2023 Un millésime prometteur et encore incertain

crédit photo Domaine le roc

Chaque année les vendanges sont un moment déterminant pour le vigneron. C’est à la fois un rendez-vous régulier mais aussi un moment qu’ils ne peuvent pas se permettre de rater. Le fruit d’une année de labeur.  » Des vendanges ont en fait 40  dans une vie, c’est beaucoup et peu à la fois. » m’a un jour dit un vigneron.

C’est une période très intense. Avant de commencer,  il s’agit de savoir quand récolter. Ni trop tôt. Ni trop tard.

Pendant, il faut être méthodique et tenir compte des contraintes techniques et météorologiques qui peuvent compliquer l’affaire jusqu’au bout.

Après, il faut veiller à ce que le travail en cave se passe judicieusement vienne compléter, et mettre en relief habilement le millésime de l’année.

Car l’enjeu d’un vigneron est de refléter le millésime, tout en restant fidèle au style de la maison. C’est un exercice délicat.

Voici donc un panorama des premières réactions des vigneron-nes au quatre coins de France.

Pour Audrey Rouanet ces vendanges ont une saveur particulière. En effet, elle a décidé de voler de ses propres ailes, et de s’affranchir du giron familial « Ce sont des vendanges transitoires pour moi. J’ai seulement des petites parcelles à vinifier, je n’ai pas commencé car ce ne sont que des cépages tardifs (cinsault, syrah, carignan). Pendant ce temps j’aménage mon nouveau chai. Mais cette année, a été un beau millésime chez nous, bien que particulier. Nous avons eu des épisodes de pluies et de belles journées. »

Dans la Loire, en Anjou, au domaine du Fief Noir, les pluies des mois de mai et juin ont demandé beaucoup de vigilance face aux maladies, notamment le mildiou, un champignon qui apparait avec l’humidité, qui attaque d’abord les feuilles puis les baies , dessèche la vigne et se propage. « Mais finalement le climat tempéré que nous avons eu a permis une vigne équilibrée avec de belles quantités cette année. Nous sommes satisfaits et nous attaquerons les vendanges vraisemblablement semaine prochaine » M’explique Alexis Soulas.

A Bordeaux en revanche, 2023 signe le retour du mildiou . Pour Véronique Barthe au Château d’Arcole, les conditions météos ont été rudes. « En plus d’un climat naturellement océanique, nous avons eu beaucoup d’orages. Cela crée des situations très disparates en fonction des parcelles touchées ou pas. Pour les cépages très sensibles au mildiou, notamment le merlot, cela pose de gros problème de rendements. Bien inférieur à la moyenne. » En revanche en blanc cela s’annonce très très joli. Elle poursuit philosophe: » Après, quand on travaille en bio ou en biodynamie on sait bien que lorsqu’il y a des millésimes moins cléments c’est plus difficile (pas de correction par la chimie possible) . C’est le jeu et c’est aussi ce qui justifie le fait que le bio soit un peu plus cher. On peut avoir de lourdes pertes.

Quant à la Bourgogne, cette année pas de grêle, d’humidité ni de sécheresse excessive. Au domaine Chapelle on se réjouit: « Le millésime s’annonce beau tant en qualité qu’en quantité, nous commencerons mercredi prochain les vendanges. En espérant qu’il ne pleuve pas pendant  » On devrait cette fois avoir un peu de vin à vendre!

L’année dernière la sécheresse avait posé problème a de nombreux vignerons « Cette année nous n’en n’avons pas trop souffert, nous avons bien travaillé les sols pour capter un maximum d’eau m’explique « Amélie du Mas Baudin, où les vendanges ont débuté avec les blancs et où là aussi malgré quelques problèmes mécaniques la qualité semble être au rendez-vous.

Un plus loin dans la Vallée du Rhône à Chateauneuf, le discours n’est pas tout à fait le même. « Nous n’irriguons pas et la vigne avait soif. Les pluies de ces derniers jours ont fait du bien mais perturbent les maturités, nous venons de faire une étude de grain. On aime récolter quand c’est bien mûr alors on est encore dans l’expectative quand au départ des vendanges. » M’explique Caroline du Domaine de la Jaufrette.

On croise donc les doigts pour que les vendanges se déroulent sans accroc . La suite à venir avec le travail en cave.

Dix pépites à moins de 15 euros

La cuvée Chardonnay , domaine Coursac 11€ ttc

Un chardonnay, rond et floral mais aussi bien juteux. C’est une cuvée nature vinifiée sans sulfite

Où le trouver ?
À la guinguette Alegria bien sûr!  Présente encore jusqu’au 12 août sur les berges du Lac du Val de Lenne à Baraqueville vous y trouverez une jolie sélection de vins d’Avenir.

L’Éveil du Loup rosé , domaine Coste Moure 9,50€ ttc        

C’est le rosé  inattendu de l’été. Un rosé très clair d’une grande délicatesse. Conçu un peu comme un vin blanc, ce vin à suffisamment d’élégance pour accompagner vos repas d’été.

Où le trouver? Au Cap Mas à la Capelle Masmolène tenu par Fanny et Joris cet endroit perché dans les collines est un havre de paix où vous pourrez boire une belle sélection de vins réalisée par Fanny accompagné de délicieux plats concoctés par Joris.

La vigne d’Albert, domaine Albert De conti 11€ ttc

Incontournable de la sélection, la vigne d’Albert est un vin juteux et gourmand, cuvée parcellaire issue de vieux cépages autochtones. C’est une cuvée à boire sans modération avec toutes les grillades de l’été car là aussi c’est un vin sans soufre.

