur commande. Elle réalise l’impact des réseaux sociaux et décide de les utiliser. Elle participe notamment à un concours de pâtisserie lancé sur Instagram par Cédric Grolet autour de la fraise. Elle confectionne alors une carte du monde entièrement réalisée avec de petits morceaux de fraise et remporte le concours. « À ce moment-là j’ai senti un réel engouement, les réseaux sociaux sont un formidable accélérateur. »

Le talent de Léa devient viral et ces entremets sont tellement plébiscités que la cheffe pâtissière a un carnet de commandes rempli jusqu’au mois de mai. Allez jeter un œil à sa page Insta, vous y verrez des desserts soignés, précis et sophistiqués qui mettent en appétit.

Lorsque je l’interroge sur son produit préféré, elle me répond : « Le chocolat, j’ai appris à l’aimer, la matière, les saveurs et les arômes. On peut en faire des choses extraordinaires. Et côté fruits ? « J’adore la framboise. Malheureusement, la saison est courte. »

Des projets, Léa n’en manque pas. Une boutique ouvrira à Nîmes mi-juin. Là encore, Léa a pensé à tout : « Je voudrais ouvrir une pâtisserie haut de gamme avec un petit rayon épicerie fine. Je cherchais un endroit dans Nîmes où l’on puisse se garer facilement. A priori c’est chose faite. Je souhaite faire des classiques revisités mais aussi des créations. Il y aura aussi quelques viennoiseries. » Et devinez ce que l’on trouvera dans son rayon épicerie fine pour accompagner les gâteaux et les grandes occasions ? Du vin bien sûr !

Deux domaines rejoignent la sélection

Le Mas Baudin est un domaine viticole et oléicole d’une trentaine d’hectares situé à Montfrin, dans le Gard. Amélie et Vincent Bonnard sont des voisins, je les connais depuis quelques années maintenant. Ce sont des vignerons artisans pudiques et passionnés qui placent la famille et l’authenticité au cœur de leur travail.

C’est progressivement que le frère et la sœur sortent de la cave coopérative pour tracer leur route selon leurs goûts. Alors qu’ils se sont lancés dans ce grand projet il y a quelques années à peine, le domaine est ravagée par les incendies de l’été 2019. Le moulin brûle et tout l’appareil productif avec. Lorsque nous évoquons ce terrible épisode, Amélie ne s’apitoie pas. Pas le genre. « On va tout reconstruire ». Et, en attendant, la solidarité vigneronne fonctionne : c’est Jean René de Fleurieu du château de Montfrin qui abrite leur stock.

Les vins sont élaborés avec beaucoup de professionnalisme et d’instinct. Soin et précision sont apportés au travail en cave. Les raisins sont vinifiés en micro-parcelles dans quinze cuves qui sont assemblées pour produire cinq cuvées. La fermentation malolactique se déroule sous marc, étape risquée qui requiert beaucoup de surveillance mais qui apporte gras et matière.

Toute la gamme se décline en occitan. Pour commencer, le rouge, le blanc et le rosé Arlezzo, du nom du costume traditionnel des femmes arlésiennes. Avis aux amateurs d’exceptionnels rapports qualité prix. Fréjaou, leur cuvée 100% Syrah, rappelle étrangement les Syrahs de la vallée du Rhône septentrionale.

Le domaine Milan quant à lui a déjà ses lettres de noblesse. Réputé en France comme à l’étranger, Henri Milan a réussi à faire de cette exploitation aux portes de Saint-Rémy-de-Provence un bastion des vins nature,  et ce bien longtemps avant qu’ils ne soient à la mode. Aujourd’hui, c’est son fils Théophile qui officie au commercial mais le crédo reste le même : « Ici, les vins sont vinifiés en levures indigènes, peu de soufre voir pas du tout pour certaines cuvées, et sans filtration. La filtration c’est pire que le soufre, ça décharne les vins. » . L’encépagement est atypique pour la région : aux cépages traditionnels du sud se mélange d’autres variétés plus inattendues comme le Savagnin, le Macabeu ou le Nielluccio.

