En avril, la vigne sur le fil du rasoir

Un coup de froid inédit …

@ UGO AMEZ pour Le Monde

Vous en avez sans doute entendu parler : l’agriculture française a subi de terribles épisodes de gel tout au long de ce mois d’avril. Terribles par leurs effets — des mois de travail anéantis parfois en une seule nuit —, leurs conséquences économiques et psychologiques pour les producteurs, et par leur ampleur. Ces gelées 2021 ont en effet touché l’ensemble du territoire français. Aucune région viticole n’a été épargnée. En Champagne, on estime les pertes liées au gel entre 25 à 30 %. 80% des vignes du Bordelais sont concernées, totalement ou partiellement. Toute la Bourgogne a été frappée, de Chablis jusqu’au Mâconnais. En vallée du Rhône et en Provence, le bilan varierait de 30 à 60 % de pertes de récolte. Certaines appellations du Languedoc ont été décimées …

… mais pas surprenant

La cause est bien identifiée, elle porte un nom qui vous est malheureusement familier : le réchauffement climatique. Car c’est en réalité la chaleur de la fin mars qui a été précurseur du désastre agricole comme l’explique Serge Zaka, docteur en agro-météorologie : « la douceur exceptionnelle a permis aux végétaux d’exploser : les bourgeons ont éclos, les feuilles et les fleurs se sont retrouvées à l’air libre. Le froid d’avril est moins exceptionnel, une trentaine de records négatifs ont été battus, mais il a trouvé des bourgeons éclos. Or, dans le bourgeon, la plante résiste à -20°C quant à l’air libre, c’est -1°C. »

Les problèmes liés au climat ont été récurrents ces derniers années — on pense notamment à la terrible sécheresse qui s’est abattue sur le sud de la France en 2019 — et ils s’inscrivent dans la durée. « Avant, les dégâts liés au gel arrivaient tous les cinq ou six ans. Depuis 2010, c’est presque tous les ans. Et non, ce n’est pas une décennie noire, pas un épisode : c’est le climat du futur. Cela ne va pas se passer tous les ans, mais ça va devenir fréquent, à peu près jusqu’en 2050. Après cela, il va faire de plus en plus doux, les gelées vont devenir de plus en plus rares et les dégâts régresser. Il y aura d’autres problèmes liés à la canicule et à la sécheresse, mais c’est un autre sujet. » alerte Zaka.

Pas d’étonnement non plus du côté des zones touchées, bien connues des viticulteurs. Comme le rappelle Christian Chabirand du Prieuré la Chaume, lui plutôt épargné : « en réalité nous savons quelles sont les zones gélives, elles sont cartographiées. Grosso modo pas de surprise : ce sont bien elles qui ont gelé cette année. » Et ces secteurs se trouvent souvent en plaine. En vallée du Rhône, région soumise à de très nombreux microclimats, les fonds de vallons subissent des gelées beaucoup plus fortes. Thibault Kerhoas du domaine Delacroix Kerhoas dans le Gard en a fait la triste expérience pour les derniers millésimes : sur les quatre dernières années, ses vignes en plaine, notamment de Sauvignon, ont gelé trois fois.

Mais il est aussi arrivé que des parcelles bien exposées, donc plus avancées, aient subi davantage de dommages. En Bourgogne par exemple, les masses d’air polaires des nuits du 5/6 et du 6/7 avril ont plutôt atteint les climats bénéficiant de belles expositions en coteaux. Notez qu’il peut exister des différences de températures majeures au sein d’une même parcelle … Qui a dit que vigneron était un métier facile ?

Pas de solution miracle

Bourgeon de vigne protégé du gel par aspersion d’eau et formation d’une couche de glace. © Le Point @Thierry Gaudillere

De nombreux outils ont été déployés par les domaines et les maisons pour sauver ce qui pouvait l’être. Le Fief Noir en Anjou, durement touché, a utilisé sur trois hectares environ des bougies qui dégagent de la chaleur au sol, au niveau des pieds de vigne. Il en faut donc beaucoup, avec une efficacité limitée dès qu’un peu de vent se lève. Le co-propriétaire Alexis Soulas admet qu’elles ne peuvent pas représenter une solution pérenne : « très chères (environ 3000€/hectare), hyper polluantes, elles restent allumées seulement douze heures donc il faut calculer le moment le plus opportun pour les allumer. » L’œnologue-vigneron a également utilisé un voile, une sorte de couverture posée sur les vignes pour les réchauffer. Cette solution a très bien marché : « la parcelle que nous avons protégée avec a été intégralement épargnée. Mais c’est très compliqué à déployer, cela demande de mobiliser sept à huit personnes. »

D’autres techniques antigel ont été employées : chaufferettes au fuel, câbles chauffants, brûlage de paille ou encore aspersion d’eau dont les gouttelettes forment une coque de glace qui protège le bourgeon mais dont il faut disposer en quantité suffisante pour tenir jusqu’à la remontée des températures au-dessus de 3 °C (sinon c’est l’effet inverse qui se produit !). Certains ont investi dans des tours éoliennes (30 000 et 40 000 euros pour environ 5,5 hectares protégés) ou des hélicoptères pour brasser l’air, plus chaud en altitude, et le plaquer au sol pour le réchauffer.

