Les farçous sont un plat typique aveyronnais, une pâte à crêpe auquel on ajoute des herbes et de la viande. Il en existe de nombreuses versions, vous pouvez les déguster en apéritif ou lors d’un repas accompagné d’une salade. J’ai choisi de vous donner la recette de ma mère car elle est twistée avec ses réflexes de cuisinière méditerranéenne. J’aime bien l’idée que les recettes évoluent. Et puis sans faire offense aux autres farçous ce sont les meilleurs que je n’ai jamais mangé.
Pour 8 farçous environ
Ingrédients:
Pour la pâte à crêpe:
250 grammes de farine
3 œufs
50 cl de lait
45 grammes de beurre
Pour la farce:
350 grammes de chair à saucisse
150 grammes d’emmental râpé et 45 grammes de parmesan (c’est au niveau du fromage que réside, l’originalité de la recette. Il n’y en a pas normalement mais il y en a dans presque toutes les recettes de ma famille maternelle)
Un oignon
Une gousse d’ail
5 feuilles de blettes
Une fine tranche de lard hachée
Réalisez une pâte à crêpe puis y ajouter la chair à saucisse, le lard et une cuillère à café de sel et de poivre. Puis l’emmental, le parmesan , l’oignon et l’ail émincés. Ajoutez ensuite les blettes (préalablement cuites au cuit-vapeur et émincées)
Mélangez bien le tout et laissez reposer au frais au minimum 2 heures
Faire des petits tas avec une cuillère et mettre à cuire dans une poêle bien chaude et huilée. Aplatir les petits tas et les cuire 4 minutes de chaque côté. Ajoutez un peu de fleur de sel et dégustez.
Accords mets et vins:
En rouge pourquoi ne pas opter pour un vin local comme la Mitat du domaine Le Verdus à Entraygues le Fel. Un vin rouge rond aux notes d’épices douces et de fruits frais. En blanc, il faudra un vin avec de la matière pour soutenir le gras des farçous mais avec suffisament de pep’s pour ne pas écraser le côté végétal de ce plat. La cuvée l’arbre blanc du domaine du petit roubié pourrait apporter suffisamment de chair et de gras, grâce à un assemblage de sauvignon, marsanne, viognier et un élevage bien maitrisé.
Ce que l’on considère comme nos préférences alimentaires est en fait le fruit de notre éducation, notre culture et notre environnement . Dans le vin comme ailleurs, il existe aussi des modes qui participent grandement à forger nos choix. Pour autant, de vrais différences de goûts persistent entre les êtres humains. Et c’est mieux ainsi. Depuis mon déménagement du Gard vers l’Aveyron j’ai été particulièrement surprise de constater que deux départements limitrophes, si proches, pouvaient présenter des profils de consommateurs si différents. C’est pourquoi ce mois-ci, j’ai mené l’enquête pour trouver des explications à ces spécificités gustatives. Alors qu’a Nîmes ou Avignon les vins blancs ne cessent de gagner du terrain, dans l’Aveyron, les vins rouges ont encore la part belle «Cela change, il y a dix ans on vendait, 80% de vins rouges et 20% de vins blancs, aujourd’hui, je dirais que la répartition est plutôt 65% de rouge et 35% de blancs » m’explique Didier Vieillescazes, caviste aux Saveurs des vignes à Bozouls. Si je compare avec mes ventes de vins dans le Gard c’est effectivement plus contrasté que pour Didier. A Nîmes, Uzès ou Avignon, même si les vins les plus demandés sont encore les vins du Languedoc et de la Vallée du Rhône, la demande s’oriente de plus en vers des vins plus légers, plus faciles à boire, pour l’apéritif ou pour l’été notamment. Les vins plus riches, plus tanniques sont de plus en plus réservés aux belles occasions et pour un accord mets et vins spécifique avec des plats mijotés ou des gibiers.
Certains esprits chagrins diront que c’est une mode. Les vins glouglous sont venus de Paris et ne sont pas encore arrivés en Aveyron, terre rurale et reculée. Effectivement, les vins rouges dits légers, fluides sont une tendance récente très connexe de la mode des vins dits natures. En effet, les vins sans ou avec très peu d’ intrants, sont pour la plupart des vins destinés à une consommation rapide. L’inverse donc des vins de garde structurés et tanniques. Pour autant cette explication me semble insuffisante et légèrement méprisante. Et puis n’oublions pas que les bistrotiers parisiens sont finalement pour beaucoup des Aveyronnais partis à la conquête de la capitale !