La gamme est large, les étiquettes graphiques et chaque cuvée à une histoire bien distincte. Au total, ce sont près de quinze vins différents que je dégusterai cette matinée de février. Lors de la dégustation nous traversons le chai parsemé de rose ici et là, la couleur totem du domaine. Et c’est en musique que nous dégustons. Quand j’interroge Théophile sur la musique, il me répond, un brin moqueur : « Ah, ça, c’est mon père ! ». Ce sont des vins avec beaucoup de personnalité et d’élégance.

J’ai évidemment été subjuguée par Le Grand blanc qui porte bien son nom. Très ouvert, avec des notes de noisette, légèrement oxydatif avec une belle patine, c’est un produit de gastronomie par excellence. Le vin orange Luna et Gaia se distingue par une belle structure et une amertume bien maitrisée qui équilibre le tout en bouche. Le Jardin millésime 2012 semble être à point : ce 100% Merlot offre un nez de truffe assez extraordinaire.

Mais le Domaine Henri Milan, ce ne sont pas seulement Henri et Théophile. C’est aussi Sébastien Xavier, le maître de chai qui travaille au domaine depuis vingt ans. Une cuvée porte ses initiales. S&X est un 100% grenache aux accents plus sudistes que le reste de la gamme. On y retrouve les marqueurs du cépage, mûr et cacaoté. Nous avons été rejoints à la fin de la dégustation par les enfants de Théophile, la troisième génération.

Vous l’aurez compris, au domaine Milan comme au Mas Baudin, c’est une histoire de vins et d’humains !

Le Sauvignon blanc

C’est un cépage que j’aime beaucoup, capable du pire comme du meilleur. Et c’est bien sûr du second dont il sera question ici !

Le Sauvignon est aujourd’hui cultivé dans de très nombreux vignobles de la planète.

En France, ses régions de prédilection sont la Loire et le Bordelais. Dans la première, le Sauvignon règne en maître — il est vinifié seul — en Touraine, dans les appellations de Reuilly, Quincy, Menetou-Salon, à Pouilly-Fumé mais aussi à Sancerre, où il est connu pour sa minéralité et où il peut atteindre des prix particulièrement élevés. Dans la seconde, il est le cépage de référence pour les vins blancs secs. Son acidité et sa fraîcheur sont parfois associées au Sémillon et à la Muscadelle.

Le Sauvignon se distingue par un bouquet très parfumé et un arôme en particulier : le bourgeon de cassis (on utilise aussi le descripteur buis). Quand il n’est pas à maturité, il est plus herbacé, proche du genêt (ou encore … pipi de chat !).

Il est devenu la première variété plantée en Nouvelle-Zélande, où le style des Sauvignons de la région de Marlborough, davantage sur le fruit que ceux de la Loire, s’est exporté dans le monde entier, y compris en France.

La sélection Vins d’Avenir compte trois vignerons qui produisent du Sauvignon dans trois appellations différentes, trois expressions très différentes du même raisin. Je les ai interrogé pour percer les mystères de ce cépage si aromatique.

Monique Bonnet, au Château Suau, m’explique : « L’assemblage à Bordeaux n’est pas obligatoire pour le Sauvignon, mais, en ce qui nous concerne, nous sommes sur un terroir argileux où nous n’avons pas la minéralité d’un Sauvignon de Sancerre. Le Sauvignon est un cépage très aromatique avec beaucoup d’éclat et l’assemblage va permettre d’ajouter un peu de gras, de matière, et donc d’équilibre ».