Toutes ces moyens de lutte limitent les dégâts mais ne les empêchent pas. Elles sont particulièrement coûteuses en main-d’œuvre, en ressource et en installation de matériel. Elles sont accessibles surtout aux plus grands producteurs mais pas aux petits qui n’ont pas les moyens d’investir. Et, double peine, ces derniers ne sont souvent pas assurés. « À une époque les vignerons ont été aidés pour s’assurer. Les assureurs en ont profité pour rehausser leurs tarifs et c’est pourquoi aujourd’hui peu de vignerons s’assurent » se souvient Christian Chabirand. S’assurer est un pari que Thibault Kerhoas craint de ne pas gagner : « il y a fort à parier qu’une fois que j’aurai souscrit une assurance, cette année-là, il ne gèlera pas ! ». Sans compter que les assureurs seraient aujourd’hui réticents à signer des contrats avec des domaines viticoles selon Alexis Soulas.

Un procédé qui n’entraîne pas de surcoût consiste à changer ses habitudes en matière de taille. Tailler tard permet de retarder le débourrement (la sortie des bourgeons). C’est la bonne résolution prise au Mas Baudin qui a décidé de tailler les zones gélives en dernier dès l’an prochain.

La vigne résiste

Les agriculteurs subissent les aléas climatiques mais la nature déploie encore de petits miracles. Ainsi, la vigne — contrairement aux arbres fruitiers —, développe des bourgeons supplémentaires quand les premiers ont été détruits par la gelée ou une autre cause. Raison pour laquelle il est encore trop tôt pour estimer précisément les quantités qui vont manquer dans les cuves. Ces repoussent varient selon les cépages. Le Chardonnay fait par exemple très peu de bourgeons secondaires, contrairement au Grenache, au Merlot ou au Cinsault.

À l’Homme de changer ses modes de vie et de production pour mettre fin au désordre climatique. En attendant, soyons solidaires avec nos vignerons et avec nos agriculteurs, il en va de notre survie alimentaire.

Sources

Les témoignages des vignerons de la sélection Vins d’Avenir ont été recueillis par Réjane.

Julie Reux, « Le gel de plus en plus fréquent dans les vignes, c’est le climat du futur », La Revue du Vin de France, le 7 avril 2021 : https://www.larvf.com/le-gel-de-plus-en-plus-frequent-dans-les-vignes-c-est-le-climat-du-futur,4738499.asp

Jérôme Baudouin, « Les gelées d’avril ont durement touché le vignoble français », La Revue du Vin de France, le 7 avril 2021 : https://www.larvf.com/vin-gel-gelees-avril-vignoble-touche-touraine-saint-emilion-recolte-languedoc-inflorescences,4524336.asp

Clément L’Hôte, « En Bourgogne un épisode de gel « jamais vu depuis 30 ans » », 22 avril 2021 : https://www.vitisphere.com/actualite-93883-En-Bourgogne-un-episode-de-gel-jamais-vu-depuis-30-ans-.htm

La cheffe pâtissière Léa Chiari ou faire de sa passion son métier

© Réjane Bédos

J’ai fait la connaissance de Léa Chiari grâce au formidable réseau « Gard à elles » et j’ai vraiment été charmée par sa bonne humeur et son enthousiasme qui se sont révélés communicatifs. Sa passion pour son métier fait chaud au cœur.

C’est avec un grand sourire aux lèvres et des étoiles dans les yeux qu’elle me raconte son histoire. Cette trentenaire a la tête bien faite est en poste dans le milieu bancaire depuis plusieurs années. Elle pratique la pâtisserie en amatrice sur son temps libre. Elle décide un jour de franchir le pas et s’inscrit à un CAP de pâtisserie à l’école Ducasse.

Direction le Puy en Velay. Pendant huit mois Léa ne verra ses enfants et son mari qu’un week-end sur deux. Lorsque je l’interroge pour savoir si ce fut difficile, Léa ne se départit pas de son sourire : « Oui, c’était difficile, mais cela reste l’expérience professionnelle la plus forte de ma vie, j’ai énormément appris là-bas. »

La famille souhaite s’installer à l’étranger. Tout est prêt mais la Covid arrive. « J’ai dû repenser mon projet et j’ai finalement décidé de m’implanter à Nîmes, ma ville, celle où j’ai tout mon réseau. Peut-être qu’en fait, pour commencer, c’est mieux comme ça. » Positive et philosophe, Léa Chiari !

© Instagram @leachiari.patisserie

Léa commence alors à proposer des pâtisseries sur commande. Elle réalise l’impact des réseaux sociaux et décide de les utiliser. Elle participe notamment à un concours de pâtisserie lancé sur Instagram par Cédric Grolet autour de la fraise. Elle confectionne alors une carte du monde entièrement réalisée avec de petits morceaux de fraise et remporte le concours. « À ce moment-là j’ai senti un réel engouement, les réseaux sociaux sont un formidable accélérateur. »

Le talent de Léa devient viral et ces entremets sont tellement plébiscités que la cheffe pâtissière a un carnet de commandes rempli jusqu’au mois de mai. Allez jeter un œil à sa page Insta, vous y verrez des desserts soignés, précis et sophistiqués qui mettent en appétit.