Pour Florian Falguières, caviste aux Vins Falguières, à Rodez, cela s’explique par le climat « Dans le Midi, les températures connaissent des augmentations spectaculaires, les gens ont donc envie de plus de vins rafraichissants ». Effectivement, le climat aveyronnais reste plus rude et lorsqu’il fait froid, on se tourne vers des vins plus chauds.
En effet les Aveyronnais(es) recherchent des vins plus riches, plus denses. J’ai été épaté de voir que lors de dégustations professionnelles, pour préparer les cartes d’été des restaurants, les clients préféraient tous des vins rouges avec de la concentration. Pire les vins plus frais, légers, ne sont pas seulement moins consommés mais carrément jugés moins bons. Pour Didier l’explication se situe aussi au niveau des habitudes alimentaires « Nous sommes un pays d’éleveurs, ici nous mangeons beaucoup de viande et pour l’accompagner ce sont des vins rouges puissants. Cela s’est ancré dans nos habitudes alimentaires et donc de consommation. »
Pour Léa Desportes formatrice de la très pointue Ecole des Sens https://lecoledessens.fr/ même son de cloche qui l’explique scientifiquement « Un des facteurs à l’origine du goût prononcé des Aveyronnais.e.s pour les vins rouges très tanniques est à chercher du côté de l’assiette. La cuisine riche de la région, particulièrement les plats de viande, fait bon ménage avec ce type de vin. En effet, les tannins sont des composés végétaux, aussi appelés polyphénols, qui ont la capacité de précipiter les protéines de la salive. Ce phénomène provoque en bouche une sensation de rugosité. Alternée avec l’ingestion d’un mets gras, cette astringence supprime l’impression de lubrification laissée par le gras dans la bouche, tel un « nettoyeur de palais .Il ne faut jamais oublier que le précieux nectar est fait pour être bu à table et les accords mets et vin participent à la construction du goût. » Cette dichotomie révèle un aspect particulièrement riche et intéressant de notre métier, il ne s’agit pas seulement de vendre du vin mais de vendre le bon vin à la bonne personne et au bon endroit.
J’ai découvert le domaine Pascal Lambert, au salon Biotop à Montpellier, il s’agit d’un salon off en marge du salon millésime bio. Plus petit et assez pointu, notamment avec beaucoup de domaines portant des vins dits natures. Malheureusement, ce jour là, j’ai goûté énormément de vins déviants mais au milieu de tout cela le domaine Pascal Lambert qui produit des vins de chinon purs, nets et construits. J’ai tout de suite eu envie de travailler avec le domaine.
Aujourd’hui je suis heureuse de vous en apprendre un peu plus sur ce domaine qui est devenu en une trentaine d’années seulement, une référence dans le monde de la biodynamie ligérienne.
Parti de rien, c’est en 1987 que Pascal Lambert s’installe au dessus du village de Cravant-les-Coteaux, avec sa femme, son chien et sa caravane. Il réussit à récupérer au départ 5 hectares et construit son chai. Les premières années sont difficiles, mais assez rapidement Pascal fait le choix de produire des vins pointus en travaillant sur des terroirs sélectionnés et des élevages aboutis capable de mettrent en avant les sélections parcellaires.
Pour cela, il n’hésite pas à aller chercher des terroirs qui l’intéresse. Il complète les sols de plaine alluvionnaires de Cravant-les-coteaux en faisant l’acquisition de nouvelles vignes à Chinon, des calcaires à silex ou encore des calcaires jaunes réputés pour être de grands terroirs. Parallèlement, il affine sa vision de la viticulture et souhaite rapidement, dès les années 90, se tourner vers une autre culture. Il commence, dès cette époque à supprimer les désherbants et les insecticides, c’est en 2005 qu’il est certifie en agriculture biologique et à la fin des années 2000 qu’il passe en biodynamie. A ce moment là, le domaine connaît une véritable croissance tant dans sa taille que dans sa notoriété. Il est aidé par les salons renaissance de Nicolas Joly et le Grenier Saint Jean qui s’opposent aux grands salons du vins de l’époque, et font de la Loire et de certains de ses vignerons une région pionnière dans la viticulture bio et biodynamique.