En Touraine, au Clos Roussely, le Sauvignon représente 70% de l’encépagement en blanc. Vincent Roussely décline ce cépage dans plusieurs cuvées, notamment Touraine Chenonceaux, Le Clos et Irréductible. Bien que les sols soient identiques ­— le tuffeau très calcaire caractéristique de la région ­— elles sont toutes différentes. Il y a plusieurs explications, me raconte Vincent : « D’abord, l’âge des vignes : 30 ans en moyenne pour Le Clos, 40 pour le Touraine Chenonceaux et 60 pour Irréductible. Les rendements ne sont donc pas les mêmes, la complexité aromatique non plus. Ensuite, la vinification. Pour Le Clos, la fermentation et l’élevage ont lieu dans de très vieilles cuves en tuffeau creusées il y a 250 ans et doublées d’un revêtement en inox. Elles bénéficient d’une importante inertie thermique, le but étant de garder la pureté du fruit. Pour Irréductible, vinifiée en levures indigènes et sans soufre, Vincent alterne trois types de vinifications différentes. « Je crois beaucoup aux synergies, à l’association des gens, des genres et des personnalités. Au domaine, nous travaillons des éco-paturages, avec des chèvres, des chevaux et des ânes. C’est aussi ce que j’ai essayé de faire avec cette cuvée. » Un tiers est vinifié en amphores qui apportent une oxydation ménagée et une certaine complexité aromatique. Un tiers en cuves ovoïdes qui favorisent les échanges avec les lies et un tiers dans des pièces en chêne de 400 litres qui apportent de la complexité et de la structure. » Le résultat est bluffant, loin des marqueurs classiques du Sauvignon. « Oui, c’est très iconoclaste de vinifier comme ça un Sauvignon ! » s’amuse Vincent Roussely.

Au domaine Delacroix Kerhoas, le Sauvignon est cultivé en plaine et sous le soleil du sud. Là encore, c’est un autre profil de vin qui se dessine. « Le Sauvignon se plaît sur les sols « poussants » m’explique Thibault Kerhoas. Je mets beaucoup de soin en cave pour produire cette cuvée. C’est une sélection parcellaire, vinifiée dans une cuve, qui ne m’a jamais posé de problème : c’est un vin qui fonctionne presque à tous les coups. » En effet, le terroir rhodanien permet au Sauvignon d’exprimer des arômes exotiques que l’on ne retrouve pas ailleurs en France et qui rappellent le style néo-zélandais : des notes de fruits de la passion, de mangue, toujours soutenues par une belle acidité qui rend cette cuvée irrésistible.
Vous l’aurez compris, même si les marqueurs variétaux sont importants, le Sauvignon s’adapte à son terroir mais aussi à son vigneron. Vous en trouverez donc pour tous les goûts, ou presque.

Amoureux

D’un vin chaleureux, velouté, on dit qu’il est amoureux ou, chez les Bourguignons, qu’il « a de l’amour ». La formule est ancienne : les poètes du XVe siècle comme François Villon célébraient déjà le vin amoureux. L’amour de l’amateur était attribué au précieux nectar lui-même. Simple lot de consolation quand on connaît l’incompatibilité, lorsqu’elles sont pratiquées avec excès, des choses du verre et de la chair, « deux occupations qui s’entr’empêchent en leur vigueur » d’après Montaigne ? Plus récemment, Bernard Pivot conseillait de « boire peu de vin avant l’amour, mais du bon, du très bon ; honorer Bacchus avec modération ; puis, après, honorer Vénus jusqu’à plus soif… »

Si l’expression est quelque peu désuète, nombreux sont les mots de la dégustation qui empruntent aujourd’hui encore au registre de la sensualité. Car cette activité non seulement mobilise tous nos sens mais nous en retirons un plaisir quasi charnel. Et ces termes font référence à l’un d’entre eux en particulier : le toucher. Un vin voluptueux caresse le palais. Un vin enveloppant tapisse la bouche. Un vin moelleux n’est pas nécessairement sucré : un jus sec peut être rond et onctueux.

Le sens du toucher est souvent négligé en dégustation alors que nous goûtons avec un instrument d’une grande précision : notre bouche. En effet, si l’on observe notre cerveau en coupe (au niveau du cortex somesthésique), on peut y lire une carte topographique des différentes parties du corps. Chaque fois que notre index touche quelque chose, la zone correspondant à l’index dans le cerveau s’allume. Et la surface de représentation au niveau du cortex est proportionnelle à la sensibilité de la zone concernée : plus la seconde est fine et importante, plus la première est étendue. Or la surface de projection des lèvres, de la bouche, de la langue et du pharynx est très grande, représentant presque un quart de la surface de projection du corps. Autrement dit, l’appareil buccal concentre environ 25% de l’ensemble de nos récepteurs du toucher. La bouche, meilleure amie de Vénus et de Bacchus… Les anglophones l’ont bien compris : là où Molière goûte ou déguste du vin, Shakespeare tastes (mot dérivé du latin taxo, « toûcher », qui a notamment donné en français tâter). Moins souvent décrites que les arômes et les saveurs, les sensations tactiles apportent pourtant de nombreuses informations concernant le sol sur lequel la vigne a poussé ou les méthodes de vinification.