Où le trouver? Dans la superbe cave nîmoise raisin social club tenue par Nicolas Chevrier. Véritable caverne d’Ali baba vous y trouverez une très belle sélection de vins natures et de bières.

Se canta blanc , domaine Rouanet Montcelebre 8,50€ ttc

100% colombard, cette cuvée est une véritable gourmandise acidulée, exubérante et très aromatique elle ravira tous vos moments d’apéritif.

Où la trouver?
Au Marions- Nous,  le merveilleux bar à Tapas de la place des carmes à Avignon tenu par la pétillante Marion qui propose de jolis flacons et une carte des tapas aux petits oignons.

Calcaire nord orange, domaine Monplezy 11,50 € ttc

Un vin orange délicat 100% vermentino à boire avec une jolie salade composée.

Où le trouver? A La Mère Minard à Saint Quentin la Poterie, en plus d’être un très joli village vous y trouverez cette cave sur la place du marché où Ilan, le maître des lieux partagera avec vous ses coups de cœur. Si vous cherchez des “étiquettes” passez votre chemin, des vins de producteurs uniquement dans cet établissement.

L’échappée, domaine du Fief noir

Cuvée 100% chenin assemblage de différentes parcelles, ce vin est un bel équilibre entre un nez fruité et une bouche tendue. Un vin précis et racé.

Où le trouver? A déguster dans le très bel établissement ruthénois de Luc Pourrat et Chloé Tatin, La Maison où dans une maison des années 30 vous pourrez l’accompagner de délicieuses” tapassiettes” dans un cadre chaleureux et raffiné.

Le Côte du Rhône, Domaine Delacroix Kerhoas 10€ttc

Là aussi une valeur sûre de la sélection qui se veut cette année gouleyant à souhait avec des tanins d’une grande finesse. 

Où le trouver? Vous le trouverez au Pesquié la guinguette associative de Castanet dans l’Aveyron, où il s’accordera parfaitement avec des tripoux aveyronnais.

Dans tes rêves, Pas de la Dame 12€ ttc

C’est le Malepère du Pas de la Dame qui a changé de nom et nous fait rêver un peu plus. Fidèle à la tradition de la région ce vin est un assemblage de cabernet franc et de merlot avec une large palette aromatique de cerise, cassis, poivre et des tanins fins.

Où le trouver? Aux saveurs des vignes , la cave d’Yves Puech à Bozouls, tenue par Didier Vieillescazes qui travaille à l’instinct et déniche des petites cuvées à tous les prix et de tous les styles.

Arleso Blanc, Mas Baudin 8,5€ ttc

Grand classique de l’été, arleso blanc me surprend toujours par l’équilibre entre un nez complexe et aromatique et une bouche fraiche où se déploie tension et salinité.

 Où le trouver? A Uzès au Pot de vin, très jolie cave cachée derrière un magasin de poterie du même nom.
Vous découvrirez  les Pots d’Uzès et si vous poussez un peu plus loin derrière un joli patio se cache une cave magique en sous sol où vous serez conseillé par Jean-Pierre qui vous proposera une sélection où se mêle références pointues et petits producteurs.

Les caves coopératives n’ont plus d’âme

Lorsque j’ai créé Vins d’Avenir, j’ai fait le choix de n’y inclure que des vignerons indépendants, pas de négociants et pas de caves coopératives. Le concept de caves coopératives était à l’origine un projet noble. Mutualiser les moyens pour être plus fort. Aujourd’hui, il me semble que beaucoup de caves se sont bien éloignées de ce prérequis initial. Il existe quelques exceptions mais l’immense majorité des caves coopératives sont devenues des rouleaux compresseurs standardisés, qui cassent les prix en dévorant une grande partie des subventions européennes. L’inverse d’un vin d’avenir selon moi.

Voici donc un réquisitoire totalement partial mais fondé contre les caves coopératives.

Les caves coopératives n’ont plus d’âmes.

Les caves coopératives, n’expriment ni les convictions d’un vigneron, ni l’essence d’un terroir. Elles produisent des vins qui sont le fruit d’un compromis entre différents viticulteurs pour produire une gamme qui soit cohérente commercialement, et standardisée gustativement. On peut ainsi reproduire chaque année le même goût, mais il n’exprime ni le climat du millésime, ni la personnalité du vigneron. Comme du Coca-cola en somme. Un produit industrialisé.

Quand je choisis un vigneron, ce sont ses décisions viticoles que j’épouse, son parcours. Je cherche à mettre en avant des vins qui expriment quelque chose. Un engagement dans les choix culturaux ou de vinification.

La sélection comporte des vins très différents les uns des autres, mais lorsque le domaine de la Jaufrette ou le Prieuré la Chaume choisissent de proposer des vins de garde ou de “mémoire” comme les nomment si joliment Christian Chabirand, c’est la réflexion du vigneron sur nos modes de consommation actuelles que nous questionnons ensemble face à la clientèle. Quand le domaine Delacroix Kerhoas propose des vins riches mais sans élevage en barrique c’est aussi un choix fort à rebours de ce que l’on peut demander sur des vins de l’appellation Côtes du Rhône. On peut évidemment ne pas tout aimer mais ce sont des choix qui racontent autant d’histoires que compte la sélection de vins.