« Il faut dire que Pascal Lambert croit beaucoup au pouvoir du collectif, il s’engage et se syndicalise. Jusqu’à il y a peu, il était l’administrateur de la Levée de la Loire. Aujourd’hui nous avons créé une association avec d’autres domaines biodynamistes pour mettre en commun les préparations» m’explique Eric Taunay responsable commercial de l’exploitation depuis dix ans qui s’est fait une place au milieu de la famille Lambert. C’est assez rare un commercial qui reste aussi longtemps dans un domaine. Lorsque je l’interroge, Eric me répond avec franchise « Je m’y sens bien, je peux toucher à d’autres aspects que le commercial pur et ici il y a une philosophie très humaine. Nous avons par exemple un potager commun que nous partageons avec d’autres salariés. Pascal a un fort caractère mais c’est quelqu’un de curieux, ouvert. C’est plaisant. »
Petit à petit Pascal imprime sa forte personnalité dans ses vins . Il affine également les conditions d’élevage des vins. «Il y a 15 ans l’élevage c’était principalement du bois, aujourd’hui on trouve des amphores, des cuves ovoïdes, du grès qui permettent des échanges très intéressants entre le vin et l’air »
Aujourd’hui la gamme compte treize cuvées, sept terroirs différents et de nombreux contenants en bois en terre en ciment ou encore en inox. Cette gamme large permet de trouver des vins pour tous les goûts Un travail pointu tant dans les vignes que dans la cave qui se retrouve dans le verre avec de jolis vins désaltérants et gourmands aux notes de fruits rouges et salivants tel les Perruches et des vins beaucoup plus ambitieux comme la cuvée « Les Puys », sélection parcellaire issue d’un terroir de calcaire à craie jaune. très bel équilibre entre des fruits bien mûrs et une bouche veloutée avec néanmoins une pointe de tension.
Bonne nouvelle, Beatrice et Pascal Lambert ont un fils, Antoine, ancien boulanger qui a déjà intégré l’équipe et sera prêt le moment venu à prendre la relève. Ce qui laisse présager encore de beaux millésimes au domaine .
L’histoire de Céline Bros est particulièrement inspirante, elle dit beaucoup de choses sur l’entrepreneuriat. D’abord, que c’est en se trompant qu’ensuite on réussit. Très souvent le succès est une histoire de personne et de moment, et pas seulement d’abnégation et de travail. J’avais déjà écrit au sujet de Céline, il y a quelques temps lorsqu’elle avait créée Ramène ta fraiz. Je trouve très chouette de suivre les gens dans leurs évolutions professionnelles car aujourd’hui une carrière ce n’est plus une longue ligne droite mais des changements, des détours, la route est parfois sinueuse et c’est tant mieux.
Céline quitte son emploi dans l’automobile, et monte début 2020 Ramène ta Fraiz. C’est à ce moment là que je fais sa connaissance. Je trouvais le concept super et nous avions collaboré, nous sommes par la suite devenue amies. Elle proposait des produits de bonne qualité en circuit court uniquement, beaucoup de produits bios et de petits producteurs. Et même si elle arrive à ce moment là à aligner son travail à ses valeurs , elle parvient plus difficilement à en vivre. Céline travaille beaucoup, sillonne le Gard avec son petit camion, mais au bout d’un an, elle fait le constat que son entreprise est difficile à rentabiliser. « Je m’épuisais en voiture, j’avais du mal à développer une clientèle fidèle, j’étais complètement tributaire des approvisionnements des petits producteurs qui bien souvent préféraient vendre eux-même aux particuliers via leur réseau. Je perdais souvent le peu de marge qui me restait en essence. Parfois je livrais un client et je savais que je ne gagnerais rien. » Une nuit d’insomnie, Céline surfe sur les réseaux sociaux et découvre le concept de ferme florale. « Je vois la vidéo d’une jeune femme qui produit ses fleurs et les vends à Paris. Je cherche d’autres exemples de ce genre et en trouve un peu partout en France (Dans l’Aveyron il y a la ferme de Veillac qui propose le même concept), je découvre également le collectif de la fleur française, association qui milite pour soutenir le développement de la fleur française locale et de saison » (Aujourd’hui 80% des fleurs utilisées en France sont importées. Les modes de production des fleurs étrangères sont difficilement traçables, qu’il s’agisse des conditions de travail ou de l’emploi d’intrants qui abîment notre planète) . La graine est plantée dans la tête de Céline. « Je me suis dit qu’elles avaient crée le business model dont je rêvais. J’ai toujours été passionné de fleurs et j’ai toujours eu besoin d’avoir de la créativité dans ma vie, mais je voulais rester chef d’entreprise. » Et puis parallèlement Céline achète un terrain avec son compagnon et il se trouve un champs juste à côté, que le propriétaire l’autorise à exploiter. « Tout se mettait en place pour que j’essaye ». Ensuite, cela s’enchaîne assez vite. Les étoiles se sont alignées, au printemps 2021 elle stoppe son activité de commerce alimentaire, en juin 2021 elle récupère son terrain qu’elle fait labelliser bio immédiatement, et commence ses premières ventes à Noël avec des couronnes et des fleurs séchées.