Lorsque je l’interroge sur son produit préféré, elle me répond : « Le chocolat, j’ai appris à l’aimer, la matière, les saveurs et les arômes. On peut en faire des choses extraordinaires. Et côté fruits ? « J’adore la framboise. Malheureusement, la saison est courte. »

Des projets, Léa n’en manque pas. Une boutique ouvrira à Nîmes mi-juin. Là encore, Léa a pensé à tout : « Je voudrais ouvrir une pâtisserie haut de gamme avec un petit rayon épicerie fine. Je cherchais un endroit dans Nîmes où l’on puisse se garer facilement. A priori c’est chose faite. Je souhaite faire des classiques revisités mais aussi des créations. Il y aura aussi quelques viennoiseries. » Et devinez ce que l’on trouvera dans son rayon épicerie fine pour accompagner les gâteaux et les grandes occasions ? Du vin bien sûr !

Deux domaines rejoignent la sélection

Le Mas Baudin est un domaine viticole et oléicole d’une trentaine d’hectares situé à Montfrin, dans le Gard. Amélie et Vincent Bonnard sont des voisins, je les connais depuis quelques années maintenant. Ce sont des vignerons artisans pudiques et passionnés qui placent la famille et l’authenticité au cœur de leur travail.

C’est progressivement que le frère et la sœur sortent de la cave coopérative pour tracer leur route selon leurs goûts. Alors qu’ils se sont lancés dans ce grand projet il y a quelques années à peine, le domaine est ravagée par les incendies de l’été 2019. Le moulin brûle et tout l’appareil productif avec. Lorsque nous évoquons ce terrible épisode, Amélie ne s’apitoie pas. Pas le genre. « On va tout reconstruire ». Et, en attendant, la solidarité vigneronne fonctionne : c’est Jean René de Fleurieu du château de Montfrin qui abrite leur stock.

Les vins sont élaborés avec beaucoup de professionnalisme et d’instinct. Soin et précision sont apportés au travail en cave. Les raisins sont vinifiés en micro-parcelles dans quinze cuves qui sont assemblées pour produire cinq cuvées. La fermentation malolactique se déroule sous marc, étape risquée qui requiert beaucoup de surveillance mais qui apporte gras et matière.

Toute la gamme se décline en occitan. Pour commencer, le rouge, le blanc et le rosé Arlezzo, du nom du costume traditionnel des femmes arlésiennes. Avis aux amateurs d’exceptionnels rapports qualité prix. Fréjaou, leur cuvée 100% Syrah, rappelle étrangement les Syrahs de la vallée du Rhône septentrionale.

Le domaine Milan quant à lui a déjà ses lettres de noblesse. Réputé en France comme à l’étranger, Henri Milan a réussi à faire de cette exploitation aux portes de Saint-Rémy-de-Provence un bastion des vins nature,  et ce bien longtemps avant qu’ils ne soient à la mode. Aujourd’hui, c’est son fils Théophile qui officie au commercial mais le crédo reste le même : « Ici, les vins sont vinifiés en levures indigènes, peu de soufre voir pas du tout pour certaines cuvées, et sans filtration. La filtration c’est pire que le soufre, ça décharne les vins. » . L’encépagement est atypique pour la région : aux cépages traditionnels du sud se mélange d’autres variétés plus inattendues comme le Savagnin, le Macabeu ou le Nielluccio.

La gamme est large, les étiquettes graphiques et chaque cuvée à une histoire bien distincte. Au total, ce sont près de quinze vins différents que je dégusterai cette matinée de février. Lors de la dégustation nous traversons le chai parsemé de rose ici et là, la couleur totem du domaine. Et c’est en musique que nous dégustons. Quand j’interroge Théophile sur la musique, il me répond, un brin moqueur : « Ah, ça, c’est mon père ! ». Ce sont des vins avec beaucoup de personnalité et d’élégance.

J’ai évidemment été subjuguée par Le Grand blanc qui porte bien son nom. Très ouvert, avec des notes de noisette, légèrement oxydatif avec une belle patine, c’est un produit de gastronomie par excellence. Le vin orange Luna et Gaia se distingue par une belle structure et une amertume bien maitrisée qui équilibre le tout en bouche. Le Jardin millésime 2012 semble être à point : ce 100% Merlot offre un nez de truffe assez extraordinaire.

Mais le Domaine Henri Milan, ce ne sont pas seulement Henri et Théophile. C’est aussi Sébastien Xavier, le maître de chai qui travaille au domaine depuis vingt ans. Une cuvée porte ses initiales. S&X est un 100% grenache aux accents plus sudistes que le reste de la gamme. On y retrouve les marqueurs du cépage, mûr et cacaoté. Nous avons été rejoints à la fin de la dégustation par les enfants de Théophile, la troisième génération.

Vous l’aurez compris, au domaine Milan comme au Mas Baudin, c’est une histoire de vins et d’humains !

Le Sauvignon blanc

C’est un cépage que j’aime beaucoup, capable du pire comme du meilleur. Et c’est bien sûr du second dont il sera question ici !

Le Sauvignon est aujourd’hui cultivé dans de très nombreux vignobles de la planète.

En France, ses régions de prédilection sont la Loire et le Bordelais. Dans la première, le Sauvignon règne en maître — il est vinifié seul — en Touraine, dans les appellations de Reuilly, Quincy, Menetou-Salon, à Pouilly-Fumé mais aussi à Sancerre, où il est connu pour sa minéralité et où il peut atteindre des prix particulièrement élevés. Dans la seconde, il est le cépage de référence pour les vins blancs secs. Son acidité et sa fraîcheur sont parfois associées au Sémillon et à la Muscadelle.