Pour apprécier la texture d’un grain de peau, cette dernière doit être caressée : immobile, la main ne sent rien ; elle doit se déplacer pour percevoir la finesse ou la rugosité. Le mouvement des doigts crée une vibration qui varie avec la granulométrie de la matière. Il en va de même en bouche : pour saisir les changements de pression et de vibration, il faut bouger, déplacer le vin. La prochaine fois que vous dégusterez, je vous invite donc à le mâcher dix bonnes secondes. Ce vin vous évoque-t-il la suavité d’un baiser ou la fermeté d’une claque ? Vous avez la réponse sur le bout de votre langue…

Flacons, nouvelle cave nîmoise originale

Il y a dix-huit mois une nouvelle cave ouvrait à Nîmes. Flacons, c’est son nom, est un lieu moderne et convivial situé au 14 boulevard Gambetta. Cette cave à vins et à bières est née de l’association de Céline Cools et de Simon Poussielgues. Tous les deux baignent dans le monde du vin depuis longtemps.

« Mon père était expert-comptable spécialisé dans le domaine viticole. C’est lui qui m’a initié. La mère de ma fille est vigneronne à Châteauneuf-du-Pape et j’ai monté plusieurs affaires dans la restauration. Bref, j’ai toujours plus ou moins baigné dedans. » m’explique Simon. Globe-trotter à la fibre entrepreneuriale, Simon a voyagé en Afrique, en Espagne au Maroc avant de revenir à Nîmes pour se lancer dans ce nouveau projet : « j’ai racheté un stock de vins à un caviste qui pliait boutique, j’ai commencé à vendre des bouteilles puis j’ai acquis ce local et j’en ai parlé à Céline ».

Céline, de son côté, a d’abord travaillé avec Alain Bosc, caviste des Plaisirs de la Table à Nîmes. Elle a ensuite ouvert un bar à bières avec une petite sélection de vins : « on souhaitait des vins un peu pointus. Comme il y en avait peu sur la carte, je veillais à ce qu’ils soient de bonne qualité. »

Elle réalise que les vins bios et nature lui plaisent davantage que les autres. « Au-delà de la démarche des vignerons, c’est gustativement que j’ai pris une claque avec ces vins-là. Eric Pfifferling, Ganevat… Ce sont des vignerons qui m’ont marqué ».

C’est pourquoi, dès le début, Flacons se veut une cave originale : « On cherchait à proposer une niche, avec une belle sélection de bières et une cave. Ici on ne trouve pas de Ruinart, car en fait le client Ruinart ne nous intéresse pas vraiment. On choisit ce qui nous plaît, pas nécessairement ce qui se vend. Et je suis fière de dire qu’ici il n’y a que des vins qu’on aime ».

Un parti pris osé mais payant puisqu’il leur permet d’avoir une clientèle de connaisseurs. Quand je les interroge sur leur association, elle semble couler de source. Chacun trouve sa place naturellement et la confiance est totale : « nous sommes très différents de caractère, d’attitude et nous avons des goûts différents donc deux clientèles distinctes. On se fait confiance mutuellement. »

Simon et Céline ne manquent pas de projets. Comme beaucoup de cavistes, ils ont comme objectif de digitaliser la cave et ils ont acquis la veille du premier confinement un vélo électrique flambant neuf pour proposer des livraisons « vertes ».
Une démarche cohérente pour Flacons, terreau d’une belle aventure destinée à s’inscrire dans le paysage nîmois.

Les coups de cœur de Céline et Simon

Votre région de prédilection ?

Céline : « Le Jura c’est vraiment ma région de prédilection, c’est équilibré, fin, original. Ça déroute. »

Simon : « Plus jeune, j’aimais les vins puissants et tanniques. En vieillissant mes goûts évoluent et aujourd’hui je recherche davantage la buvabilité, le fruit. J’aime par exemple les vins du Beaujolais.