L’activité se développe, Céline assure la décoration florale de différents mariages, mais ses revenus ne sont pas encore suffisants pour en vivre pleinement. Elle réfléchit à travailler en mi-temps à côté pour compléter, le temps que son activité se développe. « Je n’arrivais pas à m’installer sur un marché qui soit suffisamment passant, celui qui me faisait rêver c’était Uzés mais il y avait déjà une fleuriste, et en plus c’est une amie. » Finalement, cette amie décide d’arrêter et offre sa place à Céline. C’est une chance inespérée , le marché d’Uzès devient une véritable bulle d’oxygène pour la jeune agricultrice, financièrement bien sûr, mais humainement aussi « Les commentaires des clients me font beaucoup de bien. Récemment un client m’a dit : « je n’aime pas les fleurs d’habitude mais j’aime vos fleurs ! » Il faut dire que Céline a beaucoup de goût, ses fleurs sont autant un régal pour les yeux que pour le nez. Je dirais aussi que son enthousiasme est palpable et forcément les gens le sentent. Alors si vous voulez découvrir Céline et ses belles fleurs. Rendez-vous le mercredi matin sur la mythique place aux herbes à Uzès .
Je suis régulièrement sollicitée pour donner mes bons plans restaurants, alors si vous passez dans l’Aveyron voilà une adresse que je vous recommande vivement. C’est à mes yeux l’un des restaurants les plus raffiné de Rodez. Emilie et Edouard sont jeunes et pourtant il y a beaucoup de personnalité dans cet établissement. J’ai voulu en savoir plus sur leur rencontre et la génèse de Touósto
Au sein du restaurant, Emilie propose une cuisine raffinée qui fait la part belle aux légumes. C’est toujours épatant les chefs qui cuisinent les légumes. Cela me semble tellement plus difficile de sublimer une carotte qu’une truffe ou une gambas. Pourtant, intégrer une cuisine ne fut pas si simple pour cette jeune femme discrète et sensible qui cache une détermination à toute épreuve.
« J’aimais beaucoup le service et je me suis heurtée au sexisme inhérent au monde de la cuisine. Mon premier stage en cuisine, on ne voulait pas de moi. Ma mère a dû insister. » me raconte t-elle « Autre exemple : l’un de mes prof à l’école hôtelière, m’avait dit devant toute la classe : » Toi tu es sensible. Je vais te faire pleurer « . Percevoir la sensibilité comme une faiblesse et non comme une force, (surtout dans un métier créatif) me semble d’un autre temps… C’est d’ailleurs à l’école hôtelière qu’Émilie et Edouard se rencontrent . Elle intégrera un BTS, tandis qu’il suit de son côté un master. Finalement, en BTS un chef convaincu de ses compétences finit par donner sa chance à Emilie, et lui permet de s’épanouir dans une cuisine. Elle s’y sent à sa place. Tous les deux finissent par se retrouver en stage au Relais de la Poste à Neuvéglise dans le Cantal, elle a 19 ans et officie en cuisine, tandis qu’Edouard a lui 23 ans et gère la salle. C’est d’abord une alchimie professionnelle entre eux. Edouard, manager et fin gestionnaire dans l’âme, lui, a tout de suite déceler le potentiel d’Emilie. Il comprend vite de quoi elle est capable et n’aura de cesse de la pousser à se dépasser. Cette complémentarité, l’admiration mutuelle et le respect qu’il existe entre eux et à mes yeux le ciment du succès du restaurant.«Souvent , il existe une petite rivalité entre la salle et la cuisine qui se renvoient la balle en cas de problème. Nous, cela fonctionnait tellement bien qu’à partir de ce moment là, on s’est dit qu’un jour on monterai une affaire ensemble ». m’expliquent t-ils.