Le Sauvignon se distingue par un bouquet très parfumé et un arôme en particulier : le bourgeon de cassis (on utilise aussi le descripteur buis). Quand il n’est pas à maturité, il est plus herbacé, proche du genêt (ou encore … pipi de chat !).

Il est devenu la première variété plantée en Nouvelle-Zélande, où le style des Sauvignons de la région de Marlborough, davantage sur le fruit que ceux de la Loire, s’est exporté dans le monde entier, y compris en France.

La sélection Vins d’Avenir compte trois vignerons qui produisent du Sauvignon dans trois appellations différentes, trois expressions très différentes du même raisin. Je les ai interrogé pour percer les mystères de ce cépage si aromatique.

Monique Bonnet, au Château Suau, m’explique : « L’assemblage à Bordeaux n’est pas obligatoire pour le Sauvignon, mais, en ce qui nous concerne, nous sommes sur un terroir argileux où nous n’avons pas la minéralité d’un Sauvignon de Sancerre. Le Sauvignon est un cépage très aromatique avec beaucoup d’éclat et l’assemblage va permettre d’ajouter un peu de gras, de matière, et donc d’équilibre ».

En Touraine, au Clos Roussely, le Sauvignon représente 70% de l’encépagement en blanc. Vincent Roussely décline ce cépage dans plusieurs cuvées, notamment Touraine Chenonceaux, Le Clos et Irréductible. Bien que les sols soient identiques ­— le tuffeau très calcaire caractéristique de la région ­— elles sont toutes différentes. Il y a plusieurs explications, me raconte Vincent : « D’abord, l’âge des vignes : 30 ans en moyenne pour Le Clos, 40 pour le Touraine Chenonceaux et 60 pour Irréductible. Les rendements ne sont donc pas les mêmes, la complexité aromatique non plus. Ensuite, la vinification. Pour Le Clos, la fermentation et l’élevage ont lieu dans de très vieilles cuves en tuffeau creusées il y a 250 ans et doublées d’un revêtement en inox. Elles bénéficient d’une importante inertie thermique, le but étant de garder la pureté du fruit. Pour Irréductible, vinifiée en levures indigènes et sans soufre, Vincent alterne trois types de vinifications différentes. « Je crois beaucoup aux synergies, à l’association des gens, des genres et des personnalités. Au domaine, nous travaillons des éco-paturages, avec des chèvres, des chevaux et des ânes. C’est aussi ce que j’ai essayé de faire avec cette cuvée. » Un tiers est vinifié en amphores qui apportent une oxydation ménagée et une certaine complexité aromatique. Un tiers en cuves ovoïdes qui favorisent les échanges avec les lies et un tiers dans des pièces en chêne de 400 litres qui apportent de la complexité et de la structure. » Le résultat est bluffant, loin des marqueurs classiques du Sauvignon. « Oui, c’est très iconoclaste de vinifier comme ça un Sauvignon ! » s’amuse Vincent Roussely.

Au domaine Delacroix Kerhoas, le Sauvignon est cultivé en plaine et sous le soleil du sud. Là encore, c’est un autre profil de vin qui se dessine. « Le Sauvignon se plaît sur les sols « poussants » m’explique Thibault Kerhoas. Je mets beaucoup de soin en cave pour produire cette cuvée. C’est une sélection parcellaire, vinifiée dans une cuve, qui ne m’a jamais posé de problème : c’est un vin qui fonctionne presque à tous les coups. » En effet, le terroir rhodanien permet au Sauvignon d’exprimer des arômes exotiques que l’on ne retrouve pas ailleurs en France et qui rappellent le style néo-zélandais : des notes de fruits de la passion, de mangue, toujours soutenues par une belle acidité qui rend cette cuvée irrésistible.
Vous l’aurez compris, même si les marqueurs variétaux sont importants, le Sauvignon s’adapte à son terroir mais aussi à son vigneron. Vous en trouverez donc pour tous les goûts, ou presque.

Amoureux

D’un vin chaleureux, velouté, on dit qu’il est amoureux ou, chez les Bourguignons, qu’il « a de l’amour ». La formule est ancienne : les poètes du XVe siècle comme François Villon célébraient déjà le vin amoureux. L’amour de l’amateur était attribué au précieux nectar lui-même. Simple lot de consolation quand on connaît l’incompatibilité, lorsqu’elles sont pratiquées avec excès, des choses du verre et de la chair, « deux occupations qui s’entr’empêchent en leur vigueur » d’après Montaigne ? Plus récemment, Bernard Pivot conseillait de « boire peu de vin avant l’amour, mais du bon, du très bon ; honorer Bacchus avec modération ; puis, après, honorer Vénus jusqu’à plus soif… »

Si l’expression est quelque peu désuète, nombreux sont les mots de la dégustation qui empruntent aujourd’hui encore au registre de la sensualité. Car cette activité non seulement mobilise tous nos sens mais nous en retirons un plaisir quasi charnel. Et ces termes font référence à l’un d’entre eux en particulier : le toucher. Un vin voluptueux caresse le palais. Un vin enveloppant tapisse la bouche. Un vin moelleux n’est pas nécessairement sucré : un jus sec peut être rond et onctueux.