Les caves coopératives creusent les inégalités

Les vignerons coopérateurs sont tous logés à la même enseigne. Certaines caves ont tenté de valoriser le travail des vignerons par l’identification de parcelles dites plus qualitatives mais soyons clairs l’immense majorité des caves rétribuent leur coopérateurs au poids ou au degré d’alcool.
Les soins apportés dans les vignes ne sont que peu valorisés.

Je me suis souvent demandée comment les caves coopératives avec les prix pratiqués parvenaient à avoir un matériel souvent flambant neuf et des commerciaux plutôt très bien rémunérés.

Les caves coopératives sont en grande partie financées par les aides et notamment les aides de la PAC (politique agricole commune).
La France est le premier bénéficiaire de la PAC ! Oui mais voilà le système de financement de la PAC repose sur deux piliers. Le premier (et le plus rémunérateur) rétribue les exploitations en fonction de leurs superficies. Résultat : les grandes coopératives qui cumulent un grand nombre d’hectares sont biberonnées aux aides européennes alors que les petites exploitations indépendantes en voient très peu la couleur.

Les caves coopératives ne sont pas rentables et cassent les prix.

Cela m’amène au premier problème à mon sens de ces établissements. Une grande partie des caves coopératives une fois toutes les aides soustraites ne sont pas rentables en réalité, sauf qu’elles inondent le marché de vins à très bas prix, prix qui ne reflète pas le coût réel de production d’une bouteille de vin. Alors qu’en face des vignerons beaucoup moins aidés doivent soutenir une offre à des tarifs légèrement plus élevés mais plus réalistes. Voilà pourquoi j’ai choisi de ne pas inclure dans mon offre les vins issus de caves coopératives qui à mon sens truquent le jeu de l’offre et la demande.

Les caves coopératives à la traîne sur les enjeux environnementaux.

Là encore , je ne souhaite pas avoir un point de vue manichéen, certaines caves coopératives développent des cuvées bios bien sûr, mais quel est l’engagement environnemental qui est pris quand seule une ou deux cuvées sont proposées en version bio alors que le reste de la gamme est conventionnelle? Les caves coopératives sont très friandes de labels et médailles à valoriser notamment en grande surface (principal débouché de vente) mais très souvent elles se tournent vers le label HVE (haute valeur environnemental) un label” fourre-tout” poussé par l’UE et nettement moins exigeant que le label bio. Cela crée de la confusion pour le consommateur et n’implique que très peu de changement dans les vignes.

Là aussi avec un vigneron indépendant, il est beaucoup plus facile d’y voir plus clair. En effet, lorsqu’un producteur intègre la sélection ce n’est pas seulement son adhésion au cahier des charges bio qui m’intéresse mais comment il s’inscrit dans une démarche plus globale.

Au Château d’Arcole à Saint Emilion ce n’est pas seulement l’adhésion à la biodynamie mais aussi un carton sans colle ou des bouteilles allégées. Au domaine Wilfried à Rasteau au cœur de la Vallée du Rhône méridionale, c’est aussi l’utilisation des ressources en eau qui est questionnée.

Vous l’aurez compris, choisir uniquement des vignerons indépendants me permet de défendre, des convictions, le travail d’êtres humains, des valeurs familiales parfois ancrées sur plusieurs générations et j’assume parfaitement que souvent à la fin le vin coûte quelques euros supplémentaires. Le jeu en vaut la chandelle.

Au domaine de Coursac: audace et transmission

Le domaine de Coursac est situé à Carnas au cœur des Cévennes entre l’Hérault et le Gard. C’est David Codomié actuellement associé à son fils Morgan Codomié qui a crée de toute pièce le domaine. David est petit fils de vigneron mais son père n’avait pas souhaité reprendre et le domaine avait été vendu.

L’exploitation compte aujourd’hui 34 hectares de vignes réparties sur deux terroirs bien différents. Un sol de gravettes, des petits cailloux très drainants et un terroir plus argilo calcaire. La particularité du terroir de Carnas est sa fraicheur « Probablement car nous sommes situés entre deux collines ce qui fait un courant d’air frais. C’est un inconvénient lorsqu’il gèle mais à l’heure du réchauffement climatique c’est plutôt un avantage qui nous permet de faire des vins équilibrés. »Comme ce viognier gastronomique prévu pour la fin d’année.

Alors qu’il poursuit une autre activité professionnelle, David a l’opportunité d’acheter en 1998 ses premières vignes à Carnas. Deux hectares à proximité de son domicile. Puis dans les années 2000 une grave crise viticole touche la région et David, petit à petit, rachète des terres viticoles aux alentours. Il continue par ailleurs son activité professionnelle et n’exploite pas le raisin lui même mais via la cave coopérative de Corcone.
C’est seulement en 2008 qu’il décide de se consacrer tout entier au métier de viticulteur mais à cette époque la cave coopérative de Carnas fusionne avec la cave de Corconne. « Cela ne s’est pas bien passé, ça a duré plusieurs années puis en 2013 cela s’est soldé par un divorce, la cave a été dissoute. D’autres sont partis dans d’autres caves coopératives mais moi après un divorce. Je ne me remarie pas. J’ai décidé de monter une exploitation indépendante ».
Le domaine est engagé dans une viticulture biodynamique, lorsque je l’interroge sur les raisons de ce choix David m’explique : « J’ai pris en 2004 un congés formation pour mieux me former au vin. J’ai fait une formation d’un an à Bagnols-sur-Cèze, et mon professeur était une biodynamiste. Elle m’a convaincue.  J’aime beaucoup la philosophie biodynamique qui n’est pas une course aux rendements. Cette année par exemple nous faisons face à cause de l’humidité du printemps à de fortes attaques de mildiou. Bien sûr il y aura des pertes, il faut savoir prendre ce que la vigne nous donne. Je remarque par ailleurs , que ma vigne parvient quand même à mieux s’auto-défendre que certains voisins en agriculture conventionnelle. »