Le temps passe, ils font chacun leurs expériences dans différents établissements, ils restent en contact et petit à petit se rapprochent…Emilie intègre le café Bras où elle s’épanouit, tandis qu’Edouard travaille à la petite Auberge à Bezonnes. Puis arrive le confinement.
Alors qu’Emilie ramasse des cerises dans un arbre, elle fait une mauvaise chute qui l’immobilisera pendant sept mois. « C’était très difficile, je souffrais beaucoup et les progrès étaient très lents. Moralement c’est très dur ». Edouard a alors une idée lumineuse, pour sortir sa belle de son cafard, il décide de proposer des brunchs à emporter. Ils se mettent alors au travail dans la cuisine de leur appartement. « Au départ on faisait environ 25 brunchs et au bout de trois semaines on envoyait 50-60 brunchs par semaine. Cela m’a redonné confiance en moi. Les retours des clients m’ont fait chaud au cœur. Et je pouvais travailler à mon rythme. Cela m’a permis de remonter la pente. » A la fin du confinement , Émilie retourne travailler au Café Bras en mi-temps thérapeutique. «Je n’y retrouvais pas ma place. J’avais forcément moins de responsabilités et physiquement, de nouveau , je me sentais en souffrance et en échec ». Malgré la bienveillance de son responsable, Emilie perd son assurance fraîchement retrouvée. Pour Édouard s’en est trop .« Tout le travail qu’on avait réalisé avec les brunchs étaient en train de partir en fumée. L’idée d’ouvrir un établissent commence à se préciser dans ma tête. Les brunchs nous avait donné confiance, j’ai donc commencé à chercher un lieu . Ce local place du Bourg qui est aussi la place du marché m’a paru inespéré »
Fin septembre 2021 Émilie démissionne du café Bras et ils signent le bail en décembre 2021. Les travaux commencent, et le restaurant ouvre le 6 avril 2022.
Une formule originale , ouvert du jeudi midi au dimanche midi le restaurant propose un menu unique le midi qui évolue au grès des saison et du marché où, Emilie déniche parfois des légumes anciens, oubliés, (comme ces délicieux scorsonères (genre de salsifis) que j’ai dégusté lors de ma dernière visite) En soirée ce sont des tapas soignés et délicats . Le tout accompagné d’une carte des vins particulièrement originale et personnelle. Tant dans la présentation que dans le choix des vins. Pour Edouard, le vin est une affaire sérieuse « Je mets un point d’honneur à me rendre dans les vignobles et à rencontrer des vignerons. Je travaille aussi avec des cavistes locaux et des fournisseurs plus atypiques pour avoir une carte surprenante et des vins que l’on ne trouve pas partout. » Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, le dimanche c’est un délicieux brunch qui est servi au comptoir et à l’assiette. D’ailleurs pour ce qui n’aurait pas compris Touósto cela veut dire tartine en occitan.
J’ai rencontré Eudes Gerardin par l’intermédiaire de Benoît Locatelli, il y a plus d’un an. A ce moment là je n’envisageais pas d’intégrer une nouveauté à la sélection. Et même s’il est toujours plus facile de travailler avec des gens dont l’envie est réciproque, c’est surtout son enthousiasme et sa foi en son jeune domaine qui ont achevé de me convaincre de donner une chance a ce vignoble. J’ai bien fait ,car non seulement les vins sont bons et prometteurs, mais c’est une histoire de rencontres, d’amitiés et de solidarité vigneronne comme je les aime.
Coste Moure est un domaine de 4,5 hectares et demi situé à Gajan entre Nîmes, Uzès et Quissac. C’est un plateau calcaire perché sur le Mont Duplan. C’est un jeune domaine crée en 2018. Par Eudes Gerardin, Romain Tissier et Mickaël Fabre.