Le sens du toucher est souvent négligé en dégustation alors que nous goûtons avec un instrument d’une grande précision : notre bouche. En effet, si l’on observe notre cerveau en coupe (au niveau du cortex somesthésique), on peut y lire une carte topographique des différentes parties du corps. Chaque fois que notre index touche quelque chose, la zone correspondant à l’index dans le cerveau s’allume. Et la surface de représentation au niveau du cortex est proportionnelle à la sensibilité de la zone concernée : plus la seconde est fine et importante, plus la première est étendue. Or la surface de projection des lèvres, de la bouche, de la langue et du pharynx est très grande, représentant presque un quart de la surface de projection du corps. Autrement dit, l’appareil buccal concentre environ 25% de l’ensemble de nos récepteurs du toucher. La bouche, meilleure amie de Vénus et de Bacchus… Les anglophones l’ont bien compris : là où Molière goûte ou déguste du vin, Shakespeare tastes (mot dérivé du latin taxo, « toûcher », qui a notamment donné en français tâter). Moins souvent décrites que les arômes et les saveurs, les sensations tactiles apportent pourtant de nombreuses informations concernant le sol sur lequel la vigne a poussé ou les méthodes de vinification.

Pour apprécier la texture d’un grain de peau, cette dernière doit être caressée : immobile, la main ne sent rien ; elle doit se déplacer pour percevoir la finesse ou la rugosité. Le mouvement des doigts crée une vibration qui varie avec la granulométrie de la matière. Il en va de même en bouche : pour saisir les changements de pression et de vibration, il faut bouger, déplacer le vin. La prochaine fois que vous dégusterez, je vous invite donc à le mâcher dix bonnes secondes. Ce vin vous évoque-t-il la suavité d’un baiser ou la fermeté d’une claque ? Vous avez la réponse sur le bout de votre langue…

Flacons, nouvelle cave nîmoise originale

Il y a dix-huit mois une nouvelle cave ouvrait à Nîmes. Flacons, c’est son nom, est un lieu moderne et convivial situé au 14 boulevard Gambetta. Cette cave à vins et à bières est née de l’association de Céline Cools et de Simon Poussielgues. Tous les deux baignent dans le monde du vin depuis longtemps.

« Mon père était expert-comptable spécialisé dans le domaine viticole. C’est lui qui m’a initié. La mère de ma fille est vigneronne à Châteauneuf-du-Pape et j’ai monté plusieurs affaires dans la restauration. Bref, j’ai toujours plus ou moins baigné dedans. » m’explique Simon. Globe-trotter à la fibre entrepreneuriale, Simon a voyagé en Afrique, en Espagne au Maroc avant de revenir à Nîmes pour se lancer dans ce nouveau projet : « j’ai racheté un stock de vins à un caviste qui pliait boutique, j’ai commencé à vendre des bouteilles puis j’ai acquis ce local et j’en ai parlé à Céline ».

Céline, de son côté, a d’abord travaillé avec Alain Bosc, caviste des Plaisirs de la Table à Nîmes. Elle a ensuite ouvert un bar à bières avec une petite sélection de vins : « on souhaitait des vins un peu pointus. Comme il y en avait peu sur la carte, je veillais à ce qu’ils soient de bonne qualité. »

Elle réalise que les vins bios et nature lui plaisent davantage que les autres. « Au-delà de la démarche des vignerons, c’est gustativement que j’ai pris une claque avec ces vins-là. Eric Pfifferling, Ganevat… Ce sont des vignerons qui m’ont marqué ».

C’est pourquoi, dès le début, Flacons se veut une cave originale : « On cherchait à proposer une niche, avec une belle sélection de bières et une cave. Ici on ne trouve pas de Ruinart, car en fait le client Ruinart ne nous intéresse pas vraiment. On choisit ce qui nous plaît, pas nécessairement ce qui se vend. Et je suis fière de dire qu’ici il n’y a que des vins qu’on aime ».

Un parti pris osé mais payant puisqu’il leur permet d’avoir une clientèle de connaisseurs. Quand je les interroge sur leur association, elle semble couler de source. Chacun trouve sa place naturellement et la confiance est totale : « nous sommes très différents de caractère, d’attitude et nous avons des goûts différents donc deux clientèles distinctes. On se fait confiance mutuellement. »

Simon et Céline ne manquent pas de projets. Comme beaucoup de cavistes, ils ont comme objectif de digitaliser la cave et ils ont acquis la veille du premier confinement un vélo électrique flambant neuf pour proposer des livraisons « vertes ».
Une démarche cohérente pour Flacons, terreau d’une belle aventure destinée à s’inscrire dans le paysage nîmois.

Les coups de cœur de Céline et Simon

Votre région de prédilection ?

Céline : « Le Jura c’est vraiment ma région de prédilection, c’est équilibré, fin, original. Ça déroute. »

Simon : « Plus jeune, j’aimais les vins puissants et tanniques. En vieillissant mes goûts évoluent et aujourd’hui je recherche davantage la buvabilité, le fruit. J’aime par exemple les vins du Beaujolais.

Un vigneron coup de cœur ?

Céline : « Les vins du domaine Pierre & l’étoile situé à Saint-Chinian. C’est bon et bon marché. »

Simon : Domaine Ledogar, tout particulièrement la cuvée Les Brunelles millésime 2016.