Pour David la biodynamie s’exprime aussi dans le verre « Je constate une pureté de fruit assez magique, le vin n’est pas maquillé. J’ai également pu observer combien la mise en bouteille lors des jours fruits (certains jours dans le calendrier biodynamiste sont qualifiés de jours fruits. ) était primordiale et impactante sur la qualité du vin»

Pour autant David se refuse a écarter la modernité. « Pour moi la biodynamie doit se conjuguer avec une utilisation astucieuse des progrès de la technologie. Je regrette que pour certains, la biodynamie soit une sorte de retour en arrière. J’ai misé sur un chai où se conjugue différents contenants et je n’hésite pas à expérimenter de nouvelles techniques .Je ne prétends pas avoir les réponses mais plus j’avance dans les connaissances techniques que je peux avoir plus je me pose des questions »

Curieux et audacieux, David n’hésite pourtant pas à prendre des décisions fortes pour appliquer les principes auxquels il croit. «  J’ai beaucoup travaillé ma réflexion autour des levures indigènes par exemple. Pendant les vendanges quelqu’un est dédié exclusivement à la réalisation des pieds de cuve. Et les années passants , j’identifie de plus en plus finement les parcelles qui auront les levures les plus fermentaires. «  Son engagement n’est pas seulement environnemental mais aussi sociétal. «  Les saisonniers qui travaillent dans mes vignes sont les mêmes chaque année. Je les paye correctement et je fais en sorte qu’ils s’épanouissent dans leurs missions »

David met également un point d’honneur à produire des vins à des tarifs accessibles. «  Le vin c’est le partage il faut qu’il y en ai pour tous » Résultat une gamme avec des vins au rapport qualité/prix particulièrement avantageux (entre 8€ et 10€ ttc pour des vins en biodynamie et dont certains sont produits sans soufre)

Lorsque je l’interroge sur ces projets à venir, la suite à un nom : Morgan, son fils. David évoque avec moi le bonheur qu’il prend a travailler avec lui. Et à travers ses mots c’est la fierté du père qui perce et me touche. « Il est encore très jeune (Morgan a 21 ans) mais on prend toutes les décisions ensemble. Je ne néglige pas sa parole car pour moi il est l’avenir. Il a embrassé les aspects techniques de ce métier de façon assez pointue. Il ne lui reste plus qu’à développer la partie commerciale. »

L’Alchimie: pas de bonnes pizzas sans feu (de bois)

Jerôme et Aurélie Choisnet crédit photo Wiliam Bauguil

Dans le midi, dans presque tous les petit villages, on peut aisément trouver un camion pizza qui propose des pizzas de bonnes qualités. Vestiges de la culture méditerranéenne ou véritable tradition quoiqu’il en soit, il n’en est pas de même en Aveyron où la culture de la pizza est moins ancestrale. Il y existe beaucoup de pizzerias, mais nombreuses sont celles qui n’ont pas intégré les secrets d’une bonne pâte .
Amatrice de ce magnifique trésor de la gastronomie italienne, j’en étais venue à me résigner, jusqu’à ce que qu’un ami me conseille l’Alchimie à Baraqueville. Je connaissais le lieu sous un autre nom, mais je ne savais pas qu’il avait changé de propriétaire. Cette information a piqué ma curiosité , j’ai donc poussé la porte de l’établissement et je ne fus pas déçue.

Jerôme Choisnet a ouvert il y a tout juste deux mois et le succès est fulgurant. « Au départ j’avais imaginé vendre environ quinze pizzas par soir mais en moyenne on en vend soixante par soirée. On ne s’attendais pas à un tel engouement ! »
Ce natif de la Réunion, discret et travailleur, officie dans la restauration depuis treize ans. « J’étais militaire de carrière, parachutiste et c’est un problème de santé qui m’a obligé à arrêter et à me reconvertir. J’ai cherché un métier facile d’accès , j’ai donc passé ,à Strasbourg, un cap puis un bac pro dans la restauration. J’ai officié essentiellement en salle. J’ai tout de suite aimé ce milieu. L’intensité du travail, le fait qu’il n’y ai pas de temps mort , le contact aussi. Je suis réservé de nature et la restauration m’a permis d’aller vers l’autre. »

Lorsque je l’interroge sur les raisons de sa venue en Aveyron, c’est l’amour bien sûr ! Dans le cadre de son travail il croise le chemin d’une aveyronnaise qui deviendra sa femme, Aurélie Choisnet. Il pose ses valises ici, dans le Segala Aveyronnais, et après différentes expériences notamment cinq années passées à La loggia (bel établissement ruthénois) , il entend parler de la vente de cet établissement à Baraqueville. « J’avais depuis longtemps, envie d’avoir ma propre affaire d’y impulser un rythme et ma vision. J’habite à deux pas, cette pizzeria avec son four à bois était l’occasion de me lancer à une échelle raisonnable. »

Jérôme se forme alors à Agen spécifiquement au métier de pizzaïolos «  C’est un métier particulier, assez physique, les cuire au feu de bois demande de bien maitriser son outil et ses cuissons ».