Un vigneron coup de cœur ?

Céline : « Les vins du domaine Pierre & l’étoile situé à Saint-Chinian. C’est bon et bon marché. »

Simon : Domaine Ledogar, tout particulièrement la cuvée Les Brunelles millésime 2016.

Un vin pour tous les jours ?

« Un vin de Loire blanc, c’est frais, pas fatiguant, et il y a encore de superbes rapport qualité prix. »

La recette de tata

Elle est ma tante et ma marraine, nous avons en commun un sacré tempérament, le goût des belles tablées familiales et le même héritage culinaire. J’ajoute qu’elle est aussi la maman de deux garçons ! Nous avons noué depuis ma plus tendre enfance une relation forte et Marie-Pierre occupe aujourd’hui une place toute particulière dans ma vie, entre une deuxième maman et une grande sœur.

Bon sang ne saurait mentir : les lasagnes sont sa grande spécialité, cousines des fameux raviolis de pépé, recette de mon grand-père maternel et ma madeleine de Proust. Ce plat « réconfort » qu’elle me cuisine très souvent est lui aussi chargé de souvenirs.

Lors de notre dernier déjeuner j’ai donc mis la main à la pâte (à lasagne) et je vous livre la recette. Attention, comme elle le dit elle-même en occitan, les proportions, sont a vista de naz !

Ingrédients pour 6 à 8 personnes

  • 300 grammes environ d’épinards (que vous pouvez remplacer par des blettes)
  • 1200 grammes de farce : 2/3 de farce de porc et 1/3 de bœuf   
  • 2 œufs
  • 500 grammes de ricotta
  • 100 grammes de grana padano râpé (pas forcément besoin d’un fromage d’exception, il sert surtout ici à apporter du liant)
  • 120 grammes de gruyère râpé
  • un oignon ciselé
  • sel,  poivre, thym
  • 1 paquet de feuilles de pâtes de lasagnes fraiches
  1. Faites revenir l’oignon.
  2. Mélangez au reste des ingrédients.
  3. Dans un plat, alternez une couche de pâtes et une couche de farce.
  4. Recouvrez le tout avec une couche de gruyère râpé.
  5. Faites cuire au four à 180 °C pendant 30 à 40 minutes.

Que boit-on avec ce plat ?

Restons dans le Languedoc avec la cuvée Lo Sang del Païs en appellation Marcillac du domaine du Cros. Ce 100% Fer Servadou est cultivé dans le vallon de Marcillac où les sols rouge brique chargés en oxyde de fer qu’on appelle rougier apportent aux vins un côté minéral. Ce rouge léger accompagnera à merveille la viande mais aussi le fromage très présent dans la recette. Un vin franc, sans démonstration de puissance, aux tannins fins, aux notes de cassis et de réglisse qui fera honneur aux lasagnes sans les « écraser ».

Alexis Soulas du Fief Noir

1) Ton premier souvenir lié au vin ?

Adolescent, des vacances dans le Luberon chez des amis qui possédaient un domaine viticole. Dégustation à la cuve, odeur de cave, premier verre de vin blanc.

2) Ta plus grande émotion ?

Difficile de les hiérarchiser mais j’ai un très joli souvenir en Roumanie, perdu dans un petit village sous un soleil de plomb, où j’ai passé une soirée à boire de la Feteasca Naegra, le Gamay roumain, pour finir par dormir dans un foudre aménagé.

3) Un millésime marquant ?

2018 en Anjou : une récolte miraculeuse.

4) Ta (tes) région (s) de prédilection ?

Le Rhône Nord.

5) Ton cépage préféré ?

La Syrah pour les rouges et le Chenin pour les blancs.

6) Que trouve t-on dans ta cave ?

Pas mal de Bandol rouge, de jolis Bordeaux et des Saint-Joseph. Les blancs ne restent pas longtemps…

7) Une bouteille pour un repas en amoureux ?

Un Brunello di Montalcino.

8) Un bouteille à ouvrir entre amis ?

Un Muscadet.

9) Une bouteille lors d’un repas de Noël ?

Un vin jaune du Jura.

10) Un vigneron encore peu connu à recommander ?

Simon Ribert en Madiran.