Un vin pour tous les jours ?

« Un vin de Loire blanc, c’est frais, pas fatiguant, et il y a encore de superbes rapport qualité prix. »

La recette de tata

Elle est ma tante et ma marraine, nous avons en commun un sacré tempérament, le goût des belles tablées familiales et le même héritage culinaire. J’ajoute qu’elle est aussi la maman de deux garçons ! Nous avons noué depuis ma plus tendre enfance une relation forte et Marie-Pierre occupe aujourd’hui une place toute particulière dans ma vie, entre une deuxième maman et une grande sœur.

Bon sang ne saurait mentir : les lasagnes sont sa grande spécialité, cousines des fameux raviolis de pépé, recette de mon grand-père maternel et ma madeleine de Proust. Ce plat « réconfort » qu’elle me cuisine très souvent est lui aussi chargé de souvenirs.

Lors de notre dernier déjeuner j’ai donc mis la main à la pâte (à lasagne) et je vous livre la recette. Attention, comme elle le dit elle-même en occitan, les proportions, sont a vista de naz !

Ingrédients pour 6 à 8 personnes

  • 300 grammes environ d’épinards (que vous pouvez remplacer par des blettes)
  • 1200 grammes de farce : 2/3 de farce de porc et 1/3 de bœuf   
  • 2 œufs
  • 500 grammes de ricotta
  • 100 grammes de grana padano râpé (pas forcément besoin d’un fromage d’exception, il sert surtout ici à apporter du liant)
  • 120 grammes de gruyère râpé
  • un oignon ciselé
  • sel,  poivre, thym
  • 1 paquet de feuilles de pâtes de lasagnes fraiches
  1. Faites revenir l’oignon.
  2. Mélangez au reste des ingrédients.
  3. Dans un plat, alternez une couche de pâtes et une couche de farce.
  4. Recouvrez le tout avec une couche de gruyère râpé.
  5. Faites cuire au four à 180 °C pendant 30 à 40 minutes.

Que boit-on avec ce plat ?

Restons dans le Languedoc avec la cuvée Lo Sang del Païs en appellation Marcillac du domaine du Cros. Ce 100% Fer Servadou est cultivé dans le vallon de Marcillac où les sols rouge brique chargés en oxyde de fer qu’on appelle rougier apportent aux vins un côté minéral. Ce rouge léger accompagnera à merveille la viande mais aussi le fromage très présent dans la recette. Un vin franc, sans démonstration de puissance, aux tannins fins, aux notes de cassis et de réglisse qui fera honneur aux lasagnes sans les « écraser ».

Alexis Soulas du Fief Noir

1) Ton premier souvenir lié au vin ?

Adolescent, des vacances dans le Luberon chez des amis qui possédaient un domaine viticole. Dégustation à la cuve, odeur de cave, premier verre de vin blanc.

2) Ta plus grande émotion ?

Difficile de les hiérarchiser mais j’ai un très joli souvenir en Roumanie, perdu dans un petit village sous un soleil de plomb, où j’ai passé une soirée à boire de la Feteasca Naegra, le Gamay roumain, pour finir par dormir dans un foudre aménagé.

3) Un millésime marquant ?

2018 en Anjou : une récolte miraculeuse.

4) Ta (tes) région (s) de prédilection ?

Le Rhône Nord.

5) Ton cépage préféré ?

La Syrah pour les rouges et le Chenin pour les blancs.

6) Que trouve t-on dans ta cave ?

Pas mal de Bandol rouge, de jolis Bordeaux et des Saint-Joseph. Les blancs ne restent pas longtemps…

7) Une bouteille pour un repas en amoureux ?

Un Brunello di Montalcino.

8) Un bouteille à ouvrir entre amis ?

Un Muscadet.

9) Une bouteille lors d’un repas de Noël ?

Un vin jaune du Jura.

10) Un vigneron encore peu connu à recommander ?

Simon Ribert en Madiran.

Pour 2021, 21 vins à moins de 21€

En 2021, je vous souhaite de boire bien et de boire bon. Et ça ne signifie pas forcément boire cher. Pour preuve, cette sélection éclectique de  21 vins à moins de 21 euros (prix caviste !). Et comme il m’aurait été impossible de choisir parmi la gamme de Vins d’Avenir, j’ai demandé à quatre cavistes talentueux et passionnés de partager avec nous leurs coups de cœur.

Toutes ces bouteilles sont proposées dans leur cave et elles peuvent vous être expédiées si vous n’êtes pas dans la région.

La sélection de Mathieu Shillinger de L’Arbre à Vins (Vaison la Romaine)

  1. La cuvée Hautes-Bassières 2017 du Château de Vauxun vin de Moselle 100% Pinot noir, 17,40€.

«  C’est un domaine en biodynamie, c’est  très frais, moderne, « fastoche » à boire. »

  1. Prima Dona 2019 du Prieuré La Chaume, un vin de Vendée, assemblage de Pinot noir, de Chardonnay et d’une faible proportion de Chenin, 19,50€.