Lorsqu’Eudes Gerardin s’installe dans le Gard c’est pour travailler en tant que chef de culture au Château Nages propriété de Michel Gassier. (Grand domaine, c’est l’un des fleurons de l’appellation Costières de Nîmes.) Il s’installe alors à Gajan avec sa famille. Il y découvre le Mont du Camp « J’ai tout de suite eu un véritable coup de cœur pour ce lieu. C’est une colline arborée de garrigues, de pins…Avec une belle végétation luxuriante. C’est un terroir profond et calcaire qui offre la possibilité de produire des vins du Sud avec de la fraîcheur. L’endroit est exposé Est et Nord, balayé par le Mistral et entouré de Garrigues. Ce qui nous protège assez judicieusement des parasites et donc des maladies » M’explique Eudes. Il sympathise donc avec les gens du coin et fait la connaissance de Renaud André, retraité, qui exploite des vignes en tant que coopérateur, mais en vinifie une petite partie lui-même au domaine de la Barque.. « Là encore je suis impressionné par la qualité des vins qu’il produit de manière somme toute artisanale » En 2018 Renaud André souhaite lever le pied et décide de libérer, une partie des vignes, du fermage qu’il exerçait.
Le propriétaire Romain Tissier n’est pas viticulteur mais originaire du lieu et amoureux du coin lui aussi. Il souhaite valoriser ces vignes et en faire quelque chose. Il en parle alors à Mickaël Fabre viticulteur qui propose à Eudes de participer à l’aventure et de créer ensemble un domaine viticole. (Aujourd’hui ils ne sont plus que deux, puisque Mickaël Fabre a décidé de quitter l’aventure)
« J’ai tout de suite été emballé par le projet, c’était l’opportunité que j’attendais pour me réaliser, mais j’avais besoin d’en parler avec Michel Gassier. » Celui-ci a réagi avec beaucoup d’intelligence et d’élégance « Il a tout de suite compris que j’étais un gars de la terre et que j’avais un désir profond de faire mon propre vin. Il s’est comporté en ami, il m’a proposé de prendre part à cette aventure en parallèle de mon travail au domaine, et nous apporte aujourd’hui un précieux soutien logistique puisque nous vinifions et stockons les vins au Château de Nages. »
Côté vins, la gamme compte aujourd’hui trois vins, un de chaque couleur. Tous en Vin de France » Au départ, mes associés étaient réticents à sortir du systeme rassurant des appellations, mais pour moi c’était l’opportunité de jouer la carte de la créativité et de la liberté. »
Le blanc 100% Macabeu millésime 2020 est une réussite avec une belle matière, de la chaire, mais une finale salivante et de beaux amers. Le rosé est un rosé très fin, délicat et juteux aux notes de rose, de pêche et de cédrat. Enfin le rouge est un assemblage de syrah grenache qui démontre le potentiel du domaine Coste Moure a produire des vins frais et élégants. Loin des vins méditerranéens parfois très (trop?) solaires.
Et pour avoir eu la chance de goûter les millésimes précédents il ne fait aucun doute que le style va continuer à s’affirmer. C’est aussi la volonté du vigneron « Nous avons planté de nouveaux cépages et l’objectif des années à venir est aussi de réfléchir à la préservation de nos ressources en eau. Nous travaillons sur des solutions comme le couvert végétal et des panneaux foliaires ouverts. Nous sommes également intéressés par la polyculture et nous avons engagé la plantation de chênes truffiers«
Ce mois-ci c’est Amélie Bonnard, qui répond à mes questions. Amélie et Vincent Bonnard(son frère) ont repris le domaine familial, le Mas Baudin situé dans la partie gardoise de la Vallée du Rhône. Amélie est une fille épatante . Mélange de grande intelligence et d’humilité. Elle a démarré son premier potager à 9 ans, elle est capable de réparer un tracteur, coudre un déguisement à ses enfants, leur fabriquer un cheval à bascule bref elle sait TOUT faire mais surtout …Produire de bons vins! Nous avons démarré notre collaboration en plein covid et je suis très heureuse du succès des vins dans la sélection. C’est aujourd’hui l’occasion pour vous d’en apprendre un peu plus sur cette fille qui, ce qui ne gâche rien, est en plus très sympa.
1) Ton premier souvenir lié au vin ?
Le foulage à la main à la parcelle lors de nos vendanges à la main
2) Ta plus grande émotion vin ?
Un Plan de Dieu extraordinaire, un coup de foudre
3) Un millésime marquant ?