Au delà de la grande qualité des pizzas ce qui m’a tout de suite plu c’est que Jérôme s’inscrit dans une démarche eco-responsable assez forte. « Je privilégie autant que possible les fournisseurs du coin. Je travaille avec de la viande d’Aubrac, du miel de Moyrazès fabriqué à deux pas, ou encore des pommes de terre de la ferme voisine. Les bocaux pour les desserts (eux aussi fait maison et franchement délicieux) sont consignés et je mets un point d’honneur à gaspiller le moins possible. J’utilise de l’ail pour faire mon pesto, je ne voulais pas gaspiller ce que je n’utilisais pas alors j’ai imaginé une pizza qui permette de mettre en valeur cet ingrédient. »

Résultat, une liste d’ingrédients retreinte mais des produits frais, de grande qualité et en grande partie locaux. Pendant qu’il répond à mes questions Jérôme prépare les patons qui serviront aux pizzas de la semaine, et qu’il laisse reposer 72 heures. On comprend aisément au regard du travail qu’il fournit que ses pizzas soit délicieuses « Le revers de la médaille c’est qu’avec le fait maison on ne peut pas produire des volumes extensibles à l’infini. Et aujourd’hui je suis au maximum de ce que je peux produire. Peut être que d’ici deux, trois ans, j’aurai les moyens de me faire épauler d’un autre pizzaïolo mais d’ici là je préfère pérenniser mon activité »

Alors si comme moi vous êtes amateurs de pizzas dépêchez vous de commander à l’Alchimie!  Et bonne nouvelle à l’heure où j’écris ces lignes l’Alchimie se munit d’une belle terrasse . Vous pourrez donc bientôt les déguster sur place à l’ombre d’un parasol!

Accords vins et pizzas quelques exemples avec la carte de l’Alchimie

La caractère : sauce tomate, Mozzarella, tomates cerises marinées, champignons frais, coppa, vieux Rodez

Pour ce type de pizza je vous recommande un accord avec un vin aromatique, légèrement épicé mais peu tanique . Un 100% syrah de la Vallée du Rhône septentrionale permettra de jouer l’équilibre entre la sapidité du vin et la délicatesse du touché en bouche qui n’écrasera pas la pizza .Comme la cuvée Muscadelle 100% syrah du domaine Si le vin ou dans un autre registre la cuvée Plaisir du domaine Monplezy.

L’Alchimie : Crème fraiche, Mozzarella, pomme de terre, tomate cerise marinées, pesto alla genovese maison, Roquette

Avec des pizzas blanches mieux vaut privilégier un vin blanc. Il faut un vin suffisamment structuré qui puisse soutenir le gras de la crème fraiche ou la consistance des pommes de terres mais avec une avec aromatique pas trop exubérante.

La cuvée Epouse moi du Pas de La dame ou encore le Chardonnay du Domaine de Coursac. Le chardonnay par son côté floral et suffisamment structuré peut être le bon compagnon pour cette pizza.

La Florine: Sauce tomate, Mozzarella, Champignons frais, Ail rôti, au feu de bois, oignons confits, tomates cerises marinées.

Pour cette pizza forte en parfum, il faut un vin capable de soutenir l’intensité aromatique. La cuvée Roumiou du Mas Baudin au notes de Garrigues, offrira une belle proposition. La cuvée L’eveil du loup du domaine Coste Moure est également la promesse d’un équilibre parfait entre la richesse des parfums et la délicatesse de la structure.

Lou Pesquié: tripous, convivialité et humanité

Lorsque nous nous sommes installés avec ma famille à Lardeyrolles sur la commune de Castanet, j’ai vu qu’il existait dans ce petit village une guinguette estivale associative. Ouverte tout l’été, Lou Pesquié est un lieu charmant où se croise toutes les générations. Il y règne une atmosphère conviviale, bon enfant. Une ambiance de village comme il en existait probablement partout, avant la désertification de nos campagnes. J’ai eu la chance d’assister à l’une de leurs assemblée générale et j’ai été frappé par la bonne ambiance qu’il y régnait. Des gens de tous âges, s’y côtoient. Des natifs de la commune et des nouveaux venus comme moi . J’ai voulu en savoir plus sur l’origine de la création de ce lieu et les motivations de ces bénévoles. C’est Sandrine Serre co-présidente de l’association et dont l’histoire personnelle est intrinsèquement liée à la guinguette, (sa mère Elisabeth Maurel a toujours été dans l’association puis sa fille, sa cousine ainsi que son mari en sont aussi membres), qui a accepté de me raconter la genèse de ce beau projet.

C’est en 1995, que Catherine Malgouyres lance le projet fou de créer une guinguette associative dans le village de Castanet. Le but est de faire revivre le cœur du village . « A l’époque, il y avait trois cafés , une épicerie et peu à peu les commerces ont fermé » m’explique Sandrine.
L’idée prend tout de suite la forme d’ une guinguette sous forme associative. Catherine Malgouyres embarque avec elle quelques bénévoles et obtient le soutien de la mairie. Sandrine se souvient: « Au départ c’était un petit chalet avec trois, quatre tables à l’extérieur, dès le départ il y avait un salarié en cuisine, nous proposions de l’aligot avec des manchons de canards ou du confit de canard. Des plats traditionnels à des tarifs accessibles pour tout le monde » Lorsque je l’interroge sur les difficultés du démarrage Sandrine n’en voit pas. « J’étais jeune au démarrage mais pour moi le Pesquié a fonctionné tout de suite. Il y a d’abord eu les gens du village, puis les gens des villages alentours« 