« C’est un vin qui sort de sentiers battus. Situé au cœur de la vallée du Rhône, j’ai une clientèle de vignerons pas facile à surprendre. Et c’est le cas de ce vin. A l’aveugle, c’est très déroutant. »

  1. Le Clot 2017 du domaine du Clot de l’Oum, Côtes du Roussillon villages, une sélection parcellaire de Syrah, 19€.

«  Super digeste ! Dense et long. »

  1. La Louronne 2018 du Château Simian, Massif d’Uchaux 100% Grenache gris, 17 €.

« Un 100% Grenache gris c’est atypique, cela apporte une expression plus fraiche que ce que l’on peut trouver parfois dans la vallée du Rhône, équilibré avec un côté oxydatif. C’est un super vin de table. Il s’accorde merveilleusement bien avec des fromages de caractères comme un vieux Picodon ou un vieux comté. »

  1. Xinomavro 2019, jeunes vignes du domaine Thymiopoulos, Naoussa (Grèce), 17,50€.

« C’est le nom du cépage. C’est un vin dans un style très bourguignon avec de jolis tanins poudrés. Et c’est atypique. »

La sélection d’Illan Hubner de La mère Minard (Saint Quentin la Poterie)

  1. Baltazar  2019 du domaine LBV IGP Cévennes, 100% Grenache noir, 18€.

« C’est un domaine que j’adore, Julie Le Breton et Christophe Vial sont des amis. J’ai pu assister aux vendanges et au travail en cave, ils sont d’une très grande exigence. Ils travaillent avec une vieille presse en bois des années 50, les raisins sont égrappés puis retriés sur le tapis roulant. Il en résulte un Grenache délicieux, rond et équilibré. »

  1. La Grande Rando, Terres du Gaugalin, assemblage de Grenache (65%), de Carignan (15%), de Cinsault (10%) et de Clairette (10%), 17€.

« Ce petit coin de paradis mérite toute notre attention. La majorité des vignes a une cinquantaine d’années et le vignoble est en conversion biologique. Ce vin possède un côté confiture compotée que j’adore. »

  1. « Carignan Radical », Domaine Pèira Levada Faugères 100% Carignan, 20€.

« J’adore le Carignan ! C’est un cépage rond avec une belle matière, velouté, avec un nez bien fruité ! ».

  1. La cuvée Épouse-moi ! du domaine Le Pas de la Dame, Vin de France 100% Chardonnay, 10€.

«  C’est une superbe découverte. Pour moi c’est un Chablis à 10 balles ! On est sur la même palette aromatique qu’un Chablis mais beaucoup moins cher. C’est fou»

  1. Gewurztraminer 2016 du domaine de l’Envol, 13€.

« C’est un très joli Gewurztraminer pas trop sucré. Avec cette note de muguet que je trouve très délicate. »

La sélection de Benoit Locatelli de la cave Hardiesse (Nîmes)

  1. Bastingage 2017 du Clos de l’Élu, 100% Chenin, 20€.

«  C’est un putain de Chenin ! Un vrai vin de repas. C’est chaud, drainant. Classe »

  1. Bourgogne Aligoté du domaine Sylvain Pataille, 100% Aligoté, 15€.

«  C’est un superbe rapport qualité prix ».

  1. Renverse moi du Château Valflaunès, 100% Carignan, 9€.

« J’adore la démarche, c’est un vigneron en Pic Saint Loup qui aurait pu produire cette cuvée en AOP mais il aurait fallu produire un vin plus riche, « bodybuildé ». Il préfère écouter son terroir et produire un vin léger, friand. Je trouve la démarche courageuse et saine. »

  1. Ornicar 2019 du domaine Jean-Baptiste Sénat, appellation Minervois, assemblage de Grenache (80%), de Carignan (10%) et de Mourvèdre (10%), 18€.

« J’ai choisi Ornicar mais j’aurai pu mettre toute la gamme en 2019 tant le millésime est abouti. J’ai choisi Ornicar car c’est la saison de la truffe et c’est un accord magique avec ce vin. »

  1. Souvenir  2019 du domaine Si le Vin, IGP Colline rhodanienne, 100% Gamay, 11€.

« Un vin solaire, gourmande. Facile. »

  1. Picpoul de Pinet 2019 du domaine du Petit Roubié, 100% Picpoul, 11€.

« C’est un vin évidemment idéal avec les huitres. Il est iodé mais pas seulement. Il y a également un peu de matière, de gras. Ça fonctionne avec un repas complet de poisson. »

La sélection de Marie Marquis de La Part des Anges (Nîmes)

  1. Eolienne du Mas d’Espanet, assemblage de Picpoul, de Grenache et de Viognier, 13€.

« C’est un vin plein de fraicheur, le domaine est cultivé en biodynamie. »

  1. Soufre qui peut du Mas du Chêne, 100% Syrah, 13€.

«  C’est un vin sans soufre, à carafer une bonne demi-heure, mais c’est hyper gourmand, facile à boire ! »

  1. Marsanne 2019 du domaine du Petit Roubié, 100% Marsanne, 9€.

« Incroyable rapport qualité prix. Un blanc idéal pour l’apéritif. C’est fruité, c’est facile. »

  1. Astralab 2015 du domaine Le Chêne bleu, AOP Ventoux, assemblage Grenache et Syrah, 20€.

« C’est un vin aux tannins soyeux. Élégant plus que puissant. Vinifié par une femme ce qui ne gâche rien. »

  1. Lema 2017 du domaine de Roquemale, Grès de Montpellier, assemblage de Syrah, Grenache et Mourvèdre, 17€

« Des arômes de prunes, de pruneau. Un vin où apparaissent des arômes de vieillissement. Très atypique. »

Ramène ta Fraiz (et ton fromage)

Après une carrière d’acheteuse dans l’automobile en Isère, poussée par un fort désir d’indépendance, Céline Bros décide de retrouver son Sud natal et de créer son entreprise.