2014 . La récolte était trop mauvaise nous n’avons pas pu faire de vin.
4) Ta (tes) région (s) de prédilection ?
Loire et Bourgogne
5) Ton cépage préféré ?
La Syrah
6) Que trouve-t-on dans ta cave ?
Je ne garde rien, je découvre, je partage
7) Une bouteille pour un repas en amoureux ?
C’est fini ça…Mais au cas où, un Saint Véran…
8) Un bouteille à ouvrir entre amis ?
Le Sauvignon Friandise de Thibault Kerhoas. (Domaine Deacroix Kerhoas)
9) Une bouteille pour un repas d’été?
Arlezzo rosé bien sûr!
10) Un vigneron encore peu connu que tu recommandes ?
Cela fait déjà plusieurs années que c’est le cas et même si les deux boissons sont au coude à coude. L’écart est beaucoup plus important chez les jeunes. Le développement phénoménal des brasseries en France peut expliquer en partie cette progression, peut être également aussi la montée des températures. Quoi qu’il en soit séduire les jeunes reste le défi de demain pour l’industrie viticole.
2) 93% des français déclarent consommer du blanc contre alors que seulement 88% déclarent consommer du vin rouge.
Je ne suis pas du tout surprise par ce changement de paradigme. Les habitudes de consommation ont évolué et le fait de manger moins de viande rouge laisse la part belle aux accords avec les vins blancs. Dans la sélection Vins d’Avenir il y a presque autant de vins blancs que de vins rouge.
3) Le premier critère d’achat reste le prix
Ce n’est pas une surprise, plus que jamais la question du prix est primordiale, devant la région.
4) Les français déclarent que leur région préférée est le Bordelais
Je dois avouer que cette réponse m’a beaucoup surprise car cela ne se reflète pas dans mes ventes, ni celles de mes clients. J’ai donc passé un coup de téléphone à l’agence Sowine qui m’a confirmé qu’il y avait peut être un biais cognitif mais que c’était la réponse qui revenait depuis plusieurs années malgré le « bordeaux bashing ». On peut donc supposer que Bordeaux malgré tout reste aux yeux des français une belle région viticole.
5) Plus d’un acheteur sur deux prend le temps de vérifier si la bouteille bénéficie d’un label environnemental
C’est à mon sens une excellente nouvelle , cela veut dire que les gens sont sensibilisés. Ce chiffre grimpe à près de 70% des acheteurs lorsqu’il s’agit des 18-25 ans. Là encore on ne peut que se réjouir que les jeunes soient aussi sensibilisés à l’environnement
Nicolas Chevrier a ouvert le raisin Social Club, rue bonfa à quelques encablures du centre ville de Nîmes. Cette cave est un endroit chaleureux où Nicolas organise de nombreuses dégustations. On peut y croiser des vignerons tout aussi sympathiques et engagés que le propriétaire des lieux. Sur les étagères , joyeux mélange de jolis canons de jeunes vignerons et de belles références plus implantées . Nicolas n’en ai pas a son coup d’essai , il avait crée la Mère Minard avec Illan Hubner il y a quelques années, et c’est aujourd’hui en solo qu’il trace sa route. Tant mieux pour nous, cela double l’offre de bons vins dans le Gard.
Nicolas Chevrier a axé son offre avec un large choix de vins natures et biodynamiques et sans être un ayatollah de la question, Nicolas prône une viticulture plus saine et des vins moins classiques. « J’ai commencé à boire des vins natures pour des questions éthiques et j’y suis resté par goût, j’ai bu des vins différents moins standardisés que d’habitude. Par ailleurs, ces gens sont très souvent humainement accessibles et engagés. Cela compte beaucoup pour moi. C’est l’amitié et l’affection que je porte à Thierry Forestier vigneron du domaine Les monts de Marie (installé à Souvignargues au pied des Cévennes) qui m’a permis de mettre un pied dans cet univers il y a plus de 18 ans. »
Et lorsque nous débattons avec Nicolas de la qualité des vins natures (très inégales en fonction du domaine selon moi) je repars avec une bouteille des Monts de Marie offerte par Nicolas pour me faire une idée. Voilà donc ce qui vous attend si vous passez la porte du raisin social club. Engagement passion et générosité. C’est avec le même enthousiasme que Nicolas a accepté de se prêter au portrait chinois
Un vin rouge : Frisson des cîmes de chez Curtet
Un vin blanc : Coccinelle de chez Rols
Un Pet Nat : Bulle Nature de chez Vaillant
Un accord met vin : Des rognons de veau grillés avec Oréa de chez Inébriati
Vin d’un autre pays ; le Rkatsitelli de Chona’s Marani
Un spiritueux : Jeune et Vrillé de chez Quentin le Cleac’h
Il y a quelques années, lors d’un dîner avec des amis vignerons je leur ai demandé jusqu’à combien ils seraient prêt à payer pour une bouteille de vin. Je fus surprise de constater que le prix le plus élevé étaient 45-50€. J’imaginais plus. Je dois dire que cette discussion m’a énormément marqué.