Petit à petit, la carte s’étoffe, les tables fleurissent, les bénévoles sont au rendez-vous années après année, parfois le Pesquié doit même refuser du monde . Lorsque je la questionne sur les éventuelles difficultés que peuvent engendrer les rapports humains, pour Sandrine là aussi les choses sont simples. « C’est vrai que nous avons tous des personnalités différentes. Il faut qu’elles puissent s’exprimer. Certains vont râler mais seront toujours fidèles au rendez-vous, d’autres sont plus cool , et font les choses tranquillement. Peu importe. Nous avons besoin de toutes les bonnes volontés et en définitive toutes les sensibilités s’expriment et se complètent « 

Comment expliquer un tel succès pour un établissement tenu bénévolement par des amateurs? Sandrine y voit plusieurs raisons. « Cela répond à un besoin fort dans nos campagnes de rencontrer les gens. C’est une organisation simple, saine et transparente et puis le fait que ce soit une association et non une entreprise fait toute la différence. Ce n’est pas un but lucratif, pas d’intérêt à tirer la couverture à soi ou à vouloir rendre Lou Pesquié plus rentable. On préfère faire travailler des fournisseurs locaux que de tirer les prix »
En 2025 Lou Pesquié fêtera ses trente ans parions que la guinguette a encore de beaux jours devant elles.

Les farçous malto/aveyronnais

Les farçous sont un plat typique aveyronnais, une pâte à crêpe  auquel on ajoute des herbes et de la viande. Il en existe de nombreuses versions, vous pouvez les déguster en apéritif ou lors d’un repas accompagné d’une salade. J’ai choisi de vous donner la recette de ma mère car elle est twistée avec ses réflexes de cuisinière méditerranéenne. J’aime bien l’idée que les recettes évoluent. Et puis sans faire offense  aux autres farçous ce sont les meilleurs que je n’ai jamais mangé.

Pour 8 farçous environ

Ingrédients:

Pour la pâte à crêpe:

250 grammes de farine

3 œufs

50 cl de lait

45 grammes de beurre

Pour la farce:

350 grammes de chair à saucisse

150 grammes d’emmental râpé et 45 grammes de parmesan (c’est au niveau du fromage que réside, l’originalité de la recette. Il n’y en a pas normalement mais il y en a dans presque toutes les recettes de ma famille maternelle)

Un oignon

Une gousse d’ail

5 feuilles de blettes

Une fine tranche de lard hachée

Réalisez une pâte à crêpe puis y ajouter la chair à saucisse, le lard et une cuillère à café de sel et de poivre.
Puis l’emmental, le parmesan , l’oignon et l’ail émincés.
Ajoutez ensuite les blettes (préalablement cuites au cuit-vapeur et émincées)

Mélangez bien le tout et laissez reposer au frais au minimum 2 heures

Faire des petits tas avec une cuillère et mettre à cuire dans une poêle bien chaude et huilée.
Aplatir les petits tas et les cuire 4 minutes de chaque côté.
Ajoutez un peu de fleur de sel et dégustez.

Accords mets et vins:

En rouge pourquoi ne pas opter pour un vin local comme la Mitat du domaine Le Verdus à Entraygues le Fel. Un vin rouge rond aux notes d’épices douces et de fruits frais.
En blanc, il faudra un vin avec de la matière pour soutenir le gras des farçous mais avec suffisament de pep’s pour ne pas écraser le côté végétal de ce plat. La cuvée l’arbre blanc du domaine du petit roubié pourrait apporter suffisamment de chair et de gras, grâce à un assemblage de sauvignon, marsanne, viognier et un élevage bien maitrisé.

Les goûts et les couleurs…du vin

Ce que l’on considère comme nos préférences alimentaires est en fait le fruit de notre éducation, notre culture et notre environnement . Dans le vin comme ailleurs, il existe aussi des modes qui participent grandement à forger nos choix. 
Pour autant, de vrais différences de goûts persistent entre les êtres humains. Et c’est mieux ainsi. Depuis mon déménagement du Gard vers l’Aveyron j’ai été particulièrement surprise de constater que deux départements limitrophes, si proches, pouvaient présenter des profils de consommateurs si différents. C’est pourquoi ce mois-ci, j’ai mené l’enquête pour trouver des explications à ces spécificités gustatives.
Alors qu’a Nîmes ou Avignon les vins blancs ne cessent de gagner du terrain, dans l’Aveyron, les vins rouges ont encore la part belle «Cela change, il y a dix ans on vendait, 80% de vins rouges et 20% de vins blancs, aujourd’hui, je dirais que la répartition est plutôt 65% de rouge et 35% de blancs » m’explique Didier Vieillescazes, caviste aux Saveurs des vignes à Bozouls. Si je compare avec mes ventes de vins dans le Gard c’est effectivement plus contrasté que pour Didier.
A Nîmes, Uzès ou Avignon, même si les vins les plus demandés sont encore les vins du Languedoc et de la Vallée du Rhône, la demande s’oriente de plus en vers des vins plus légers, plus faciles à boire, pour l’apéritif ou pour l’été notamment. Les vins plus riches, plus tanniques sont de plus en plus réservés aux belles occasions et pour un accord mets et vins spécifique avec des plats mijotés ou des gibiers.