Sensibilisé au goût des bonnes choses depuis une enfance passée à la campagne, elle fait le constat que, mère de famille, elle se retrouve souvent tiraillée entre l’envie de manger sainement et la facilité des drives de la grande distribution. Elle tient là le concept de Ramène ta Faiz : un drive de produits de qualité issus des circuits court ! La plateforme en ligne réunit des producteurs engagés, « pas forcément du bio ou du local mais, souvent, cela va de pair » reconnaît la fondatrice.

Depuis, Céline court la France à la recherche de producteurs triés sur le volet, choisis pour leurs bonnes pratiques mais aussi et surtout le goût de leurs productions. C’est avec passion qu’elle me parle des huitres de Camargue ou des poulets élevés en plein air dans les Costières de Nîmes. Mais aujourd’hui notre discussion porte sur les fromages et des différents accords possible avec le vin.

Quels sont les critères selon toi pour un bon fromage ?

Je privilégie évidemment les fromages au lait cru et, lorsque c’est possible, les fromages fermiers, c’est-à-dire issus du lait d’un seul troupeau. Ce n’est pas toujours le cas car il faut 850 litres de lait pour réaliser une meule. Je fais alors appel à de toutes petites coopératives laitières comme c’est le cas de mon Beaufort ou de mon Comté.

Le deuxième critère indispensable, c’est le goût. Je cherche des fromages affinés avec des saveurs prononcées, des fromages de dégustation.

Quel est ton fromage préféré ?

Le fromage de tous les jours, c’est le Comté. Celui des jours de fêtes, c’est le Beaufort. Fabriqué dans les hautes montagnes de Savoie, il s’agit d’un fromage à pâte pressée cuite, au lait cru et entier qui provient de deux races bovines, les Tarines et les Abondances. Le goût du Beaufort change avec les saisons et l’alimentation des vaches. Le Beaufort fabriqué de novembre à mai, lorsque les vaches sont en vallée et nourries essentiellement de foin, est très doux. Durant la période estivale, lorsque les bêtes peuplent les alpages et mangent de l’herbe pâturée, son goût est plus fruité et plus prononcé.

J’aime beaucoup aussi le Reblochon qui est le fromage de la Savoie par excellence. Idéal en tartiflette, il se déguste également cru, simple question de goût. Celui vendu par Ramène ta Faiz est au lait cru et fermier.

Accord vin et Comté

Tout dépend l’affinage du Comté mais il faut un vin qui offre du volume en bouche. On peut naturellement proposer un accord de région avec un vin du Jura.

Un Comté affiné requiert un blanc avec de la texture et une belle persistance en bouche. Je pense aux Châteauneuf blancs et tout particulièrement la cuvée Le Traversier du Château Simian.

Accords vin et Beaufort

Fromage fruité et fin, il se marie bien avec un vin de Savoir bien sûr mais on peut tenter un accord plus original comme un Languedoc blancaromatique et ample, par exemple la cuvée Alvéoline du domaine Rouanet Moncélèbre.

Accords vin et Reblochon

Le Reblochon peut supporter un vin rouge mais, attention, peu tannique ! La cuvée Souvenirs à base de Gamay de Sylvain Badel pourrait se marier à merveille avec ce fromage ou encore la cuvée Irréductible rouge du Clos Roussely à base de Pineau d’Aunis.

Quel est le plateau de fromage idéal selon toi ?

C’est un plateau varié, où l’on retrouve des fromages avec des laits, des régions et des textures différents. Idéalement, il y a une progression dans la dégustation. Il faut commencer par des fromages crémeux, du Saint Marcelin ou du Saint Félicien par exemple. Ensuite une tomme de chèvre affinée ou pas, un brie de Meaux, éventuellement truffé mais seulement si c’est bien fait. Il faut aussi des pâtes cuites ou des pâtes pressées comme du Beaufort et du Comté et une pâte persillée, un bleu de Gex ou un Roquefort. L’avantage du Bleu de Gex c’est qu’il est parfumé mais ne pique pas.

Accord vin et Brie de Meaux

Avec un brie de Meaux, un champagne ou à défaut une méthode traditionnelle peut être un accord redoutable. La bulle permet de « dégraisser » la bouche et évite au palais de fatiguer tandis que les notes de levure du champagne accompagnent le brie avec beaucoup d’élégance. La cuvée Brut formula du domaine Rieflé pourrait sans doute soutenir un tel fromage.

Accord vin et bleu de Gex

Les accords les plus réussis avec les bleus sont sans conteste les vins liquoreux ou du moins les vins contenant de la sucrosité. Oscillant entre douceur et salinité, il faut des vins doucereux pour répondre à ces fromages.En outre, il existe un parallèle entre les moisissures de ces fromages obtenues grâce à l’humidité des caves et la pourriture dite « noble » qui se développe sur les raisins.

Avec un bleu de Gex, je suggère un Coteaux-du-Layon comme par exemple La cuvée Nouvelle confidence du Fief Noir.