Cette anecdote illustre à elle seule combien le prix du vin est un sujet vaste et polémique, que je ne saurai aborder dans son entièreté en quelques lignes. Pour autant, il me semble avoir semé au fil des ces newsletter les graines qui vous permettront d’être mieux armés pour comprendre le prix juste. Cet article se veut être un pense bête pour vous permettre au moment de l’acte d’achat de vous poser les bonnes questions.
Il existe de nombreux facteurs qui influent sur le prix du vin. En voici donc quelques uns :
L’environnement dans lequel évolue le vigneron est un premier élément. La taille du vignoble qui permet de faire des économies d’échelles, son accessibilité ( mécanisable ou non). On comprend aisément que des vins des coteaux escarpés de l’appellation Saint Joseph soit plus difficile à travailler que des vignes en plaines du sud de la Vallée du Rhône. Le prix du foncier a une incidence notoire sur l’appellation, et si la zone géographique est très limitée elle peut faire l’objet d’une forte spéculation. C’est ce qui se passe en Bourgogne.
Les pratiques culturales vont avoir un impact direct sur le prix du vin. Le choix des cépages (productif ou non) tardif ou non, fragile ou non, riche en jus etc. Le type de taille, la taille en gobelet par exemple n’est pas mécanisable et demande un travail humain important. Le degrés de mécanisation du vignoble, pour les traitement mais aussi pour les vendanges. La main d’œuvre humaine plus précise coûtent plus cher. Pratiquer une agriculture biologique ou biodynamique coûte en moyenne 30% de plus au vigneron qu’une agriculture conventionnelle. Cela impacte forcément le prix final du vin.
L’effet millésime et avec lui les rendements produits. Une année où il a gelé comme en 2021 a vu les prix beaucoup augmenter. Les vignerons pour rentrer dans leurs frais ont dû augmenter le prix de leur bouteilles . Pour certains c’est une question de survie pour d’autres un effet d’aubaine.
En cave aussi les choix du vignerons ont une incidence sur le prix. Par exemple, plus le vigneron a de cuves plus il pourra proposer une lecture fine de son terroir et des ses parcelles mais plus c’est coûteux en investissement. Les contenants et la durée de l’élevage auront également une incidence sur le prix du vin. Un fût de chêne neuf coûte cher et doit être renouvelé régulièrement. En outre un vin qui est mis sur le marché six mois après les vendanges coûte moins cher qu’un vin que l’on élève 18 mois en cave.
Les matières sèches choisies: le verre, le bouchon, le papier, le carton peuvent varier considérablement en fonction du rendu choisi. C’est d’ailleurs souvent un indicateur. Bouchon en liège et carton plat souvent réservés à des vins plutôt haut de gamme.
Enfin, les canaux de distribution choisis ont également leur importance. Dans notre jargon il y a le réseau traditionnel (caviste, restaurant, agent, et vignerons) et le réseau GMS grande et moyenne surface ( les supermarchés). Il faut du vin pour tous bien sûr, mais l’immense majorité des vins vendus en supermarché sont des vins vendus à bas prix produits par de très grosses entreprises (négociants ou caves coopératives essentiellement). Le supermarché pratique des plus faibles marges et misent sur les volumes pour gagner sa vie. A l’inverse, le réseau traditionnel fait travailler l’économie d’une filière avec beaucoup de petits acteurs indépendants, cavistes, restaurateurs, agents, grossiste pour qui le prix n’est pas le seul critère.
On dit souvent qu’on vote avec sa carte bancaire. Alors votez bien!