Certains esprits chagrins diront que c’est une mode. Les vins glouglous sont venus de Paris et ne sont pas encore arrivés en Aveyron, terre rurale et reculée. Effectivement, les vins rouges dits légers, fluides sont une tendance récente très connexe de la mode des vins dits natures. En effet, les vins sans ou avec très peu d’ intrants, sont pour la plupart des vins destinés à une consommation rapide. L’inverse donc des vins de garde structurés et tanniques. Pour autant cette explication me semble insuffisante et légèrement méprisante. Et puis n’oublions pas que les bistrotiers parisiens sont finalement pour beaucoup des Aveyronnais partis à la conquête de la capitale !

Pour Florian Falguières, caviste aux Vins Falguières, à Rodez, cela s’explique par le climat « Dans le Midi, les températures connaissent des augmentations spectaculaires, les gens ont donc envie de plus de vins rafraichissants ». Effectivement, le climat aveyronnais reste plus rude et lorsqu’il fait froid, on se tourne vers des vins plus chauds.

En effet les Aveyronnais(es) recherchent des vins plus riches, plus denses. J’ai été épaté de voir que lors de dégustations professionnelles, pour préparer les cartes d’été des restaurants, les clients préféraient tous des vins rouges avec de la concentration. Pire les vins plus frais, légers, ne sont pas seulement moins consommés mais carrément jugés moins bons. Pour Didier l’explication se situe aussi au niveau des habitudes alimentaires « Nous sommes un pays d’éleveurs, ici nous mangeons beaucoup de viande et pour l’accompagner ce sont des vins rouges puissants. Cela s’est ancré dans nos habitudes alimentaires et donc de consommation. »

Pour Léa Desportes formatrice de la très pointue Ecole des Sens https://lecoledessens.fr/  même son de cloche qui l’explique scientifiquement « Un des facteurs à l’origine du goût prononcé des Aveyronnais.e.s pour les vins rouges très tanniques est à chercher du côté de l’assiette. La cuisine riche de la région, particulièrement les plats de viande, fait bon ménage avec ce type de vin. En effet, les tannins sont des composés végétaux, aussi appelés polyphénols, qui ont la capacité de précipiter les protéines de la salive. Ce phénomène provoque en bouche une sensation de rugosité. Alternée avec l’ingestion d’un mets gras, cette astringence supprime l’impression de lubrification laissée par le gras dans la bouche, tel un « nettoyeur de palais .Il ne faut jamais oublier que le précieux nectar est fait pour être bu à table et les accords mets et vin participent à la construction du goût. »   Cette dichotomie révèle un aspect particulièrement riche et intéressant de notre métier, il ne s’agit pas seulement de vendre du vin mais de vendre le bon vin à la bonne personne et au bon endroit.

Le domaine Pascal Lambert: Pionniers de la biodynamie au service de leurs terroirs

J’ai découvert le domaine Pascal Lambert, au salon Biotop à Montpellier, il s’agit d’un salon off en marge du salon millésime bio. Plus petit et assez pointu, notamment avec beaucoup de domaines portant des vins dits natures. Malheureusement, ce jour là, j’ai goûté énormément de vins déviants mais au milieu de tout cela le domaine Pascal Lambert qui produit des vins de chinon purs, nets et construits. J’ai tout de suite eu envie de travailler avec le domaine.

Aujourd’hui je suis heureuse de vous en apprendre un peu plus sur ce domaine qui est devenu en une trentaine d’années seulement, une référence dans le monde de la biodynamie ligérienne.

Parti de rien, c’est en 1987 que Pascal Lambert s’installe au dessus du village de Cravant-les-Coteaux, avec sa femme, son chien et sa caravane. Il réussit à récupérer au départ 5 hectares et construit son chai. Les premières années sont difficiles, mais assez rapidement Pascal fait le choix de produire des vins pointus en travaillant sur des terroirs sélectionnés et des élevages aboutis capable de mettrent en avant les sélections parcellaires.

Pour cela, il n’hésite pas à aller chercher des terroirs qui l’intéresse. Il complète les sols de plaine alluvionnaires de Cravant-les-coteaux en faisant l’acquisition de nouvelles vignes à Chinon, des calcaires à silex ou encore des calcaires jaunes réputés pour être de grands terroirs. Parallèlement, il affine sa vision de la viticulture et souhaite rapidement, dès les années 90, se tourner vers une autre culture. Il commence, dès cette époque à supprimer les désherbants et les insecticides, c’est en 2005 qu’il est certifie en agriculture biologique et à la fin des années 2000 qu’il passe en biodynamie. A ce moment là, le domaine connaît une véritable croissance tant dans sa taille que dans sa notoriété. Il est aidé par les salons renaissance de Nicolas Joly et le Grenier Saint Jean qui s’opposent aux grands salons du vins de l’époque, et font de la Loire et de certains de ses vignerons une région pionnière dans la viticulture bio et biodynamique.

« Il faut dire que Pascal Lambert croit beaucoup au pouvoir du collectif, il s’engage et se syndicalise. Jusqu’à il y a peu, il était l’administrateur de la Levée de la Loire. Aujourd’hui nous avons créé une association  avec d’autres domaines biodynamistes pour mettre en commun les préparations» m’explique Eric Taunay responsable commercial de l’exploitation depuis dix ans qui s’est fait une place au milieu de la famille Lambert. C’est assez rare un commercial qui reste aussi longtemps dans un domaine. Lorsque je l’interroge, Eric me répond avec franchise « Je m’y sens bien, je peux toucher à d’autres aspects que le commercial pur et ici il y a une philosophie très humaine. Nous avons par exemple un potager commun que nous partageons avec d’autres salariés. Pascal a un fort caractère mais c’est quelqu’un de curieux, ouvert. C’est plaisant. »

Petit à petit Pascal imprime sa forte personnalité dans ses vins . Il affine également les conditions d’élevage des vins. «Il y a 15 ans l’élevage c’était principalement du bois, aujourd’hui on trouve des amphores, des cuves ovoïdes, du grès qui permettent des échanges très intéressants entre le vin et l’air »

Aujourd’hui la gamme compte treize cuvées, sept terroirs différents et de nombreux contenants en bois en terre en ciment ou encore en inox. Cette gamme large permet de trouver des vins pour tous les goûts
Un travail pointu tant dans les vignes que dans la cave qui se retrouve dans le verre avec de jolis vins désaltérants et gourmands aux notes de fruits rouges et salivants tel les Perruches et des vins beaucoup plus ambitieux comme la cuvée « Les Puys », sélection parcellaire issue d’un terroir de calcaire à craie jaune. très bel équilibre entre des fruits bien mûrs et une bouche veloutée avec néanmoins une pointe de tension.

Bonne nouvelle, Beatrice et Pascal Lambert ont un fils, Antoine, ancien boulanger qui a déjà intégré l’équipe et sera prêt le moment venu à prendre la relève. Ce qui laisse présager encore de beaux millésimes au domaine .

Céline Bros: Le cœur, les fleurs et la raison

L’histoire de Céline Bros est particulièrement inspirante, elle dit beaucoup de choses sur l’entrepreneuriat. D’abord, que  c’est en se trompant qu’ensuite on réussit. Très souvent le succès est une histoire de personne et de moment, et pas seulement d’abnégation et de travail. J’avais déjà écrit au sujet de Céline, il y a quelques temps lorsqu’elle avait créée Ramène ta fraiz. Je trouve très chouette de suivre les gens dans leurs évolutions professionnelles car aujourd’hui une carrière ce n’est plus une longue ligne droite mais des changements, des détours, la route est parfois sinueuse et c’est tant mieux.

Céline quitte son emploi dans l’automobile, et monte début 2020 Ramène ta Fraiz. C’est à ce moment là que je fais sa connaissance. Je trouvais le concept super et nous avions collaboré, nous sommes par la suite devenue amies. Elle proposait des produits de bonne qualité en circuit court uniquement, beaucoup de produits bios et de petits producteurs. Et même si elle arrive à ce moment là à aligner son travail à ses valeurs , elle parvient plus difficilement à en vivre.
Céline travaille beaucoup, sillonne le Gard avec son petit camion, mais au bout d’un an, elle fait le constat que son entreprise est difficile à rentabiliser. « Je m’épuisais en voiture, j’avais du mal à développer une clientèle fidèle, j’étais complètement tributaire des approvisionnements des petits producteurs qui bien souvent préféraient vendre eux-même aux particuliers via leur réseau. Je perdais souvent le peu de marge qui me restait en essence. Parfois je livrais un client et je savais que je ne gagnerais rien. » Une nuit d’insomnie, Céline surfe sur les réseaux sociaux et découvre le concept de ferme florale. « Je vois la vidéo d’une jeune femme qui produit ses fleurs et les vends à Paris. Je cherche d’autres exemples de ce genre et en trouve un peu partout en France (Dans l’Aveyron il y a la ferme de Veillac qui propose le même concept), je découvre également le collectif de la fleur française, association qui milite pour soutenir le développement de la fleur française locale et de saison » (Aujourd’hui 80% des fleurs utilisées en France sont importées. Les modes de production des fleurs étrangères sont difficilement traçables, qu’il s’agisse des conditions de travail ou de l’emploi d’intrants qui abîment notre planète) . La graine est plantée dans la tête de Céline. « Je me suis dit qu’elles avaient crée le business model dont je rêvais.  J’ai toujours été passionné de fleurs et j’ai toujours eu besoin d’avoir de la créativité dans ma vie, mais je voulais rester chef d’entreprise. » Et puis parallèlement Céline achète un terrain avec son compagnon et il se trouve un champs juste à côté, que le propriétaire l’autorise à exploiter. « Tout se mettait en place pour que j’essaye ». Ensuite, cela s’enchaîne assez vite. Les étoiles se sont alignées, au printemps 2021 elle stoppe son activité de commerce alimentaire, en juin 2021 elle récupère son terrain qu’elle fait labelliser bio immédiatement, et commence ses premières ventes à Noël avec des couronnes et des fleurs séchées.

L’activité se développe, Céline assure la décoration florale de différents mariages, mais ses revenus ne sont pas encore suffisants pour en vivre pleinement. Elle réfléchit à travailler en mi-temps à côté pour compléter, le temps que son activité se développe. « Je n’arrivais pas à m’installer sur un marché qui soit suffisamment passant, celui qui me faisait rêver c’était Uzés mais il y avait déjà une fleuriste, et en plus c’est une amie. » Finalement, cette amie décide d’arrêter et offre sa place à Céline. C’est une chance inespérée , le marché d’Uzès devient une véritable bulle d’oxygène pour la jeune agricultrice, financièrement bien sûr, mais humainement aussi « Les commentaires des clients me font beaucoup de bien. Récemment un client m’a dit : « je n’aime pas les fleurs d’habitude mais j’aime vos fleurs ! »
Il faut dire que Céline a beaucoup de goût, ses fleurs sont autant un régal pour les yeux que pour le nez. Je dirais aussi que son enthousiasme est palpable et forcément les gens le sentent. Alors si vous voulez découvrir Céline et ses belles fleurs. Rendez-vous le mercredi matin sur la mythique place aux herbes à Uzès .